La Lanterne (politique, sujets de société)

24 mai, 2020

Les enseignements du déconfinement

Classé dans : Economie,Europe,Politique,Sante,sujets de societe — llanterne @ 23:08

Au sortir de ce confinement global des Français (et de près d’1 / 3 de l’humanité), de nombreux enseignements sont à tirer. Quel est le rôle des politiques libérales dans la décision de ce confinement général de l’économie ? Macron a reconnu quelques ratés dans la gestion de cette crise sanitaire, d’ordre structurel selon lui. Sa stratégie est-elle la bonne ? Quelles ont été les erreurs commises ? Quelles seront les conséquences pour l’économie française ? Macron va-t-il réellement changer de paradigme dans sa gestion des politiques publiques hexagonales ? 

Tel qu’il est pratiqué, ce type de confinement généralisé prouverait son inefficacité (relative), selon certains experts. Mais les précédents historiques sont faibles. Outre des mesures locales, c’est inédit en France. Sous Louis XV, pour endiguer la peste de Marseille en 1722 (ayant emporté 1 / 3 de la population de la ville), la cité phocéenne a été mise en quarantaine pendant plusieurs mois. Durant la période contemporaine, face à une épidémie de variole en 1954-55 sévissant dans le Morbihan (la dernière du genre en France), rapportée d’d'Indochine par un appelé, des quarantaines hospitalières ont été mises en place dans le département, jusqu’en avril 1955. Mais c’était circonscrit et local. Par ailleurs, en procédant de la sorte, on joue dans la durée. D’autant plus que le coronivarus ou Covid-19 n’en est peut-être qu’à sa première vague pandémique (la grippe espagnole en ayant connu trois). Il apparaît que ce sont les consignes sanitaires, mais surtout les progrès scientifiques qui sont venus à bout des maladies contagieuses, par le passé. Dans l’histoire, les épidémies et pandémies ont été régulières. Au XXe siècle passé, il y a eu trois pandémies sans aucun confinement décidé : la grippe espagnole (25 – 50 millions, voire 100 millions de morts), la grippe asiatique de 1957 (2 millions de morts) et la grippe de Hong-Kong en 1968 (4 millions de morts). 

Les pandémies ont été régulières (depuis le néolithique), mais aussi les catastrophes dites naturelles ou accidentelles. Les conséquences politiques furent souvent sérieuses (comme peut-être pour le PC chinois, l’UE et les gouvernements en place aujourd’hui). En 430 av. J-C., la peste d’Athènes emporta la moitié de la population et marqua le début du déclin de la cité, selon les historiens. La peste antonine (entre 165 et 190) fit près de 10 millions de morts, diminuant considérablement la population romaine et contribua au déclin de l’Empire romain d’Occident. La grippe espagnole de 1918-19 a fait 2,3 millions de morts en Europe (dont près de 400 000 en France), près de 650 000 aux Etats-Unis. Mais c’est dans les pays du Tiers Monde qu’elle a le plus tué (18 millions de morts en Inde, préparant très certainement les esprits à l’indépendance). Gorbatchev estime dans ses mémoires que la gestion de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (en 1986) par les autorités soviétiques était l’une des causes de la dislocation de l’URSS, survenue cinq ans plus tard (en 1991). Les conséquences économiques sont toujours sérieuses comme aujourd’hui, surtout par les effets du confinement.

Les politiques ont dédramatisé la situation au début, s’affichant en public, comme Macron le 9 mars, avant de décider le confinement au dernier moment quelques jours plus tard. C’est une épreuve psychique imposée, pas si anodine pour l’économie, ayant été privé de notre liberté individuelle par le gouvernement durant deux mois, surtout par son manque de prévoyance, le confinement étant une mesure de dernier recours. La mauvaise gestion de la crise constituera un précédent, car le confinement moderne est moléculaire. C’est cette méthode que nous devrions nous efforcer d’appliquer en cas de 2e vague. Mais encore faudrait-il pour cela en disposer des moyens matériels et intellectuels. Notre société et notre économie ouverte, ultra libérale et sans frontriériste (véhiculée par l’UE) a laissé se délocaliser les productions (masques, etc). Notre dernier fabricant de masques français, situé dans les Côtes- d’Armor et produisant 200 millions de masques par an, a été racheté par le groupe américain Honeywell qui a délocalisé la production en Tunisie, en septembre 2018. Les solutions palliatives sont chronophages dans leur application. Par ailleurs, des erreurs ont été commises par les pouvoirs publics.

L’Alsace n’a pas été placée en quarantaine, en février, en tant que foyer principal, pour confiner les malades jusqu’à leur guérison. Macron n’a pas voulu fermer les frontières, au début de la pandémie, pour protéger le marché européen. Il a cherché à respecter les protocoles de l’UE, très lourds et lents, avant de passer les appels d’offres de masques. Les victimes de la pandémie (26 000 en France, soit approximativement le nombre de décès annuels imputés aux grippes A, B, C et D) sont avant tout des morts de l’économie et de la société ouverte. L’idée européenne (confédérale) s’avère mortelle et fatale pour les Français depuis 1992. Macron cherche ainsi à faire croire qu’il était en avance. Mais ce qui n’est que de la communication politique, stratégique au coeur de nos décisions publiques depuis longtemps, pointant la faillite intellectuelle de nos élites. A ce titre, cette pandémie est révélatrice du déclin français.

Dans le contexte actuel, la France ne dispose plus de sa souveraineté et ne peut mener aucune politique publique d’envergure. C’est le grand bal des hypocrites dans les médias, les « eurobéats » nous promettant hausse des salaires et relocalisations, alors que l’UE par son mode de fonctionnement ne le permet pas. Dans une autre approche exemplaire, le rapprochement esquissé entre Siemens et Alstom (en vue de la création d’un Airbus européen du ferroviaire) a été retoqué par l’autorité de la concurrence européenne, étant pourtant la seule solution pour peser face au géant américain General Electric et aux concurrents chinois émergents dans le secteur. Aucun patriotisme européen n’est favorisé par l’UE, à l’heure actuelle. Mais personne n’est dupe et personne n’y croit. Il s’avère probable que l’Etat soit provisoirement obligé de monter au capital de certaines grandes entreprises (notamment Air France), pour éviter des faillites en cascade.

La crise du coronavirus et le confinement en vingt dessins

Comme le titrait Marianne, « Macron est covidé de sa substance. Qu’a-t-il encore à nous vendre ? ». Avant tout, nous manquions de moyens depuis le début face à cette grippe à la mortalité et à la viralité relative. Tel l’analysait récemment l’historien Arnaud Teyssier dans Le Figaro, la pratique administrative a été subvertie par une insupportable doxa. Le coronivarus a révélé la désorganisation de l’Etat en France, coexistant paradoxalement avec des dépenses publiques très élevées. Certains y voient l’impuissance de l’Etat, d’autres au contraire, celle de son utilité, en étant arrivé à un point « où ce sont les faits qui gouvernent ». Pour citer Arnaud Teyssier la « pandémie met crûment en évidence la fragilité de notre système de santé publique ». Sa réputation reste entière, mais il connaît depuis des années une crise profonde de moyens. Mais aussi existentielle, le malaise des personnels soignants et le départ de nombreux praticiens en sont les symptômes criants.

Ce confinement a infantilisé les Français durant deux mois, les contraignant à circuler avec une attestation, en vue d’un contrôle de police, sous peine de contravention. Ce virus aurait pu être combattu différemment à l’image des politiques de confinement partiel ou moléculaire adoptés par différents pays (la Finlande, l’Allemagne dans certains länders, la Suède ou la Corée du sud), bien qu’il n’y ait cependant pas d’exemples parfaits. En comparaison le nombre de victimes du Covid-19 par habitant est identique à celui de la France en Suède (sans confinement), mais il en ne va pas de même du nombre de lits d’hôpitaux et du personnel hospitalier par habitant (largement supérieur au nôtre) et cela sans les impacts économiques. Il est difficile de prévoir les aléas de toute crise sanitaire, personne n’ayant pu prédire les développements de cette pandémie à ses débuts (fin 2019), on peut naturellement l’accorder. Mais gouverner, c’est aussi prévoir. Face au développement pandémique et au manque de moyens pour y faire face, les autorités publiques n’ont pas eu d’autres choix que de mettre en place le confinement, mais parce qu’elles y étaient contraintes. 

Le président a également voulu protéger ses équipes de conflits d’intérêts nuisant à la macronie actuellement. La tenue du 1er tour des municipales (à forte mobilisation des personnes âgées) était un choix politique, d’autres erreurs ayant été commises (dont la non-mobilisation des 10 000 lits de cliniques privées, la mobilisation des ARS au détriment des médecins,  la non-expérimentation de la chloroquine, parmi d’autres traitements…). Le confinement (décidé à la mi mars) est aussi politique, visant à effectuer l’union sacrée autour de la peur et à éviter la saturation des urgences. Car depuis les années 1980, 13 % des lits ont été supprimés (soit moins de places aujourd’hui qu’en 1995, alors que nous sommes 8 millions d’habitants en plus), tel le rapporte Fanny Vincent (100 000 lits supprimés en 20 ans) et cela alors que la France a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe. La loi oblige chaque département à avoir trois hôpitaux, mais la réforme est mal appliquée (par des technocrates, au lieu de consulter et d’y associer des spécialistes). Ainsi dans l’Orne, on compte sept petits hôpitaux sans service d’urgence. 

Ces réformes néo-libérales ont contribué à un sous-financement de l’hôpital au regard de ses missions et des réponses nécessaires aux besoins de santé de la population. Les conditions de travail des personnels ont été dramatiquement diminué. Nous vivons « l’un des plus importants mouvement social de l’histoire de l’hôpital public », ralenti par les effets de la crise sanitaire et du confinement. Les problèmes conjoncturels n’ont continué à être lu qu’en termes de manque d’organisation. Les patients le payent aujourd’hui au travers cette pandémie, dans la désorganisation des urgences, les soignants étant appelés à effectuer toujours plus d’heures supplémentaires, alors qu’ils sont déjà à bout. Le système manque de moyens et est de plus en plus inégalitaire et ce n’est que le début, d’un point de vue économique, territorial ou social. C’est pour cette raison, que les responsables du secteur sont restés incrédules devant les contradictions du discours de Macron et le résultat pratique de ses politiques.

Face à la « crise sanitaire la plus grave que la France ait connue depuis un siècle », Emmanuel Macron a fait l’éloge de l’Etat providence, le 12 mars, disant sans ciller « la santé gratuite, quels que soient les revenus, la carrière ou la profession, notre Etat providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais notre précieux atout (…) lorsque notre destin est attaqué ». Ce discours ne correspond en rien à sa pratique de la gouvernabilité, de nombreux hôpitaux continuant d’être fermés et les ressources pour la recherche scientifique d’être réduites. Il est difficile de croire à un vrai changement de paradigme pour l’avenir. Bien qu’il déclare que cette pandémie révèle que des biens et services doivent être placés en dehors des lois du marché et que la santé n’a pas de prix. Car cela impliquerait une profonde rupture idéologique avec les réformes néolibérales menées jusqu’alors.

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Macron n’a fait montre d’aucune volonté d’extraire la santé des lois du marché. Mais ce qui est intéressant, c’est d’observer comment ces moments de crise semblent révéler pour les gouvernements l’importance de disposer de services publics forts et efficaces, financés. Depuis plus d’un an, médecins, infirmières, chercheurs se mobilisent pour protester contre la politique néolibérale du gouvernement Macron et dénoncent la dégradation des hôpitaux publics ! Il y a quelques mois, les chefs de services hospitaliers ont démissionné pour protester contre les réformes néo libérales du gouvernement Macron, contre le manque de moyens. Les infirmières françaises sont moins bien payées que les Allemandes (3 533 € contre 4 491 € en Allemagne, soit un salaire inférieur de 21 % en terme de parité de pouvoir d’achat). Bien qu’ayant vanté les vertus de l’Etat – providence dans son récent discours, on voit mal le chef de l’Etat mener une rupture idéologique avec les réformes menées jusqu’alors. 

Sa seule marge de manoeuvre est de changer d’équipe gouvernementale, soit toujours de la communication, utilisant Edouard Philippe comme un fusible (à l’image de tous les chefs de gouvernement de la Ve République), sur fond d’impopularité record (65 % d’opinions défavorables), après les affaires Benalla et Griveaux. Les dirigeants européens, Macron en tête, n’ont plus la mentalité étatique, mais ce type de problème se résolvant au niveau étatique. Les élites politiques européistes ne gouvernent plus, car elles ont cédé l’essentiel de leurs prérogatives à l’UE, certains Etats s’en tirant légèrement mieux (Allemagne, Finlande…), car ayant moins coupé cependant dans leurs dépenses publiques de santé et moins délocalisé leurs productions de masques et infrastructures pharmaceutico-industrielles. Il s’agit de contrôler et contrer un virus, mais le fonctionnement de l’UE ne facilite pas toujours les choses, car ultra libérale et sans frontiériste. Ce qui a conduit aux délocalisations, les pays européens n’ayant parfois plus les outils industriels pour réagir (gels, masques), l’exemple le plus flagrant étant celui de la France.

Un virus n’a pas de frontières, mais il est véhiculé par un porteur qui s’arrête à la frontière avec un passeport. L’espace Schengen doit être supprimé, non pas pour rendre les frontières entièrement étanches et hermétiquement closes, mais pour rétablir un contrôle mesuré, leur rôle de filtrage étant prouvé. Le rôle de l’aviation est à souligner dans la propagation du virus. Après la crise bancaire de 2008, la crise migratoire de 2015, la crise sanitaire actuelle est un clou supplémentaire planté dans le cercueil de l’UE. Un ennemi redoutable nous désarçonne n’ayant plus les instruments intellectuels pour y faire face, alors que nous avons des précédents en matière de gestion des épidémies. En tant qu’idéologie, le néolibéralisme considère la concurrence comme la principale caractéristique des relations humaines. Cette idéologie supprime la notion de devoir collectif et de valeurs communes, en pariant sur l’individualisme, affirmant la suprématie de l’économie et du marché sur les valeurs humaines, valorisant l’intérêt égoïste prévalant face à la solidarité.

L’angoisse du futur se nourrit aujourd’hui des vrais problèmes ressentis, le chômage et la précarité du travail en augmentation, la baisse du pouvoir d’achat, l’effondrement de l’ascension sociale, la retraite qui va vers la capitalisation, le manque de logements pour les couches sociales les plus populaires et tous les autres problèmes causés par la mondialisation inclusive. Il faut le retour à l’emploi et à l’indépendance nationale. Le système économique néolibéral et son idéologie ne peuvent plus être viables, car présentant un grand risque de déstabilisation de notre société. Cette crise démontre la vulnérabilité d’un système où 20 % de la production industrielle dépend de la Chine, tel l’analyse Daniel Cohen, chef du département économique de Normal Sup. Libre et affranchi de tout patriotisme économique, notre système engendre la destruction des industries locales, chômage de masse causé par la déindustrialisation, allant jusqu’à omettre le passé politique de la Chine communiste, pourtant exemple de capitalisme d’Etat pragmatique et assumé.

Le patriotisme économique consiste à entreprendre en suivant les principes de souveraineté, de sécurité et d’indépendance nationale, redécouverts aujourd’hui à l’occasion de cette crise sanitaire mondiale. Ce sont des principes essentiels à une politique économique pragmatique, fondée sur le réel, « et également soucieuse d’apporter un écosystème juridique, financier et fiscal favorable à la création des entreprises et à leur développement », pour citer Jean -François Ferrando, président de la CNTPE (Confédération Nationale des Très Petites Entreprises), dans un récent entretien dans Figarovox. C’est ce que l’on appelle l’intelligence économique. Elle concerne autant le marché intérieur qu’international. Cette démarche patriotique et intelligente est promue par Macron, mais les profils chargés de la mettre en oeuvre sont inquiétants. La France est pourtant le seul pays en Europe à disposer d’une école de guerre économique. Il nous faut un système économique libéral s’arc – boutant sur une forme d’indépendance nationale avec une pointe de keynésianisme.

Dans une autre approche, l’essayiste Maxime Tandonnet déplore la culpabilisation dont de nombreux Français font l’objet dans le contexte de la pandémie de coronivarus, les signaux contradictoires reçus constituant le coeur de la question. Tel ce – dernier l’analysait dans un récent article du Figaro, « la crise qui nous frappe est aussi le fruit des défaillances de la France d’en haut ». Le fossé séparant les élites médiatiques et dirigeantes de la majorité silencieuse est confirmé par cette crise sanitaire, le discours dominant ne lésinant « pas sur la culpabilisation de la population ». La mode est à fustiger les Français qui auraient manqué de civisme, au début de la pandémie. Alors qu’en dépit d’effets ponctuels de panique (prises d’assaut des gares pour rejoindre la province et rayons féculents des magasins dévalisés), ces comportements caricaturaux ne sauraient prévaloir de l’état d’esprit général d’une nation. Les Français (la « vile multitude » comme disait Thiers) ont été constamment stigmatisés pour leur supposée indiscipline, notamment par les élites médiatiques, alors que le confinement a été respecté par 95 % d’entre eux, des mouvements de contestation ayant eu lieu à Berlin et en Chine, ce qui n’a pas été vu en France à titre de comparaison.

Les médias ont même paradoxalement été jusqu’à fustiger les 45 % de Français s’étant déplacés pour aller voter. Le pays devient le bouc émissaire des défaillances, à savoir la France périphérique des gilets jaunes. « L’étrange défaite » de Marc Bloch n’a pas pris une ride. Selon l’auteur, la terrible débâcle de 1940 est le « produit intellectuel des élites dirigeantes, de l’affaiblissement de la culture générale, historique et littéraire ». Comparaison n’est pas raison, mais la crise sanitaire actuelle a en point commun une faillite intellectuelle. Sur le plan économique, en dépit de la culpabilisation sous – jacente chez certains entrepreneurs face aux aides de l’Etat français (prêts garantis, remboursement du chômage partiel, report de charges sociales et fiscales…), tel l’analyse l’IFRAP (très libéral), aux analyses parfois intéressantes, ce n’est qu’un juste retour d’un Etat pressurant leurs marges « par l’impôt et les charges depuis des années ». Alors que les mesures sanitaires du déconfinement sont complexes à mettre en place pour les TPE et PME, avec pour seule protection des fiches de sécurité, la responsabilité pénale du dirigeant étant engagée pour les entreprises qui ne sauront ou ne pourront pas les mettre en application.

Pour l’instant, seuls les indépendants peuvent bénéficier d’une aumône de 1 500 euros, lorsqu’ils sont éligibles. Toute relance doit s’accompagner « d’un plan massif de baisse des impôts de production et des charges des entreprises », en particulier des PME, TPE et indépendants. Le plan de reconstruction annoncé ne doit pas être un énième plan de dépenses. Il faut aussi déverrouiller le code du travail et repousser l’âge de la retraite à 65 ans, parmi d’autres réformes. Il faudrait diminuer le niveau de prélèvements obligatoires et réduire les dépenses et le déficit public, mais les économies n’étant pas à faire dans les secteurs régaliens (santé, armée, police, justice…). Sans quoi, la « cocotte – minute » des colères françaises risque d’exploser. C’est dans la réforme de l’Etat que Macron, présenté tel un président clivant, agaçant, voire arrogant, doit réussir. Depuis peu lancé en politique, ce jeune banquier d’affaires a réussi un coup de poker électoral, face au vide laissé par le hollandisme, le sarkozysme et le chiraquisme dans la classe politique française (après 14 ans de mitterrandisme). Mais qu’en est – il de ses qualités réelles, connaissant son inexpérience ? Certes, il hérite d’une situation mais la politique qu’il mène, son européisme ne le prédestinent pas à changer de paradigme.

Il ne faudra d’ailleurs pas augmenter les impôts, mais les baisser (avec 160 milliards d’euros de recettes fiscales en plus, en 2018), en parallèle de ce plan de relance. Par le poids et le coût de la CSG, les employeurs français sont déjà assommés de charges. L’ISF ne doit pas être rétabli, mais remplacé par une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, s’accompagnant d’une taxation des patrimoines et des revenus des Français établis à l’étranger, sur l’exemple américain. Une légère augmentation de la TVA est envisageable, associée en parallèle à un plan de réduction des déficits, en touchant aux paniers percés de la République. Près de 100 milliards d’euros pourraient être économisés, tous les ans, sans parler de l’exil fiscal, si la France était plus attentive à ses dépenses, tel l’a démontré Jacques Marseille, en coupant dans les dépenses des collectivités locales, de manière indolore et sans couper dans les aides sociales, mais en touchant à la gabegie de certaines dépenses publiques (suppression des doublons au niveau local, maîtrise des dépenses de communication des collectivités locales, suppression du Comité Economique et Social et des placards dorés ou fusion avec le Sénat, regroupement de communes, diminution du nombre d’élus). 

Le hastag #OnApplaudit témoigne de la solidarité dans les villes envers les personnels soignants. Mais après cette crise, tel l’a déclaré Thomas Porcher « il faudra que les dirigeants rendent des comptes aux Français et expliquent les raisons » de la casse de notre système hospitalier. Les mesures de déconfinement sont complexes à mettre en place pour les PME et TPE, dont les cafés – restaurants (dont près de 50 % craignent une faillite dans les 3 mois). Cette crise sanitaire (digne du scandale du sang contaminé) ne restera pas sans conséquences pour le pouvoir macronien, l’organisation de notre système de santé et la dette publique. Sur le plan social, le mouvement des gilets jaunes risque de reprendre dans une rentrée qui s’annonce explosive, voire révolutionnaire, tel l’histoire l’a parfois démontré, au lendemain des catastrophes et pandémies…

 

                                                                                                                                                                            J. D.

29 avril, 2020

Carnet littéraire – Coups de coeur

Classé dans : Culture,Focus litteraire — llanterne @ 22:30

« La Peste », Albert Camus, Folio

A l’aune de ce confinement, je me suis replongé dans la lecture de ce chef – d’oeuvre d’Albert Camus, La Peste. Dans une autre approche philosophique, ce qui est intéressant dans la solitude du confinement, c’est le destin collectif résultant d’une somme de destins individuels dans ce type de crise. En témoigne le rebond des ventes du roman La Peste d’Albert Camus, premier grand succès littéraire de l’écrivain (prix Nobel 1957), couplé au soixantième anniversaire de sa mort. La ressemblance est prophétique, y étant décrit la ville d’Oran, en Algérie alors française, dans les années 1940, où s’abat une épidémie de peste dans l’insouciance du printemps. Y est témoigné dans ce roman, toute la pugnacité des médecins et du préfet pour tenter de juguler l’épidémie par les mesures appropriées. Mais surtout ce roman témoigne avec justesse des attitudes collectives face à une crise sanitaire (nettement plus grave et sérieuse, du moins sur le plan de la mortalité, dans le roman).

Le roman souligne l’aléatoire et le subjectif de la vie, s’avérant que nous sommes tous peu de choses (parfois), face à la maladie. C’est une méditation sur le mal, l’absurdité mais aussi la solidarité humaine, au travers cette lecture pas si anxiogène qu’il n’y paraît. C’est un portrait d’une société à qui on a ôté les libertés fondamentales. On y trouve différents personnages : Bernard Rieux, médecin oranais pragmatique et luttant contre la maladie, les autorités décidant le confinement de la population oranaise, Rambert, journaliste cherchant à fuir la ville, Tarrou tenant une chronique quotidienne sur l’évolution de la maladie, Paneloux, prêtre jésuite voyant dans la peste une malédiction divine. La Peste était aussi une allégorie du nazisme, dans le contexte de l’après-guerre.

Ce qu’il en ressort est que les hommes sont plutôt bons que mauvais, du moins selon Camus. « Chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne au monde n’en est indemne… ». Vu sous un autre point de vue, le confinement est une épreuve psychique à ne pas sous-estimer pour certains, susceptible d’engendrer : anxiété, dépression, frustration. Ce type de quarantaine ne se révèle pas être une expérience anodine, nécessitant parfois un soutien psychologique approprié. A ce titre, la médecine se fait le relais des crises d’angoisse et des insomnies ayant suivi la courbe de l’épidémie actuelle. S’y ajoute la peur pour l’entourage, le sentiment personnel de vulnérabilité face à la maladie dans une impermanence des choses, la crainte certes non réellement justifiée (mais réelle chez certains) d’une catastrophe sanitaire généralisée.

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11 avril, 2020

Un confinement sans précédent historique

Classé dans : Economie,Europe,International,Politique,Sante,sujets de societe — llanterne @ 3:13

C’est une mesure inédite en France (inefficace et inappropriée selon certains). Prolongeable initialement jusqu’au 15 avril, il a été annoncé, mercredi 9 avril, la reconduite du confinement par le gouvernement au moins jusqu’à la fin avril – début mai. Ces mesures sont globalement respectées en France, par les 67 millions de Français. Près d’un tiers de l’humanité serait touché par ces mesures de confinement, à l’heure actuelle. Certains pays annoncent des scénarios de sortie, ce qui n’est pas encore envisagé en France. Alors que l’épidémie de coronivarus ou Covid-19 a tué plus de 53 000 personnes en Europe et plus de 102 026 dans le monde, pour l’instant, le pic des contaminations n’est toujours pas atteint, semblerait-t-il. Les précédents historiques (notamment celui de la grippe espagnole, de la variole) et les comparatifs sont intéressants à établir. 

Le confinement généralisé s’avère-t-il réellement efficace et utile pour enrayer une épidémie ? Peut-on comparer le coronivarus et la grippe espagnole de 1918 – 19 ? Beaucoup accusent la mondialisation d’être responsable de la diffusion si rapide du virus dans un monde, entre guillemets « sans frontières ». En combien de temps le virus s’est-il répandu, à l’époque de la grippe espagnole ? Comment ont réagi les gouvernements à l’époque ? Quelles ont été les conséquences sociales ? Quelles ont été les mesures prises ? Ont – elles été effiaces ? Peut-on espérer les mêmes prodigieuses avancées de la science, aujourd’hui ? En quoi ce confinement impacte-t-il notre moral et aussi l’économie française ? Le roman « La Peste » d’Albert Camus nous apprend sur les attitudes collectives face à une épidémie, toutes proportions gardées. Ce sont là autant de questionnements soulevés autour de la gestion de cette crise sanitaire.

Le coronavirus ou Covid – 19 (acronyme anglais de coronivarus disease) est une maladie infectieuse émergente de type zoonose virale, causée par une souche de coronivarus SARS-CoV-2. Apparue à Wuhan en Chine centrale en novembre 2019 avec des cas inhabituels de pneumophatie. Qualifié de pandémie dès mars 2020 par l’OMS, il se propage dans le monde entier (soit sur les cinq continents). La maladie a justifié de sévères mesures chinoises de confinement en janvier 2020. De nombreux pays prennent à leur tour des mesures similaires, provoquant des fermetures de frontières, un brusque ralentissement de l’économie mondiale et un krach boursier le 12 mars 2020.

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C’est en Chine, en Iran, en Europe de l’ouest (en Italie, en Espagne, en moindre mesure en France) et aux Etats-Unis, qu’il a fait le plus de victimes, pour l’instant. Se développant sous une forme bénigne dans 85 % des cas, à la contagiosité très forte (près de 1 700 000 cas confirmés, dans le monde officiellement), le Covid-19 reste sans comparaison avec le H1N1 ou grippe espagnole (ayant fait des ravages en 1918 – 19 dans le monde entier), sur le plan de la mortalité. Mais néanmoins, elle reste non négligeable chez les personnes âgées et vulnérables sur le plan respiratoire. Près de 20 000 malades (souvent âgés) décèdent de la grippe classique (A, B, C ou D) ou de maladies respiratoires diverses et variées, chaque année, en France (comptabilisés parmi les 610 000 décès annuels).

La mise en place de ce confinement général vise à éviter l’engorgement des urgences. Au fur et à mesure que l’épidémie de Covid-19 progressait en France, on a assisté à une intensification progressive des mesures prises par le gouvernement, face à une crise sanitaire, semble-t-il relativement mal gérée. La préfecture de police de Paris vient par exemple d’interdire désormais depuis le mardi 7 avril, toute pratique d’activité physique à l’extérieur entre 10 h et 19 h, même avec une attestation obligatoire de sortie.

Tel qu’il est pratiqué, ce type de confinement prouverait son inefficacité, selon certains experts, mais cela dit les précédents historiques sont faibles. A l’exception de quarantaines localisées comme la dernière fois, dans le cas de la variole en 1954-55 dans le Morbihan, c’est une première en France. Par ailleurs, en procédant de la sorte, on joue dans la durée, sachant d’autant plus que le coronivarus ou Covid-19 n’en est peut-être qu’à sa première vague pandémique, la grippe espagnole en ayant connu trois. Mais quels sont les précédents dans l’histoire, sur le plan de la gestion d’une crise sanitaire ?

Une épidémie (du grec epi = au-dessus et demos = peuple) est l’apparition et la propagation d’une maladie infectieuse contagieuse (cutanée, respiratoire…) et potentiellement mortelle. Elle frappe en même temps et en un même endroit un grand nombre de personnes, telle l’épidémie de grippe. Si elle se répand sur une large zone géographique, on parle de pandémie (du grec pan = tous). L’histoire nous a ainsi laissé quelques traces de ces pandémies ayant terrorisé les sociétés humaines (et cela depuis la plus haute antiquité), avec des répercussions économiques, politiques et sociales. Outre l’application de mesures ponctuelles de confinement, il apparaît que ce sont toutefois les consignes sanitaires et surtout les progrès scientifiques qui sont venus à bout des maladies contagieuses.

Dans l’histoire, les pandémies ont été régulières, quelque soit leur mode de transmission (respiratoire, cutané, sexuel…). Elles suivent l’histoire de l’humanité depuis le néolithique. Au rang des maladies célèbres, la lèpre est souvent citée (déjà dans la Bible), mais aussi la syphilis (MST), autrement appelée vérole (Beaudelaire, Maupassant, Daudet…), la peste découverte par Pasteur en 1894, la tuberculose qui fit des ravages en Europe au XIXe siècle. Les routes marchandes ont contribué à la diffusion des épidémies.

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Endémique et chronique de l’Antiquité à son éradication par le vaccin en 1977, la variole (circonscrite initialement à l’Europe) fut diffusée par les navigateurs européens dans le Nouveau Monde, au XVIe siècle. A l’image d’autres maladies contagieuses disparues comme la suette miliaire ou encore la coqueluche (ou le tac ou le horion). La diphtérie est enrayée par la vaccination en 1924.

Le choléra est une autre infection (de type diarrhéique aigüe). Sans vaccin connu, il reste une menace selon l’OMS pour la santé publique mondiale. La grippe classique (A, B, C et D), la plupart du temps bénigne, peut évoluer vers plusieurs types de complications mortelles pour les plus fragiles. On peut citer le virus Ebola (en Afrique), le Sida (MST officiellement apparue en 1981, officieusement dans les années 1960), l’hépatite C, le Sras de la famille des coronivarus.

Le chinkungunya et la fièvre jaune sont deux maladies tropicales infectieuses transmises par les moustiques, comme le paludisme ou la malaria. La fièvre jaune toucha l’Italie méridionale et fit des ravages dans les Etats du sud des Etats-Unis. Elle remonta même jusqu’à New-York et Philadelphie à la fin du XVIIIe siècle (incitant Georges Washington à quitter ce qui était alors la capitale des Etats-Unis). Dès la haute antiquité, jusqu’à l’époque moderne et contemporaine, les quarantaines, confinements et cordons sanitaires ont été mis en application, notamment en Europe, pour endiguer les épidémies et pandémies, mais toujours à titre local et jamais à cette échelle.

Lutte contre le paludisme: un concours de créations pour la ...

Dans l’histoire contemporaine, il y a eu trois pandémies au XXe siècle : la grippe espagnole (25 – 50 millions, voire 100 millions de morts selon certains analystes), la grippe asiatique de 1957 (2 millions de morts) et la grippe de Hong-Kong en 1968 (4 millions de morts). Les deux dernières ont la particularité d’avoir été circonscrites à l’Asie, d’où est parti le coronivarus. Les conséquences politiques furent souvent capitales dans l’histoire, comme elles pourraient l’être notamment pour le PC chinois (dans la minimisation des statistiques officielles) et l’Union européenne (par absence de solidarité suffisante entre Etats européens, dans la gestion de la crise sanitaire), par exemple.

Dans Athènes assiégée par Sparte en 430 av. J-C., une subite épidémie de peste décima un tiers de la population de la ville (soit 200 000 habitants). C’est la première pandémie documentée de l’histoire, probablement en réalité une fièvre typhoïde. Elle marqua le début du déclin d’Athènes et fut décrite par l’historien Thucydide, lui-même touché par la maladie, ainsi que par l’homme d’Etat athénien Périclès qui en est mort. La peste antonine frappa l’Empire romain à la fin de la dynastie du même nom (durant les règnes de Marc Aurèle et Commode entre 165 et 190). C’est sans doute l’épidémie la mieux documentée de l’époque antique, certains scientifiques pensant toutefois, qu’il s’agissait plutôt de la variole. Certains historiens considèrent qu’elle marque le début du déclin de l’empire romain d’occident.

La dynastie antonine – les Antonins – lui a donné son surnom, l’Histoire Auguste nous l’ayant décrit. Aucune mesure de quarantaine ne fut prise, semble-t-il, car jugée inefficace. C’est pour se protéger de la peste noire qui fit des ravages au milieu du XIVe siècle en Europe et en Asie (ramenée peut-être de Chine par un navire vénitien), que l’on prit les premières mesures connues et documentées de confinement, à titre local. Elle fit des ravages, notamment au XIVe siècle (7 millions de morts en France sur 17 millions d’habitants, 75 millions de morts en Europe soit de 30 à 40 % de la population européenne de 1347 à 52 et de 30 à 40 % de la population chinoise). Les premières mesures documentées d’isolement des navires provenant de zones infestées apparaissent à Dubrovnik (Croatie) en 1377, puis à Venise (Italie) à partir de 1423. Mais il y eut aussi d’autres épidémies de peste (Barcelone en 1590, Milan en 1630, Marseille en 1720 et la peste des chiffonniers à Paris en 1820). « La méthode ressemblerait à ce qui a été fait pour lutter contre l’épidémie de peste, notamment la dernière à Marseille en 1720″, mais alors localement.

Cette épidémie constitue un précédent historique de confinement, l’un des seuls dans l’histoire de France, note l’historien Jean-Yves Le Naour auprès du Figaro. Elle fut propagée à partir d’un navire en provenance du Levant (probablement de Syrie), dans le port de Marseille, la maladie s’étant rapidement étendue dans la cité phocéenne (entraînant entre 30 000 et 40 000 décès sur 80 000 à 90 000 habitants), avant de se propager à toute la Provence. Sur le plan concret, « les foyers de peste étaient isolés du reste de la population ». Ainsi, « on laissait mourir les malades pour protéger les autres ». C’était ainsi le seul moyen connu et mis en pratique, à l’époque, pour lutter contre la propagation d’une maladie virale de ce type. Cependant, à la différence d’aujourd’hui, il s’agit là alors d’une mesure très localisée.

A l’époque, les déplacement étaient très restreints, surtout le fait de camelots, marchands ambulants et employés de services publics. Des « murs de la peste » ont été mis en place dans le Vaucluse en 1721 sur 27 kilomètres pour protéger la région. Ils sont gardés par des soldats, des gendarmes qui avaient ordre de tirer sur tous ceux qui tentaient de sortir du périmètre. Il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour le royaume. C’est le règne de Louis XV, le bien puis le mal aimé. Mise en quarantaine, la ville de Marseille a vu la peste disparaître petit à petit, à partir de 1722. On peut citer la technique du « cordon sanitaire », le terme naissant en France au XIXe siècle, lorsqu’en 1821, Paris envoie 30 000 soldats et gendarmes pour fermer la frontière avec l’Espagne, dans les Pyrénées, afin d’empêcher la diffusion d’une épidémie de fièvre jaune.

n° 53 | Question sociale | Fabienne Chevallier | Arts & Sociétés

La grande vague de choléra ayant touché le continent dans les années 1830 sert de toile de fond au roman « Le Hussard sur le toit » de Giono dans une Provence ravagée par la mort et la désolation. Le premier cas fut attesté en France, le 26 mars 1832. Elle entraîne des mouvements d’hystérie collective. A Paris, la foule en délire massacre même quelques personnes accusées d’avoir empoisonné l’eau des puits. Elle fit environ 100 000 victimes, dans le pays, dont 18 402 à Paris. Le président du conseil Casimir Périer en est même mort, le 16 mai 1832. L’épidémie a remonté la vallée du Rhône jusqu’à Lyon, puis Paris avant de s’éteindre d’elle-même en septembre – octobre 1832. Mais aucune mesure de ce type (quarantaine, confinement) n’a été prise. Selon l’historien Jean-Yves Le Naour, jamais une mesure de confinement d’une telle ampleur n’a été prise dans notre pays.

Même lors de l’effroyable épidémie de grippe espagnole, ayant fait entre 20 et 50 millions de morts entre 1918 et 1919, occulté largement par la 1ère guerre mondiale de 1914 – 18, le pays ne s’est pas mis en quarantaine. « La France avait un fléau tout aussi mortel à gérer, la guerre ». A Vannes, dans le Morbihan (en Bretagne), une épidémie de variole a marqué les mémoires, entre décembre 1954 et mai 1955. C’est la dernière recensée en France, ayant causé le décès de 16 personnes pour 74 cas, vraisemblablement causée par un appelé rapatrié d’Indochine, en 1952. Circonscrite à la région vannetaise, au début, elle entraîna le 1er janvier 1955 une mise en quarantaine du service pédiatrie et des patients à l’hôpital Chubert de Vannes. D’autres cas se déclarent en France dont un semblable à l’hôpital Michel-Lévy de Marseille, où sont recensés 45 cas dont un décès. Une campagne de vaccinations collectives de 250 000 habitants de la circonscription vannetaise, à partir du 6 janvier, 570 000 vaccinations à Marseille, 600 000 Parisiens souhaitant se faire vacciner et le ministère de la santé souhaitant atteindre les 11 millions de Français vaccinés.

A partir du mois de février, aucun nouveau cas n’est signalé et la quarantaine de l’hôpital Chubert de Vannes est levée en mars 1955. La dernière épidémie de variole en France se termine le 11 mai 1955. Pour la journaliste scientifique Laura Spinney, les mesures d’urgence adoptées en vue d’enrayer la propagation de l’épidémie de grippe espagnole en 1918 – 19 sont relativement similaires à celles décidées par les pouvoirs publics à partir de mars 2020, en France, face au coronivarus. D’ailleurs, nos systèmes de santé actuels sont largement les produits de cette pandémie historique. Emmanuel Macron a ainsi déclaré, que cette crise sanitaire était la plus grave depuis un siècle (faisant implicitement référence à la grippe espagnole de 1918 – 19).

Dangereuses manipulations: Le virus de la grippe de 1918 a été ...

Il apparaît cependant difficile d’établir une comparaison entre une épidémie en cours et une épidémie révolue. Sachant que les statistiques relatives à la grippe espagnole restent très contestées, avec une fourchette très large, car il était très difficile de comptabiliser à l’époque, tel l’analyse Laura Spinney. Les pertes du conflit et des maladies pulmonaires liées à l’effet de l’utilisation des gaz viennent s’y ajouter. Selon les estimations, lors de l’épidémie de 1918 – 19, il y a eu entre 25 et 50 millions de morts, le taux de létalité des cas étant estimé à hauteur de 2,5 % !, explique-t-elle. La grippe espagnole était 25 fois plus dangereuse qu’une grippe classique, est-il estimé et établi. En ce qui concerne le coronivarus, sans certitude actuelle, le taux de létalité se situerait autour de l’ordre de 1 %.

Par contre, il s’agit aussi d’un nouveau pathogène au taux d’attaque très élevé. Les différences restent nombreuses, la grippe espagnole ayant la spécificité de toucher plus sérieusement des malades entre 20 et 40 ans, ce qui l’a rendu si désastreuse. Le coronivarus touche plutôt les personnes âgées de plus de 60 ans (la moyenne d’âge du patient en état critique étant de 80 ans), mais avec des tendances évolutives et en manquant du recul nécessaire. Sur le plan de sa diffusion, on sait que la grippe espagnole s’est déployée en trois vagues principales. La première a été modérée et ressemblait à une grippe saisonnière, de mars à juillet 1918. La deuxième a été plus virulente de septembre à mi – décembre 1918, où il y a eu la plupart des décès. Elle fut suivie d’une troisième nettement moins virulente, de mi – janvier à début avril 1919 en Europe de l’ouest notamment, en Asie jusqu’en juillet 1921.

Rétro OURS : La presse socialiste et la... - Office universitaire ...

La plupart des morts ont eu lieu en trois mois. Une forme de mondialisation était déjà existante à l’époque (comme depuis la plus haute antiquité), même si elle était beaucoup plus lente. La guerre a été un des facteurs déterminants, les scènes de liesse de l’Armistice, le 11 novembre 1918 accélérant la propagation et la diffusion du virus, au sein de la population. Les pénuries sont continues et la malnutrition généralisée dans les pays belligérants (particulièrement en France, en Belgique et en Allemagne), l’infection atteignant des populations malnutries, fatiguées, etc. Ainsi, les systèmes immunitaires étaient fragilisés par les privations subies durant quatre ans.

14-19 [L'actualité de l'époque] – La grippe espagnole | Compagnie ...

La population ignorait à peu près ce qui l’attendait. En septembre 1918, la mortalité du virus devient supérieur à la normale (les malades décédant en quelques heures d’une fièvre et d’une pneumonie foudroyante). A partir de fin 1918, cela a été effrayant. Certains scientifiques estiment que les conditions sanitaires inhérentes au conflit ont contribué puissamment à la virulence du virus dans sa diffusion. En temps normal, une nouvelle souche de grippe voit son acerbité fortement modérée avec le temps, par adaptation rapide du système immunitaire du malade. La souche n’a de surcroît pas intérêt à tuer l’hôte qui l’héberge.

C’est ainsi que les grippes saisonnières connues commencent par des grippes pandémiques, se calmant avec le temps. Mais elles emportent juste les personnes très âgées ou très affaiblies, aux systèmes immunitaires déficients. Tout cela a contribué à l’exceptionnelle fougue de ce virus et à son prolongement dans la contagion, tel le rapporte un spécialiste.

Coronavirus, Sras, pestes, grippe espagnole... la perpétuelle peur ...

Le virus H1N1 mute rapidement. Il apparaît le 4 mars 1918 dans un camps militaire américain de Funston au Kansas. La maladie s’y étend, contaminant les Sammies, qui le répandent en débarquant en Europe (le premier cas apparaît en France dans un camps militaire à Rouen). Les pays belligérants ont essayé de cacher l’épidémie pour ne pas nuire au moral des populations, cachant son nombre de victimes (civiles ou militaires, car secret d’Etat). L’Espagne étant neutre pendant le conflit, il n’y avait pas de censure et la presse espagnole en a parlé la première, d’où son surnom de « grippe espagnole ».

Puis les gouvernements ont été obligés d’agir. Ce qui est intéressant à observer, c’est qu’ils ont alors mis en place exactement les mêmes recommandations qu’aujourd’hui (distanciation sociale, quarantaine, isolation, masques, lavage de main…), mais sans confinement généralisé. Seuls ont été interdits après le 11 novembre, les rassemblements de plus de 1 000 personnes. Nos réactions face à une pathologie inconnue sont identiques à celles de nos aïeux. Il est rapporté également par un journaliste, les débats dans un grand journal parisien de l’époque sur l’utilité de la désinfection des espaces publics parisiens, inefficace selon un expert de l’Institut Pasteur. La grippe espagnole est la cause de près de 400 000 décès en France, la plupart entre septembre et mi – décembre 1918.

Ciné-Fȇte - La grippe espagnoleIl y a 100 ans, la grippe « espagnole » s'abattait sur le monde ...

Elle a emporté notamment le poète Guillaume Apollinaire, le journaliste et député Pascal Ceccaldi, la dramaturge Marie Lenéru, le pionnier de l’aéronautique Léon Morane ou encore l’écrivain et metteur en scène Edmond Rostand. Dans les victimes étrangères célèbres, on peut aussi citer Rodrigues Alves (président du Brésil), Louis Botha (premier ministre de l’Union sud-africaine), John H. Collins (acteur, réalisateur et scénariste américain), François-Charles de Habsbourg-Lorraine (archiduc d’Autriche). Mais on peut mentionner encore Franz Kafka (écrivain tchèque) et Max Weber (journaliste, économiste et sociologue allemand). Au temps de la grippe espagnole, il y a des effets de peur et de panique ponctuels, notamment à Rio de Janeiro, comme aujourd’hui, avec la prise d’assaut des rayons féculents des enseignes alimentaires.

Globalement, dans l’ensemble des pays belligérants, la population était épuisée et résignée après quatre ans d’un conflit meurtrier, relativisant les effets du fléau, voire y voyant « la confirmation mystique d’une apocalypse ». Les théories du complot étaient déjà présentes, soit les « fake news » de l’époque. Certains affirmaient que la grippe H1N1 était due aux miasmes s’élevant des champs de bataille de la moitié nord-est de la France. Et aux Etats-Unis, que le virus était une arme bactériologique que les Allemands avaient déposés sur les plages américaines. Les conséquences économiques de la grippe espagnole sont incalculables, d’autant qu’elles se mêlent étroitement à celles de la guerre. Elle a probablement ralenti le progrès des sociétés touchées pendant plusieurs années, sinon des décennies.

Tel cela pourrait être le cas, aujourd’hui, selon certains économistes, dans certains pays en voie de développement atteints par le coronivarus. Surtout par les effets économiques du confinement, si l’épidémie était amenée à durer. L’épidémie de grippe espagnole (virus H1N1) a eu parfois des conséquences inattendues. Nous avons une mémoire très occidentale de cette grippe, mais c’est dans les pays du Tiers Monde qu’elle a le plus tué (18 millions de morts rien qu’en Inde, où elle a très certainement préparé les esprits à l’indépendance et de 4 à 9,5 millions de morts en Chine, selon les estimations). Elle a fait 2,3 millions de morts en Europe occidentale, entre 500 000 et 675 000 morts aux Etats-Unis. Elle disparaît finalement d’elle-même, après avoir fait le tour de la planète.

La grippe espagnole a eu également ce qu’on appelle un « effet moisson », selon certains scientifiques. Nos systèmes de santé actuels sont largement les produits de la pandémie de 1918 – 19. On s’est rendu compte de la nécessité de la mise en place d’une médecine socialisée, afin d’affronter les épidémies ne pouvant être traitées individuellement. Ce qui a stimulé les sciences embryonnaires (après les travaux antérieurs de Pasteur), telles la virologie et l’épidémiologie. Cette pandémie de coronivarus ou Covid-19 aura des répercussions en matière de gestion de la crise sanitaire et de recherche virologique. La grippe a espagnole a aussi contribué à la naissance des premières agences globales de santé (l’OMS) et des outils de surveillance. Aujourd’hui, cette pandémie nous interroge sur les financements de nos systèmes de santé confrontés à un relatif vieillissement de la population.

La discrimination envers les seniors est mauvaise pour leur santé ...

Dans une autre approche philosophique, ce qui est intéressant dans la solitude du confinement, c’est le destin collectif résultant d’une somme de destins individuels dans ce type de crise. En témoigne le rebond des ventes du roman La Peste d’Albert Camus, chef-d’oeuvre et premier grand succès littéraire de l’écrivain (prix Nobel 1957), couplé au soixantième anniversaire de sa mort. La ressemblance est prophétique, y étant décrit la ville d’Oran, en Algérie alors française, dans les années 1940, où s’abat une épidémie de peste dans l’insouciance du printemps. Y est témoigné dans ce roman, toute la pugnacité des médecins et du préfet pour tenter de juguler l’épidémie par les mesures appropriées. Mais surtout ce roman témoigne avec justesse des attitudes collectives face à une crise sanitaire : les collabos refusant la reconnaissance du mal, les résistants qui s’efforcent de s’organiser en vue de lutter, les profiteurs faisant du marché noir.

Le roman souligne l’aléatoire et le subjectif de la vie, s’avérant que nous sommes tous peu de choses (parfois), face à la maladie. C’est une méditation sur le mal, l’absurdité mais aussi la solidarité humaine, au travers cette lecture pas si anxiogène qu’il n’y paraît. C’est un portrait d’une société à qui on a ôté les libertés fondamentales. On y trouve différents personnages : Bernard Rieux, médecin oranais pragmatique et luttant contre la maladie, les autorités décidant le confinement de la population oranaise, Rambert, journaliste cherchant à fuir la ville, Tarrou tenant une chronique quotidienne sur l’évolution de la maladie, Paneloux, prêtre jésuite voyant dans la peste une malédiction divine. La Peste était aussi une allégorie du nazisme, dans le contexte de l’après-guerre.

Ce qu’il en ressort est que les hommes sont plutôt bons que mauvais, du moins selon Camus. « Chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne au monde n’en est indemne… ». Vu sous un autre point de vue, le confinement est une épreuve psychique à ne pas sous-estimer pour certains, susceptible d’engendrer : anxiété, dépression, frustration. Ce type de quarantaine ne se révèle pas être une expérience anodine, nécessitant parfois un soutien psychologique approprié. A ce titre, la médecine se fait le relais des crises d’angoisse et des insomnies ayant suivi la courbe de l’épidémie actuelle. S’y ajoute la peur pour l’entourage, le sentiment personnel de vulnérabilité face à la maladie dans une impermanence des choses, la crainte certes non réellement justifiée (mais réelle chez certains) d’une catastrophe sanitaire généralisée.

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Tout cela a saisi les Français, à mesure que les autorités publiques prenaient conscience de la relative gravité de la situation. Après avoir trop attendu et pris les choses à la légère aux débuts, semble-t-il. Cette épidémie pourrait être maîtrisée à l’heure actuelle, si certaines mesures avaient été prises dès le mois de février, permettant d’éviter cette solution extrême du confinement général, si lourde de conséquences pour le quotidien des Français. Et cela alors que le président Macron s’affichait en public, au théâtre avec son épouse, le 9 mars dernier, en plein développement de l’épidémie en France, une semaine seulement avant l’annonce de la fermeture des lieux publics et du confinement.

Ce-dernier est semble-t-il mal conseillé dans son entourage, alors que nous avons des scientifiques très compétents et sa communication de crise a été désastreuse, bien qu’il soit toujours facile de critiquer, surtout après coup, car personne ne pouvait prévoir, mais gouverner c’est aussi prévoir. Emmanuel Macron vient seulement de rencontrer, hier après-midi, le professeur Raoult, savant fou pour les uns, très bon spécialiste pour les autres, pour parler notamment de son traitement à la chloroquine (qui serait efficace dans 91 % des cas d’infection), son entourage l’en ayant même dissuadé jusqu’à présent, quoi qu’il en soit.

Selon l’OMS, ce confinement pèse sur la santé mentale des Français et ces mesures peuvent avoir des conséquences comportementales pour certains. Il constitue une expérience sans équivalent dans l’histoire et met notre moral à rude épreuve. L’OMS tente d’alerter sur les conséquences des mesures sur l’isolement physique. Elle affecte nos passions (ce que nous aimons faire), notre identité et notre comportement (ce que nous voulons être), notre relationnel (avec qui nous voulons être). Sans oublier les conséquences économiques (situation de faillite…), en lien souvent direct avec le psychisme actuel des Français, absolument désastreuses (notamment pour les PME et indépendants) et aux conséquences incalculables, alors que l’économie est ralentie de moitié en France. D’autant plus que personne n’en connaît encore la durée.

Cette situation laissera des traces, dans le pyschisme des Français, étant encore trop tôt pour donner une idée du stress associé à cette situation de confinement drastique. La peur de la contamination, l’impact psychologique lié à l’isolement, les risques suicidaires, les addictions, la solitude, le stress, l’anxiété, sont autant de conséquences… Par ailleurs, quoi qu’il en soit de la durée de ce confinement, dans l’hexagone, la mauvaise gestion de la crise par les pouvoirs publics constituera un précédent historique, en la matière. Cela ne restera pas sans conséquences pour le pouvoir macronien et aussi sur l’organisation de notre système de santé, en général.

                                                                                                           J. D.

10 février, 2020

Toulouse – Lautrec – Exposition au Grand Palais

Classé dans : Culture — llanterne @ 0:15

Toulouse – Lautrec, Exposition au Grand Palais, 9 octobre 2019 – 27 janvier 2020

Toulouse-Lautrec L'expo

Plus de vingt – cinq ans après la dernière grande monographie lui ayant été consacrée en France, une nouvelle exposition est consacrée à Toulouse – Lautrec (1864 – 1901) au Grand Palais. L’exposition propose une vision renouvelée, n’enfermant pas l’artiste dans le contexte sociologique auquel il est souvent réduit. Toulouse – Lautrec apparaît comme un déclassé, mais sa famille ne s’oppose pas à son choix de la peinture, dès l’adolescence, par sa maladie, ses accidents, ne pouvant plus s’inscrire dans son destin de fils unique, d’aristocrate vivant de ses terres. L’exposition réunit plus de deux cents oeuvres, toutes techniques confondues, peintures, décors, dessins, pastels, affiches ou lithographies.

Loin de la légende encombrante du client assidu des cabarets et maisons closes, correspondant à la vision habituelle de Toulouse – Lautrec (1864 – 1901), cette exposition revient sur la carrière et aux sources de l’inspiration de l’artiste. Dans la lignée de Degas, Manet, Daumier, à savoir celle du réalisme, Toulouse – Lautrec fait évoluer son naturalisme dès l’adolescence vers un style impressionniste, marqué par la photographie, le Japon, l’impressionnisme. Très tôt, Toulouse – Lautrec fait de la photographie son alliée, s’y appuyant pour peindre. Le jeune Albigeois s’est formé dans les ateliers parisiens, à l’âge de vingt ans, au début des années 1880, s’éloignant de l’animalier Princeteau, pour Bonnat, puis Cormon vers 1884.

S’inspirant de Van Gogh, ses oeuvres franchissent les frontières par l’intermédiaire de la Société des XX, l’hiver 1887 – 88. Lautrec n’a jamais caché son goût pour la culture anglaise, inspirant sa série de boulevardiers des années 1887 – 93. Il se met au service d’Artistide Bruant, dès 1886, ayant perçu le potentiel artistique et commercial des lieux de plaisir de Montmartre, attirant une faune interlope surveillée par la police, source d’une économie dont participe le monde des journaux et des images.

Ses chefs – d’oeuvre des années 1889 – 92, imposent l’univers inquiétant des bals publics, des cabarets et des cafés – concerts. A la demande des propriétaires du Moulin Rouge, Toulouse – Lautrec crée une composition originale en 1891. Cultivé, Lautrec se rapproche de La Revue blanche vers 1893 – 94, ouverte à toutes les tendances d’avant – garde littéraires ou artistiques, touchant à l’actualité, de l’anarchisme au dreyfusisme.

Il découvre Yvette Guilbert au Divan Japonais, une salle de spectacle de la rue des Martyrs, dès 1890. Il faut attendre 1894 pour que le premier projet d’affiche de Lautrec prenne corps. Menant sa vie au rhytme trépidant de sa création, l’abus d’alcool, les plaisirs, l’acharnement du travail, conduisent à un irrémédiable déclin physique. A la suite de crises violentes, il est interné par sa famille dans une clinique de Neuilly / Seine, en février 1899. Il ne sera autorisé à en sortir, que deux ans avant sa mort à la suite d’une série de trente – neuf dessins dédiés à l’univers du cirque et notamment des clowns.

L’exposition montre comment Toulouse – Lautrec s’inscrit comme un précurseur des mouvements d’avant – garde du XXe siècle.

1 octobre, 2019

Chirac, l’homme et le politique

Classé dans : Politique — llanterne @ 1:59

Jacques Chirac s’est éteint, vendredi dernier, à l’âge de quatre-vingt-six ans. Les hommages ont été unanimes dans l’opinion publique, ce week-end. Samedi matin, toute la classe politique saluait l’homme, le parcours du combattant d’un grand fauve qui a arraché deux mandats présidentiels. A l’heure du départ, ces adversaires saluent ces grandes oeuvres. « C’est le bal des hypocrites dans les médias. Tous ceux qui l’ont traité de « supermenteur », qui l’ont attaqué notamment pour les « affaires » et qui, au mieux, ont jugé sa présidence totalement inutile, rivalisent de louanges devant les caméras », tel le commentait récemment l’économiste Marc Fiorentino. « C’est la règle du genre » mais on ne s’y habitue toujours pas, pour le citer encore. La palme d’or revient à Anne Hidalgo : « Il sera à jamais notre maire ». Un président qui est jugé sympathique par neuf Français sur dix, ce qui fait distinguer l’homme qui rattraperait le politique. Du monde entier également des messages affluent. Quel image laisse-t-il ? Quelles sont ses parts d’ombre ? Quel est son bilan politique ? Quel est son parcours ? D’où vient-il ? Qui était vraiment Jacques Chirac ?

C’est une page de l’histoire de la France qui se tourne, il faut le reconnaître, Jacques Chirac représentant plus de quarante ans de vie publique française. C’était l’un des derniers dinosaures de la vie politique. Il est dans notre paysage depuis très longtemps, ayant été élu pour la 1ère fois en Corrèze en 1967. Il a été neuf fois député, sept fois ministre, maire de Paris pendant dix-huit ans. Il a été deux fois premier ministre, plusieurs fois candidat à la présidence et élu à la troisième tentative. Chirac, c’est seize ans à la tête du pays, entre premier ministre et président. Des hommes politiques contemporains qui ont été seize ans au pouvoir, il y en a pas d’autres. Mitterrand a été pouvoir pendant quatorze ans. Pendant plus de quarante ans, Jacques Chirac a participé au gouvernement de la France et dansé sur le fil du pouvoir. Sa carrière témoigne d’un art de convaincre et de manipuler, l’histoire politique contemporaine se résumant à son nom pour la majorité des Français en 2019. « Sa vie publique est un miracle, car c’est une succession de résurrections. Le secret est l’imposture (…). Il suffit de proclamer une idée pour faire croire qu’elle se réalisera », pour citer le journaliste Denis Jeambar. La politique chiraquienne repose sur un artifice. La question du bilan ? Le réquisitoire de Jeambar est implacable, dans un essai paru en 2007 (« Accusez Chirac, levez-vous ? »). Tout ou presque est faillite dans ce bilan moral, politique, économique, social, institutionnel chiraquien.

L’Histoire saluera cette longue carrière de conquérant du pouvoir, mais condamnera sans doute un président sans qualité. Le problème principal se posant dans le décryptage du chiraquisme, c’est qu’il n’y a pas une pensée chiraquienne. Car il n’a pas arrêté de changer d’avis sur les sujets les plus importants de la vie politique française et mondiale. Ainsi il se revendiquait de la famille du gaullisme, qu’il a ruinée. Non comme un héritier prodigue, mais parce qu’il a capté l’héritage afin de servir sa soif de conquête du pouvoir, dont il ne savait que faire ensuite. Jacques Chirac a flirté tout jeune avec le Parti Communiste, exploré rapidement les arcanes du PS avec Michel Rocard, du temps où il était étudiant à Sciences-Po. Il s’est laissé séduire par l’Algérie française durant ses années de service, puis il a rallié le gaullisme par opportunisme et l’a pratiqué sous la forme du pompidolisme. Avant de le condamner et de se faire le défenseur du travaillisme à la française, dans les années 1980, furieusement néo-libéral inspiré du modèle thatchéro-reaganien. Puis il fait campagne en 1995 sur le thème de la fracture sociale. On ne peut pas imaginer plus différent. Celui du discours en 1991 sur le bruit et les odeurs, qui a appelé à faire barrage à Le Pen en 2002, sont très opposés. Chirac a fait des appels à se désolidariser des Américains sur la politique européenne, durant longtemps et est devenu très pro-européen arrivé à l’Elysée. Personne n’a mieux compris cette règle du jeu de l’utilité de la ruse que Chirac, sa vie politique étant passée par toutes les couleurs. Il se fait élire sur le social en 1995, puis réélire en tant que dernier défenseur des libertés face au péril fasciste. A ce niveau – là, la ruse devient opportunisme et l’habileté, un machiavélisme. Nul ne sait ce que pensait cet homme et le savait-il lui même ?…

Chez la plupart des hommes politiques français, il y a un fil, quitte à faire attention, à remettre dans sa malette ce qui ne passe pas dans l’opinion. Mais on a pas des zig zag aussi importants. Le Chirac de l’appel de Cochin, dénonçant la politique « antinationale » de l’Europe fédérale et le Chirac européen appelant à voter oui à Maastricht en 1992 sont très opposés. C’est très difficile de comprendre. Il appelle d’ailleurs à voter oui à Maastricht en 1992 contre l’avis de son camp, de Pasqua et de Séguin. Il le fait plus pour paraître progressiste aux yeux d’une partie de l’opinion (qui était partagée et aurait voté non si sa prise de position avait été autre), que par conviction. Chirac était avant tout un opportuniste et un démagogue. Pour conquérir, il tenait un discours qui était porteur de son point de vue, à ce moment-là. Il a été très contradictoire et ces contradictions l’empêchaient de passer à l’action. En 1994, il disait en riant, « vous serez surpris par ma démagogie ». Chirac était un véritable animal politique. C’était la caricature de l’énarque, à l’image de Fabius, un rentier de la République, n’ayant jamais travaillé dans le privé et toujours vécu par et pour la politique, aux frais du contribuable, dès l’âge de trente-trois ans. Il eut aussi de nombreux mécènes (Dassault, Pineau…), ayant toujours eu un train de vie très éloigné de celui des Français moyens, entretenu souvent aux frais de la princesse, pour un type qui est paradoxalement apparu comme proche du peuple, au travers une idolâtrie bas du front. Il eut aussi des mentors, tels Pierre Juillet et Marie-France Garaud. On le présente souvent comme un rassembleur, mais cela reste discutable. Il a été un facteur de division, quand il était président du RPR. La déchirure nationale l’a plutôt contraint à l’immobilisme. 

Il y a une épopée Chirac, il faut le dire. C’est un garçon né à Paris, de parents de la moyenne bourgeoisie. Le père travaille dans la banque, puis chez Dassault dont il gérait les comptes. Chirac réussit à apparaître comme l’homme qui aurait des racines paysannes, tout à fait inventé, ses quatre grands-parents étant instituteurs. Sorti de l’ENA, il vient de se lancer en politique, quand Pompidou, alors premier ministre le remarque. Il l’envoie arracher la Corrèze à la gauche. Le père Dassault financera sa campagne électorale. La Corrèze a beaucoup servi dans la proximité chiraquienne. Il est élu député de ce département en 1967 et conseiller municipal à Sainte-Féréole, où son grand-père était instituteur. C’est la classique posture barrésienne. Les pieds dans la glaise. La terre qui ne ment pas. Il a opté pour la Corrèze, comme Mitterrand le Nivernais. Elu en 1969, Pompidou le nomme secrétaire d’Etat à l’emploi. Chirac est efficace ou du moins donne l’impression de l’être. Pompidou le surnomme mon « bulldozer ». Il crée l’ANPE. A la mort de Pompidou en 1974, qui fut son mentor, il cherche à se positionner. Il y a plusieurs candidats à droite. C’est alors qu’il a trahi Chaban, qui était le candidat de l’UDR, en ralliant quarante-trois députés gaullistes sur la candidature de Giscard. Cela lui valut d’être nommé premier ministre par Giscard, à son élection en 1974, pour ce coup de poker. A cette occasion, Chirac entérine le regroupement familial.

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Il présente l’image du jeune énarque brillant, ayant prêté ses traits à un personnage dans un album d’Astérix, un grand maigre au costume trop court avec des lunettes d’expert-comptable. Son comportement le gêne aussi. Il était très figé avec un costume trois pièces. Mais Giscard cumulait à la fois l’Elysée et Matignon. L’inimité devient forte entre les deux hommes. Chirac finit par démissionner en 1977, pour conquérir la mairie de Paris – suite aux 1ères municipales mettant fin au statut spécial de Paris – et créer le RPR dont il fit un outil de conquête du pouvoir. La mairie de Paris lui servira de tremplin, par ses infrastructures, son rayonnement. L’activisme notamment international que la capitale lui offrait, lui permit de se faire reconnaître. Il remplace ses lunettes par des lentilles et se met à porter des costumes plus amples, pour se détacher de son apparence un peu coincée. Il se construisit une image, celle d’un Chirac encore jeune, dynamique et fringant. Celle de mes souvenirs d’enfance, d’un grand beau gosse aux cheveux gominés et plaqués en arrière, qui claquait la bise à Madonna reçue pour un gala. La politique, c’était sensuel, cela consistait à inspirer le désir. Chirac est un bel homme, qui plait à l’électorat féminin, mais aussi aux jeunes, aux vieux. Il fit tout pour éliminer Giscard. Il n’avait pas peur des compromissions. Il aurait ainsi rencontré Mitterrand secrètement dans l’entre-deux-tours en 1981. Ce-dernier lui fait savoir qu’étant malade, il ne ferait qu’un seul mandat. Chirac fait battre Giscard pour faire élire Mitterrand, en ne donnant pas de consignes de vote au deuxième tour et s’impose comme le chef de l’opposition, avec le RPR. Mais François Mitterrand ne tiendra pas parole et rebriguera un deuxième mandat en 1988. Chirac parvient à lui arracher la cohabitation en 1986, ce-dernier le nommant premier ministre.

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Mais tout cela ne repose sur rien de concret, sur le plan du programme. Chirac est habité par le démon du pouvoir, cherchant avant tout à le conquérir, sans savoir quoi en faire après. Durant ses deux ans de cohabitation, Mitterrand tentera d’abattre son premier ministre, qui rendra coup pour coup, s’appuyant notamment sur Pasqua à l’intérieur. Ce sont des années également où le Front National fait son entrée sur la scène politique, Jean-Marie Le Pen effectuant une entrée fracassante à l’Assemblée, en compagnie de plusieurs élus frontistes. En tant que dirigeant du RPR, durant ces années 1980, Chirac se met en scène telle une savonnette dans une publicité, dans des shows à la Reagan. Mais tout ce Barnum était servi par le vide le plus complet. Sur le plan du discours, il associe conservatisme sur la nation et néo-libéralisme en économie et cela se limite à des paroles et de la communication politique. Il ratisse large. Il est battu au deuxième tour des présidentielles par Mitterrand en 1988 et replonge dans l’opposition. Eric Zemmour assure que Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen se seraient rencontrés en 1988, entre les deux tours de l’élection présidentielle, à la demande du premier, dans l’espoir de sceller un pacte discret pour battre François Mitterrand. Il n’y aura pas le moindre accord politique. Sa femme Bernadette avait alors déclaré, « les Français n’aiment pas mon mari ».

Il a quand même traversé beaucoup de déserts avant d’arriver au pouvoir. Il a été humanisé, car il a connu des hauts et des bas. Une seconde cohabitation s’impose en 1993 et Chirac fait appel à Balladur, vieil ami de jeunesse, pour le poste de premier ministre. Balladur le trahira en se présentant contre lui en 1995. Il se verra rallier Sarkozy, Séguin et Pasqua qui pensaient aussi que Chirac était un très mauvais candidat. Mais Chirac finira enfin par l’emporter, sur un  slogan affligeant et aussi vide que sa campagne « Mangez des pommes », sa victoire s’étant opérée à un cheveu. Fin 1994, on le crédite pourtant que de 14 % des voix. Il commettra des bourdes, comme la dissolution de 1997. La victoire des socialistes et la cohabitation avec Jospin le contraindra à l’immobilisme, ce qui lui valut le surnom de « résident de la République ». Il est rattrapé par plusieurs affaires politico-judiciaires en fin de mandat. Chirac cherchait le pouvoir, pour se fuir lui-même, mais était dans un flottement quand il le décrochait. Elu en 1995, étant arrivé à l’Elysée parmi tous les journalistes, il donnait l’impression de ne pas savoir ce qu’il allait faire de son mandat, presque désemparé, comme l’a commenté l’essayiste Raphaëlle Bacqué.

Il était dans une même situation de flottement, élu en 2002. Il buvait de grands verres de coca-cola pour rester réveillé et ça ne prenait pas. Chirac a eu à plusieurs moments des périodes de flottement au pouvoir. Sur le plan idéologique, Chirac est devenu gaulliste social ou du moins il se présentait comme tel. Mais il était plutôt radical-socialiste. Sur le plan international, il a un bilan, que l’on soit d’accord ou pas. Il y a eu le non à la guerre en Irak. L’Irak, c’est une non-action. C’était très important, le fait de ne pas envoyer la France se battre en Irak. Mais ça fait peu, en quarante ans de vie politique. Et en diplomatie, son viatique sur les droits de l’homme était bien maigre pour voyager. Il disait aimer la France, mais ne savait en parler. On peut y voir une modestie, le refus d’un lyrisme trop lourd. Jacques Chirac connaissait les grands de ce monde, mais ne connaissait pas le monde, le découvrant dans sa version Potemkine, de cortège officiel en salon d’honneur d’aéroport. Même si sa culture politique, géopolitique, historique ressemblait à une anthologie des relations internationales de 1970 à nos jours, pour reprendre l’analyse de Denis Jeambar dans son brûlot paru en 2006.

Mais c’était sans projet et sans ambition. La France est le pays le plus visité du monde, mais c’est une nation-musée aujourd’hui. On le voit d’ailleurs, dans la perte d’influence de la France au Moyen-Orient. Dans notre pré-carré de l’Afrique de l’Ouest, Chirac a pratiqué une politique à l’ancienne. Il se disait pro-européen. Mais en réalité il a suivi l’opinion publique, selon ce qui lui semblait allait dans le sens du vent, ayant joué un rôle considérable dans la victoire du oui au référendum de Maastricht, qui a acté la dissolution de la France dans l’Europe en tant qu’entité politique comme l’a dénoncé Séguin, dans son propre camps, à l’occasion d’un débat à la Sorbonne face à Mitterrand. Sur le plan intérieur, c’est extrêmement controversé. Chirac a adopté le regroupement familial, sous l’impulsion de Giscard et du grand patronal français, ce qui s’est avéré être une erreur dans son application, selon certains analystes. Cette mesure comprenait des adaptations, que Mitterrand a abrogé par électoralisme, à son élection en 1981. En dépit de ses discours grandiloquents sur l’écologie, à part la taxe sur les billets d’avion et sa promesse en tant que maire de Paris de se baigner dans la Seine, en quarante ans de vie politique, Chirac n’a pas pris la moindre mesure écologique. Sur le plan économique, ses réformes ont été assez minces, pour ne pas dire inexistantes. Chirac a créé l’ANPE, mais il a surtout accompagné la hausse de la courbe du chômage de masse, la déindustrialisation de la France avec en parallèle celle de l’insécurité, de la criminalité et de la délinquance, durant quarante ans. Au passage, il pourra remercier les Français, car s’il a toujours eu lui un emploi, c’est aussi grâce à eux, selon une tirade humoristique du film – documentaire de Karl Zéro qui lui était consacrée « Dans la peau de Jacques Chirac » en 2006, lui qui n’a jamais travaillé dans le privé.

Sur le plan institutionnel, il n’a pas rendu les institutions aussi solides qu’à son élection, son bilan constitutionnel étant connu. Il a fragilisé la Ve République par ses compromissions, son clientélisme, ses arrangements et combines durant les années 1980, en vue de la conquête du pouvoir avec le RPR lorsqu’il était à la mairie de Paris. L’ombre des affaires plane sur ses deux mandats présidentiels, par ses machinations, stratagèmes et arrangements entretenus durant le 1er septennat de Mitterrand, ayant fini par le rattraper. Depuis le scandale de Panama, qui a vu tant d’élus de la IIIe République pris dans la tourmente de la corruption financière, la France n’avait pas connu une telle affaire, que celle des emplois fictifs et des HLM de la ville de Paris. Mais c’est quelqu’un qui a traversé une époque, les lois sur le financement des partis politiques ayant profité de pratiques qui sont formellement interdites. Sarkozy avait dit de lui, que c’était un roi fainéant. Quand on cherche quelque chose, on ne trouve guère de changement. Il y a la suspension du service militaire, l’arrêt des essais nucléaires dans le Pacifique (qu’il avait relancé inutilement, avant de les stopper) et le passage au quinquennat.

On a analysé que cette réforme constitutionnelle (le septennat remontant à la IIIe République, dans un calcul sur l’espérance de vie du comte de Chambord) a été adopté par Chirac dans un calcul. Afin qu’il est la possibilité d’échapper le plus longtemps possible, par l’immunité présidentielle, aux poursuites judiciaires, en rebriguant un dernier mandat qui ne soit pas trop long, en concomitance avec les législatives. Il est réélu en 2002 face à Jean-Marie Le Pen avec un score de république bananière, surtout par absence d’alternative. 82 % des Français votent pour lui en 2002, soit l’ensemble des Français et de la gauche. Disant qu’il avait compris le pays, place de la République, devant des milliers de drapeaux français, algérien et marocain, il fait un gouvernement réunissant 18 % des suffrages et nullement d’union  nationale. Durant son dernier mandat, Chirac apparaît tel un homme vieilli, affaibli suite à son attaque vasculaire cérébrale en 2005. Cet homme grand (1,89 m), mince et jadis si énergique, se voit rattrapé par son âge. Il se montre de plus en plus coupé des Français, enfermé dans sa tour d’ivoire, dans un contexte de succession marqué par le duel Sarkozy / Villepin, instrumentalisé dans l’ombre par ses soins. Le bilan politique se termine avec deux ans de prison avec sursis. Ca n’a été pas un grand président, mais auxquels les Français restent attachés par cette image qu’il laissait. Car c’est une époque.

Chirac inspirait aussi une nostalgie d’avant – crise, aux yeux de certains électeurs baby-boomers, ayant percé dans les années 70 puis 80, au début du chômage de masse. Et puis il a eu des vertus de proximité que ses successeurs n’ont pas eu, travaillant cette image. On sort d’un mouvement social et d’une année extrêmement difficile pour le président Macron. Certains critiquent une distance par rapport aux Français, de l’arrogance, ce qui n’était du tout la caractéristique de Chirac. On a retrouvé une phrase : « J’apprécie plus le pain, le pâté et le saucisson, que les limitations de vitesse ». Cela a une certaine résonance à l’heure des gilets jaunes et des limitations de vitesse. Chirac était proche des gens, il avait une écoute des autres, même si c’était souvent calculé. Il n’y a pas d’exemple comparable à celui de Chirac, dans les hommes politiques contemporains. Raphaëlle Bacqué rappelle ainsi qu’étant maire de Paris, il pouvait passer une journée à chercher une chambre d’hôpital pour un enfant malade. Parce que la concierge d’un immeuble à côté de l’hôtel de ville lui avait raconté l’histoire. Jacques Chirac avait la poignée de main facile et chaleureuse. Il avait toujours un mot gentil pour son interlocuteur. Tous ses amis et adversaires rappellent la force de ce Chirac, qui avait le contact facile. C’était un vrai président normal. Il y en a un après qui a voulu y jouer. Qu’on aime ou qu’on aime pas Chirac, il avait cette tendance. Au fond, il a sans doute aimé plus les Français qu’incarnait la France et cela aura été sa façon d’être président de la République, d’où un bilan assez contrasté, tel l’analysait Roland Cayrol. Sympathique est l’adjectif mis pour les sondeurs pour Chirac.

Les inventaires pour de Gaulle ou Mitterrand sont arrivés peu après. Mais là les affections sont lucides, émanant parfois de personnes n’ayant parfois jamais voté pour lui. Il n’y a pas de panégyriques. Mais en même temps, l’homme parfois sauve le politique. Il touche ce que beaucoup de Français pensent, qui trouvent les politiques lointains, austères, distants, technocratiques, éloignés des préoccupations des Français. Alors même qu’on le rejetait politiquement, à sa fin de mandat, c’est quand même quelqu’un de sympathique ou du moins qui cherchait à l’être. Même si le bilan est très contesté. C’est l’homme auquel on rend aujourd’hui hommage. C’était aussi un bon vivant. Jean-Louis Debré commente ainsi ce souvenir d’une escapade matinale improvisée à Rungis avec Chirac dans les années 80, à dévorer une entrecôte de 800 g. Il incarne un personnage gaulois avec une gestuelle, des citations (souvent triviales et obscènes), des perles, le rire, ayant plu à certains de nos compatriotes, l’y associant et lui vouant un culte sympathique au travers une idolâtrie bas du front. On peut en citer quelques-unes pour la forme, passées à la postérité. « L’Europe, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. » « On fait des cadeaux avant les élections, et on décide les impôts tout de suite après. » « Ce type, c’est quand même un remède contre l’amour, non ? » (A propos de Balladur). « Qu’est-ce qu’elle veut cette ménagère, mes couilles sur un plateau ? » (à propos de Thatcher).

Il y a l’incarnation du personnage, auquel on a envie de ressembler. Il est grand, il est beau, il a de l’allure. On le disait sympathique, sincère, mais le problème de la sincérité d’un homme politique, c’est compliqué. Les Guignols l’ont aidé beaucoup avec « Mangez des pommes », certains estimant qu’ils ont contribué à son élection en 1995, alors qu’il était sur le fil du rasoir. Mais ils l’ont aussi desservi avec « Super menteur », ce qui est le contraire de la sincérité, le talent de Chirac étant de paraître sincère en des moments où peut-être il jouait un peu. Le paradoxe c’est le Chirac sympathique ou du moins qui apparaissait comme tel, mais aussi l’animal politique sans pitié, ayant suscité des haines politiques tenaces. Chirac a trahi des amis et a été trahi aussi. Il y a du pour et du contre qui permettent de commenter la complexité de l’homme. Il y a le Chirac sympathique et le Chirac brutal, d’une sévérité, d’une dureté. Il était capable d’éliminer ses adversaires sans affect, sans état d’âme, brutal dans ses débats télévisés face à Fabius. Il a connu des scandales, été englouti dans des affaires et a eu le temps, l’énergie de s’en relever. Les Chirac se sont succédés. L’homme qui s’est révélé s’intéressant au temps long, avec les arts premiers. Chacun peut retrouver un peu le Chirac qu’il a aimé. Le Chirac « bulldozer » repéré par Pompidou, a plu à certains gaullistes, puis il y a le Chirac du salon de l’agriculture. Chirac a inauguré cette pratique. Mitterrand n’allait pas au salon de l’agriculture, ni ses prédécesseurs et depuis tous les présidents s’y rendent, tous les ans.

Il faut s’adapter à tous les publics, Chirac étant souvent associé à la bière, la BD, le salon de l’agri’ et les combats de sumo. Sa passion pour les arts asiatiques, on eut pu penser qu’il aurait pu y associer les Français, dans la suite de Malraux. Mais il a tout gardé pour lui et n’a pas voulu en parler, ayant pu en faire un atout. Il y a cette complexité, chez cet homme qui se fuyait lui-même et dont on disait qu’il ne s’aimait pas. Cette passion remontait à son enfance où il séchait les cours pour aller au musée Guimet. L’hypothèse est que c’est venu petit à petit, que cette passion s’est plutôt développée après durant les années 90, étant jusque-là plutôt sous-jacente. Cela révèle une sorte de contradiction apparente, pour quelqu’un qui a toujours montré une forme de trivialité dans ses campagnes. Il a pu montrer le Chirac plus intellectuel, bien que ce n’était pas un intellectuel. Au début, lorsque l’on découvre ses passions, en 1995, il y a une exposition sur les Tahinos à Paris, auquel il s’intéresse et cela fait beaucoup rire dans son camp. Et ensuite il manifeste ses passions pour les arts asiatiques, ce qui fait beaucoup rire Sarkozy. Cela lui permettait également d’apparaître comme un progressiste, ouvert sur le dialogue des cultures, toujours démagogue jusqu’au bout. Il a voulu laisser une empreinte comme Mitterrand avec l’inauguration du musée du quai Branly – Jacques Chirac, dont les collections sont cela dit de qualité et cela sera vraisemblablement sa seule postérité.

Il est parti et sa famille a veillé à ce qu’il n’y est pas l’image de ce Chirac, affaibli, flottant, triste, les dernières années de sa vie. Sa famille a tenu jusqu’au bout à ce qu’il y ait très peu d’images de ces derniers jours. A l’exception de la remise de ce prix de sa fondation en 2012, il n’y a pas eu d’autre apparition. On l’a vu furtivement à l’enterrement de sa fille, en 2016, dans un fauteuil roulant, Claude Chirac, sa fille cadette, responsable de la communication familiale, ayant jusqu’au bout tenu à ce que l’on garde l’image du beau gosse des années 70 – 80 et de celui qui est entré à l’Elysée, encore bondissant, d’un Chirac dynamique. Suite à une attaque vasculaire cérébrale en 2005, probablement suivie au moins d’une autre, il lui a ensuite été diagnostiqué une maladie dégénérative. Il a terminé grabataire et totalement sénile, ayant enterré sa fille aînée en 2016, sans comprendre. Les amis se sont faits plus rares. François Pineau a été l’ami le plus fidèle. Car c’est chez lui, dans son hôtel particulier, rue de Tournon, à Paris (près de la place St-Sulpice), avec un staff payé par ses soins, que Chirac a passé les dernières années de sa vie (après après avoir été logé plusieurs années dans l’appartement familial Hariri, quai Voltaire). La droite est en piètre état et se revendique du chiraquisme. Mais il est vrai que l’on a tourné la page du chiraquisme pour le sarkozysme, en réalité surtout des courants centristes sans conviction, ni ligne claire. Il a fait aussi cette carrière politique, à une époque où tout ce que l’on fait n’est pas révélé dans l’instantanéité, à cause des réseaux sociaux. Ainsi Chirac, c’est un bilan calamiteux, un héritage politique vide, sans testament et la fin d’une époque.

                                                                                                                                      J. D.

 

 

 

23 septembre, 2019

Balkany en prison…la fin ?

Classé dans : Politique,sujets de societe — llanterne @ 0:10

C’était la première nuit en prison pour Patrick Balkany, le 13 septembre, la justice ayant décidé l’incarcération immédiate de ce-dernier à la prison de la Santé, accusé de fraude fiscale. Le verdict est tombé. Patrick Balkany a été condamné à quatre ans de prison ferme avec incarcération immédiate et dix ans d’inégibilité et sa femme, Isabelle Balkany, à trois ans ferme, sans mandat de dépôt, en ce qui la concerne, pour raison de santé. Une décision disproportionnée disent les avocats du couple Balkany. Faut-il parler d’une peine exemplaire ? Balkany est-il le symbole de l’affairisme des années 80, qui n’auraient plus sa place aujourd’hui ? Peut-être a-t-on voulu empêcher sa fuite ? Et pourquoi le maire de Levallois-Perret est-il à ce point soutenu par les habitants de sa ville, ainsi que par certaines personnalités ? A l’image de Nicolas Sarkozy, qui a fait part de sa peine, suite à sa condamnation ? Comment les époux Balkany ont-ils réagi à l’annonce du mandat de dépôt ? Patrick Balkany mérite-t-il un traitement plus dur que Jérôme Cahuzac ? Les Balkany ont-il été protégés pendant des décennies ?

Il est certain que cette affaire constitue un écran de fumée dans l’actualité, ayant occupé partiellement les médias. D’autres sujets nous préoccupent plus, du moins en  ce qui me concerne (qui me désintéresse du destin du couple Balkany) et devraient être plus abordés, à l’image du chômage endémique, la désindustrialisation de la France, les gilets jaunes, la fiscalité, l’UE, l’immigration, etc… Cependant, c’est également une affaire intéressante et symptomatique car riche en enseignements sur le fonctionnement de notre vie politique et en particulier sur celui de la droite. C’est un système de vingt, trente ans, qui s’est effondré. Une page se tourne, c’est un peu la fin de l’empire, semblerait-t-il. La justice tombe enfin et rend son verdict. La sentence est tombée pour fraude fiscale. Il faut replacer les choses dans leur contexte, l’affaire étant atypique, car remontant à vingt-cinq ans. La mise en examen remonte à 2015 environ, l’instruction se termine en 2016/17. Les Balkany ont été mis en examen sur des accusations de blanchiment de fraude fiscale, étant accusés de n’avoir pas déclaré une partie de leur patrimoine, au demeurant sans commune mesure avec leurs indemnités d’élus. Quoi qu’il en soit de la fortune familiale supposée des époux Balkany.

La propriété de quatre hectares en Normandie, dit du « moulin de Giverny », dont ils sont propriétaires depuis trente ans, donnée à leurs enfants, mais dont ils conservaient l’usufruit, leur permettait de déclarer que 150 000 euros au fisc. Tout cela met évidemment en cause leur mode de gestion de la ville de Levallois-Perret, dont ils sont élus depuis 1983, tous les deux, avec une parenthèse d’un mandat. On a l’impression que les Balkany appartiennent à une autre époque. Celle où les Hauts-de-Seine étaient un empire et sur lequel régnait d’abord un certain Charles Pasqua, puis un certain Nicolas Sarkozy, avec des personnages, des barons, nous pourrions dire, du type de Patrick Balkany. On peut citer Patrick Devedjian à Antony, André Santini à Issy-les-Moulineaux, Charles Ceccaldi-Raynaud à Puteaux, dans des communes souvent à gauche, voire communistes dans l’après-guerre et conquises par le RPR/UDF au début des années 1980. C’est le temps des comptes. Là, on l’envoie en prison, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Environ 20 000 mandats de dépôt à l’audience sont déposés par an en France, ce qui est considérable (uniquement pour les peines de plus d’un an de prison selon la loi). Patrick Balkany est dans une procédure de victimisation avec le mandat de dépôt, la vérité étant qu’il savait qu’il serait condamné. La condamnation n’est absolument pas une surprise. La surprise est l’incarcération. Tout le monde pensait qu’elle interviendrait plutôt au deuxième volet du procès, prévu à l’automne. Sa femme est aux commandes désormais de la mairie de Levallois, le maire-adjoint assurant l’intérim.

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C’est l’occasion d’opérer un retour sur une incroyable saga politique. C’est l’histoire d’un tandem, d’un duo souverain à Levallois. C’est un couple carriériste, la stratège étant Isabelle Balkany, qui a pensé, Levallois étant autrefois une ville ouvrière du nord-ouest parisien, enlevée au PCF en 1983, devenue une ville cossue, assez en pointe, avec l’immense aménagement du front de Seine. Les Balkany, c’est un couple type Bonnie and Clyde. Ils se sont rencontrés en 1975. Patrick Balkany invite sa future femme à un match de boxe, ce qui est original. Ils dînent chez Lipp, puis se marient. L’adversité les renforce. Isabelle Smadj, de son nom de jeune fille, est une fille d’immigrés juifs tunisiens ayant fait fortune dans le caoutchouc, domiciliés dans le 16e. Lui, sa famille paternelle, d’origine juive hongroise, a fait fortune dans le prêt-à-porter. Il a passé son enfance à Neuilly / Seine. Le magasin paternel était à proximité de l’Elysée. Balkany fait son service militaire à l’Elysée, et veut initialement être acteur. Il pense finalement à la politique. Candidat à Auxerre en 1976, c’est un échec. Il revient en région parisienne. On les appelle les Pasqua Boys. Devedjian ira à Antony. Balkany installe une permanence en face de la mairie de Levallois, qui fonctionne comme une sorte de mairie bis. Il y a trente, quarante ans, Levallois était une ville de gauche, communiste, avec des taudis partout, des hôtels, des bars de voyous, des zones industrielles en déliquescence, voire en friche, notamment sur le front de Seine. La firme Citroën y occupe dès 1929, l’ex-usine « Clément-Bayard » (70 000 m²), sur les quais de Seine (fermée en 1988), où sera fabriquée la fameuse « 2 CV ». C’était également jusque dans les années 1960, le repaire des taxis de la région parisienne, où se trouvait leurs garages.

Cette banlieue ouest, ancien département de la Seine (75), devenue les Hauts-de-Seine (92) a été populaire. Dans les années 1950, les Hauts-de-seine étaient encore une banlieue rouge, ouvrière, berceau de l’automobile. A la fin des années 1960, le général De Gaulle décide de faire de La Défense un quartier d’affaires qui va bouleverser le territoire. Les gaullistes lancent l’offensive contre les municipalités communistes. En tête, Charles Pasqua va faire de ce département le «coffre-fort du RPR», devenu ensuite l’UMP. Mais la reconquête des municipalités communistes sera progressive et s’opérera réellement dans les années 1980. Balkany fait 51 % en 1983, c’est difficile. Il gagne de justesse. Il arpente les rues. Isabelle Balkany est la communicante, journaliste à la base. Elle est dans la stratégie. C’est aussi la droite des années 80 et 90. Ils sont la jeunesse, l’avant-garde de la droite RPR et comptent bien marquer la vie politique française, quand ils sont élus en 1983. « Je suis là pour trente ans, si je ne fais pas de bêtises », dit-il à son élection. Pourtant, il y en aura. Ils réfléchissent à l’aménagement de ces villes de l’ouest, en misant sur la sécurité. Il fait parler les bulldozers, pour en faire une banlieue chic. Ils ont transformé cette ville indéniablement. Durant ses deux premiers mandats, Patrick Balkany a contribué à la profonde mutation de Levallois. Il a transformé les zones industrielles déliquescentes ou en friche (occupant près d’un quart de la superficie de la ville), frappées par la crise industrielle et ne cessant de dégringoler à leur arrivée, en quartiers résidentiels et de bureaux. 

Il a fait venir une nouvelle population, ce qui signifie de nouveaux électeurs, leur offrant les services dont elle avait besoin. Dans sa chanson Levallois, le chanteur Florent Marchet et dans son roman 99 Francs, le romancier Frédéric Beigbeder citent Levallois-Perret comme l’archétype des années 2000 de la ville de première couronne parisienne, refuge d’une jeunesse médiocre (emplois tertiaires dans la capitale), de droite (non-boboïsée), contrainte de quitter Paris à cause des prix de l’immobilier pour y installer leur famille. A ce titre, c’est toute la partie nord des Hauts-de-Seine qui a changé, au tournant des années 80. Soit un Etat dans l’Etat en France et dont le PIB est équivalent à celui de la Grèce avant 2008 et de beaucoup de petits pays européens. Parce qu’il y a notamment ce quartier d’affaires de la Défense, érigé dans les années 60 où sont domiciliés de nombreux sièges sociaux d’entreprises payant leurs impôts locaux. Et le plus souvent géré par des mairies de droite, qui étaient de gauche avant, sans transparence sur les affaires de financement de partis politiques et avec beaucoup à faire sur le plan immobilier. Levallois-Perret regroupe près de 4 500 entreprises et commerces pour près de 60 000 emplois, les experts en géographie économique rangeant cette ville dans le « Croissant d’or » désignant les communes d’Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine, Clichy, la rive droite de la Seine. De nombreux sièges sociaux de grandes entreprises  s’y concentrent, sa proximité avec le quartier d’affaires de la Défense privilégiant cet espace économique. C’est comme cela que ces communes se sont complètement transformées architecturalement et sociologiquement. Et cela fait longtemps, à vrai dire, que la presse et la justice suspectent Patrick Balkany de monnayer les terrains immobiliers, de faire de l’argent et d’avoir constitué une fortune.

Nous le savons, Levallois est une ville tout à fait limitrophe de Paris, donc les terrains immobiliers ont une valeur considérable. Et puis reste la façon, dont il a usé de son pouvoir d’influence. Puisqu’il a aussi fait des affaires en Afrique noire, notamment lorsque Nicolas Sarkozy était président, par sa proximité et son amitié présidentielle. Balkany a été réélu, étant indéniable qu’il a transformé cette commune. Il en a fait la ville des classes moyennes, des cadres, avec des crèches partout, des centres sportifs, des associations sportives. Et Balkany a soigné ses habitants de Levallois, avec le taux de crèche le plus élevé en France, chaque retraité ayant droit à sa bouteille de champagne, chaque année. Mais au prix d’un endettement énorme, qui devra être payé, un jour, par les citoyens de Levallois. C’est la ville la plus endettée de France. Mais c’est en même temps une commune où il y a des sièges sociaux (Alstom, Butagaz, Guerlain, L’Oréal, Plastic Omnium, GMF, Lagardère, Constantin Associés…), qui a des revenus pouvant justifier partiellement cet endettement. Sarkozy et Balkany étaient amis par leurs pères respectifs, par leurs origines hongroises communes. Balkany l’a emmené en java, à la fondation du RPR en 1976. Balkany a toujours eu plus de moyens que Sarkozy. Sarkozy regardait Balkany comme le grand frère, pistonné, plein aux as, qui le fait marrer. En 1983, c’est lui qui appelle Sarkozy à la mort d’Achille Peretti, qui était maire de Neuilly/Seine, lui disant que la place est libre. La toile d’araignée se tisse. Il en a toujours rajouté d’ailleurs dans la mise en avant de cette amitié, car cela servait ces intérêts. Les Balkany sont le sparadrap des années bling-bling, l’ayant toujours été. Durant cette période où Cécilia Attias était en train de quitter Nicolas Sarkozy, c’est Isabelle Balkany qui a fait le lien. A sa décharge, Sarkozy ne l’a jamais fait ministre, Balkany ayant toujours rêvé d’obtenir le portefeuille de la coopération, par ses liens avec l’Afrique. Ayant même, paraît-il, claqué la porte de son bureau de l’Elysée, quand il avait appris qu’il ne serait pas ministre.

Balkany a été un soutien, un ami de jeunesse, une relation de vingt, trente ans. Il était du côté de Sarkozy et de Balladur en 1995. Ce qui lui a valu d’avoir le courant chiraquien dans sa ville, qui le battra en 1995, dans le contexte de sa 1ère condamnation. Mais Sarkozy l’a toujours confiné à Levallois. Tout en lui donnant un passeport diplomatique, ce qui lui a permis de beaucoup voyager en Afrique et de multiplier les affaires occultes. Il jouait le rôle de conseiller de l’ombre, au sujet de l’Afrique. Mais il y avait tout un halo d’affaires autour de lui. Sous le quinquennat précédent, vers la fin, il se disait que la mairie de Levallois fonctionnait comme un Matignon bis et que les réseaux y manoeuvrant étaient plus puissants qu’à Matignon même. Sarkozy n’a en tout cas pas du contribuer à enclencher les procédures en cours, sous sa présidence, accélérées sous François Hollande. Patrick Balkany a déjà été condamné dans le passé, puis il a été réélu. La première affaire Balkany a touché au fait, qu’ils confondaient personnel municipal et domestique, emmené par exemple, dans leur villa aux Antilles, l’ayant conduit à être condamné à une peine d’inégibilité. Comme cela arrive parfois, il a ensuite été réélu, ayant d’autres exemples d’élus condamnés par la justice, puis au fond adoubé par leur électorat, à droite comme à gauche. Là, l’affaire était plus grave. C’était d’une autre nature, les biens du couple Balkany ayant une valeur très supérieure à leur patrimoine déclaré, tout ce qu’il y a de transparent, ayant toujours été élus (conseiller général, maire, député).

C’est la première fois que la justice arrivait à démonter le système. Le choc frappant Balkany vient d’abord de son propre camp, de l’intérieur, non des juges, des médias, mais essentiellement de l’un de ses anciens camarades de jeux, à savoir Didier Schuller. Mêlé à l’affaire du financement du RPR et des HLM de la ville de Paris, Schuller a tout pris à un procès l’ayant impliqué, en présence de Balkany, sans rien dire. Il y avait deux offices HLM à Paris, dont un finançant le RPR au travers un système de pots-de-vin versés contre l’octroi de marchés publics. C’est la vengeance de Schuller qui a changé les choses, à savoir son clone. Il y a trente ans, il devait prendre la mairie de Clichy, voisine de Levallois. C’est tout un périmètre, Levallois faisant 1km de long sur 1,5 km de large, soit de tous petits rectangles aux portes de Paris, entre la Seine et le périph’ (les portes de Champerret et de Levallois), où tout était à faire en immobilier. Didier Schuller s’en va en cavale en République dominicaine, sa vie étant, au fond, détruite, ayant perdu de son aura. Et vingt ans plus tard, étant revenu, en révélant tout ce qu’il savait, il a mis la justice sur la piste, lui ouvrant une porte d’entrée sur le système Balkany. Cette mise en examen a signé le début des gros ennuis pour Patrick Balkany. Quelques mois plus tard, les députés « Les Républicains » ont voté la levée de son immunité parlementaire, étant un signal très simple et clair, signifiant que personne n’a voulu bloquer le travail de la justice. Les Balkany devenaient peut-être un boulet pour la droite, à l’approche des élections régionales 2015, à l’époque.

Balkany est un personnage qui s’est installé dans le paysage médiatique, avec ce style très particulier, avec des gens aimant aussi ce style. Balkany, c’est une star, alors qu’au fond, il n’est que le maire de Levallois-Perret. C’est une grande gueule, qui aime serrer des mains, qui va discuter avec la mamie, qui a des capacités d’acteur, ayant même interprété un rôle dans un film dans les années 1960. Il est charmeur. Il a quelques saillies. « Je suis l’homme le plus honnête du monde ». « Si on ne ne nomme qu’un homme qui n’a pas été sali, on aura plus de candidat dans les Hauts de Seine ». C’est toujours un homme qui est sûr de lui. Il était devant la 32e chambre correctionnelle de Paris, face à des juges très flegmatiques et sévères. Dans son for intérieur, Balkany refaisait le match après chaque audience, devant ses soutiens. Tous ses arguments chutent un par un. En revanche, en terme de mise en scène, on ne peut nier son investissement. Il a prétendu que c’était de l’argent familial, non déclaré par omission. C’est un hâbleur, provocateur, charmeur, qui a aussi fait ce numéro pour conjurer sa peur et la tenir à distance. On a voulu également sanctionner une ère Sarkozy. C’est un cas très particulier, en réalité, car on a affaire à une PME, une auto-entreprise de la fraude, comme l’analyse certains. Les affaires des années 80 des partis sont systémiques, pour le financement, impliquant plusieurs dizaines de personnes. Là, cela implique un couple sur des décennies. Balkany a quand même été renouvelé, soutenu, au-delà du raisonnable, au sein des Républicains, jusqu’en 2015, ce qui pose le problème de la lenteur de la justice. Cela rajoutait de l’eau au moulin de ces politiques corrompus jamais condamnés.

On a manifestement voulu faire un exemple, au travers cette première condamnation pour fraude fiscale sans précédent. Ce qui lui est reproché, c’est d’avoir déchiré le pacte républicain, comme l’a fait Jérôme Cahuzac. Mais il est puni également pour l’ensemble de son oeuvre, car c’est la plus grande collection de mises en examen peut-être de la vie politique française. Il y a une dimension exemplaire dans le jugement. Il y a toujours un aspect moral sous-jacent. La principale formule est l’enracinement prolongé dans la délinquance avec la volonté de dissimuler son patrimoine, à un tel point qu’on puisse imaginer qu’il tente de s’extraire à la justice en s’exilant à l’étranger. C’est ce qui explique vraisemblablement son mandat de dépôt. Patrick Balkany est inscrit comme un délinquant et un fraudeur fiscal. Le couple Balkany fait les frais de lois qui ont été votés à l’AN. Une législation oblige les élus à déclarer leur patrimoine. Le cas de Cahuzac est exceptionnel, ministre des finances ayant dissimulé son patrimoine au fisc. Cahuzac a bénéficié d’une peine aménageable. Ce qui était puissant dans l’affaire Cahuzac, c’était l’image très forte d’un ministre mentant devant l’AN. Cela portait sur quelques centaines de milliers d’euros planqués à Singapour, et sans antécédent judiciaire sur ce plan là aussi. Le ministre et la parole ministérielle ont été visés. En revanche, Cahuzac a été le 1er à faire de la prison ferme, ce qui a été aménagé finalement. C’est vrai que Cahuzac a été condamné à une peine forte, sans faire de prison. Balkany se voit condamner, ayant avoué tardivement, avec une attitude au procès particulièrement mal appréciée par la cour. Il a ce côté grande gueule. Il a été complément lui, provocateur, recadrant son avocat, avec son portable sonnant en pleine audience avec la musique des tontons flingueurs. La justice y a vu une forme de nonchalance, de provocation. Il n’a jamais demandé pardon, ni cherché à aller négocier à Bercy, pour réparer sa faute. Ce pourquoi les juges se sont dits aussi que la prison est une réponse. Par rapport à ces grandes gueules, comme Tapie, l’opinion est divisée. Balkany, c’est blanc ou noir.

Il va y avoir ce deuxième procès. A l’étranger, tous leurs biens leurs ont été confisqués. On attend le deuxième jugement, pour avoir les saisies définitives. La justice a ordonné la vente de leur villa « Pamplemousse » à St-Martin, aux Antilles, allant directement à l’Etat. Balkany utilise des prête-noms dans l’acquisition de ces propriétés aux Antilles et au Maroc, sans parler de sa maison de Giverny, comme Jérôme Cahuzac l’a fait, afin de détourner la rigueur du fisc. Mais aussi comme Mitterrand qui a acheté un domaine dans le Lubéron, sous un prête-nom, la propriété de Gorde, mais au bénéfice d’Anne Pingeot et de Mazarine et non pour des raisons fiscales. Patrick Balkany n’a pas inventé ce système. Il est aussi « victime », entre guillemets, si l’on peut dire, de l’affaire Cahuzac et de la GRASC, ayant épluché ses déclarations de revenus. Cette agence a été le fruit d’une loi portée par Nicolas Sarkozy en 2010, mise en application en 2011, le but étant de toucher les truands, la pègre, de la déstabiliser, permettant de saisir, puis de vendre des biens acquis frauduleusement, sans attendre la décision de justice. En Italie et aux Etats-Unis d’où vient ce modèle, c’est une méthode efficace pour lutter contre la mafia. Il a été victime de ces lois, de cette agence, qui a été créé pour lutter contre le crime organisé, à l’origine. La procédure a duré environ quatre ans. La déclaration des époux Balkany était frauduleuse, ce qui était facile à démontrer. Mais le problème était de savoir d’où vient l’argent et là-dessus, la procédure pouvant s’établir sur des mois, voire des années. Effectivement, si cela venait de montages, de portages d’affaires, de commissions occultes avec des circuits internationaux, pour les juges, cela allait être compliqué à dénouer et à établir, ce qui explique la longueur de la procédure, entamée en 2015. 

Il reste le moulin de Giverny, qui est la résidence principale. On est à 4 millions d’euros d’impôts éludés. Il faudra attendre au moins jusqu’au 18 octobre. Il sortira dans quelques mois, en raison de son âge. Il dort ce soir, dans le quartier des personnes vulnérables, là où a peut-être été Guillaume Appolinaire durant une semaine, accusé à tort en 1911 de complicité de vol de la Joconde, le préfet Maurice Papon, l’ex-dirigeant d’Elf-Aquitaine Alfred Sirven, l’homme d’affaires Xavier Niel durant un mois avec mandat de dépôt pour « recel d’abus de biens sociaux » en 2004, l’homme d’affaires Bernard Tapie, l’opérateur de marché de la Société Générale Jérôme Kerviel. Mais aussi des policiers pour des affaires de corruption ou de violence tels Michel Neyret, ancien directeur-adjoint à la police judiciaire de Lyon, qui a été mêlé à une affaire de policiers ripoux baignant dans le trafic de stupéfiants. Il est seul dans une cellule rénovée, équipée d’un téléviseur loué, bénéficiant de la visite d’un médecin. Mais ça reste la prison, avec une heure de promenade. Il est toujours officiellement maire, en 1ère instance, les peines annexes n’étant pas exécutoires. Isabelle Balkany a été condamné à trois ans, elle aussi frappée d’inégibilité, la décision n’était pas exécutoire.

Dès lors, Balkany ne pourra se relever, on suppose. Cela dit, on se méfie car bien que septuagénaire, cela faisait vingt ans que l’on parlait de sa fin, sa chute. Effectivement, il est dans le tourbillon de la justice depuis trente ans, Patrick Balkany ayant été élu quatre fois maire, au travers un système bougrement clientéliste. Il y a la justice et la démocratie. Ces élus retournent devant leurs électeurs, à chaque fois et s’ils s’avèrent talentueux, ces-derniers redonnent leurs voix systématiquement. L’inégibilité est fixée un temps, par le juge, un élu pouvant avoir une deuxième ou une troisième vie politique. Alors qu’un fonctionnaire d’autorité ne le peut, car étant révoqué. En Allemagne, lorsque l’on a été condamné par la justice, on ne peut se représenter. Moralement, les partis politiques pourraient établir une limite. Le suffrage universel a une valeur autre dans l’hexagone. C’est heureux pour certains, pas pour d’autres. Les charges sont lourdes. Il a fait cinq mandats, vingt-cinq ans de député et trente-cinq ans maire environ. En prison, il pourrait être candidat le 15 mars, car la peine n’est pas exécutoire, du moins pour l’instant. Ca pourrait être Isabelle Balkany, la candidate. Ils seront toujours éligibles. Mais songeront-ils à se représenter ?

                                                                                                                                                J. D.

 

4 février, 2019

Carnet littéraire – Coups de coeur

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« La Fontaine; Une école buissonnière », Erik Orsenna, Le Livre de poche

Que savons-nous de La Fontaine, sans doute le plus grand poète de notre langue française ? Erik Orsenna nous livre le récit d’une promenade d’un certain Jean, né le 8 juillet 1621, dans la ville de Château-Thierry, juste à l’entrée de la Champagne. Bientôt voici Paris, le joyeux Quartier latin et quelques bons camarades : Boileau, Molière, Racine…. Voici un protecteur, un certain Fouquet, trop brillant surintendant des Finances et qui est bientôt emprisonné. On ne fait pas sans risque de l’ombre au Roi-Soleil. Voici un mari trompé mais également peu fidèle, et qui souffre de la pauvreté en dépit du succès des Fables, sans parler de ces Contes, que l’Education nationale nous interdit d’apprendre, car on y rencontre trop de grivoiseries. Après notamment Pasteur, Le Nôtre, Erik Orsenna nous livre une biographie imagée, avec son talent habituel, sur cet auteur toujours enseigné.

« Le premier homme », Albert Camus, Folio

« En somme, je vais parler de ceux que j’aimais », écrit Albert Camus dans une note pour Le premier homme. Le projet de ce roman auquel il travaillait au moment de sa mort était ambitieux. Il avait dit un jour que les écrivains « gardent l’espoir de retrouver les secrets d’un art universel qui, à force d’humilité et de maîtrise, ressusciterait enfin les personnages dans leur chair et dans leur durée ».

Il avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l’enfance de son « premier homme ». Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. Mais c’est justement ce côté autobiographique qui est précieux aujourd’hui. Après avoir lu ces pages, on voit apparaître les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement. Pourquoi, toute sa vie, il aura voulu parler au nom de ceux à qui la parole est refusée.

« La ruée vers l’Europe », Stephen Smith, Grasset

L’Europe vieillit et se dépeuple. L’Afrique déborde de jeunes et de vie. Une migration de masse va se produire. Son ampleur et ses conditions constituent l’un des plus grands défis du XXIe siècle.

L’Union européenne compte aujourd’hui 510 millions d’habitants vieillissant : l’Afrique 1,25 milliard, dont quarante pour cent ont moins de quinze ans. En 2050, 450 millions d’Européens feront face à 2,5 milliards d’Africains. D’ici à 2100, trois personnes sur quatre venant au monde naîtront au sud du Sahara.

L’Afrique « émerge ». En sortant de la pauvreté absolue, elle se met en marche. Dans un premier temps, le développement déracine : il donne à un plus grand nombre les moyens de partir. Si les Africains suivent l’exemple d’autres parties du monde en développement, l’Europe comptera dans trente ans entre 150 et 200 millions d’Afro-Européens, contre 9 millions à l’heure actuelle.

Une pression migratoire de cette ampleur va soumettre l’Europe à une épreuve sans précédent, au risque de consommer la déchirure entre ses élites cosmopolites et ses populistes nativistes. L’Etat-providence sans frontières est une illusion ruineuse. Vouloir faire de la Méditerranée la douve d’une « forteresse Europe » en érigeant autour du continent de l’opulence et de la sécurité sociale des remparts – des grillages, un mur d’argent, une rançon versée aux Etats policiers en première ligne pour endiguer le flot – corrompt les valeurs européennes.

L’égoïsme nationaliste et l’angélisme humaniste sont unanimement dangereux. Guidé par la rationalité des faits, cet essai de géographe humaine assume la nécessité d’arbitrer entre intérêts et et idéaux.

Journaliste-écrivain et universitaire, Stephen Smith a tenu la rubrique Afrique de Libération (1988-2000) puis du Monde (2000-2005). Il a travaillé comme analyste pour les Nations unies et L’international Crisis Group. Depuis 2007, il est professeur à l’Université de Duke aux Etats-Unis, où il enseigne les études africaines. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages publics en France, dont Négrologie : pourquoi l’Afrique meurt ou Oufkir, un destin marocain et d’ouvrages co-écrits avec Antoine Glaser comme Ces Messieurs Afrique ou Comment la France a perdu l’Afrique.

La ruée vers l'Europe

« En marche vers l’immobilisme », Agnès Verdier-Molinié, Albin Michel

Agnès Verdier-Molinié occupe les écrans, auréolé d’un statut de chercheuse à l’Ifrap, fondation ultra-libérale présentée parfois selon certains médias comme un vrai-faux institut de recherche, étant plutôt assimilé selon certains à un lobby tenu par certains financements issus du privé et enregistré comme tel à l’Assemblée nationale. Toujours est-il que cette dernière, au travers de nombreux ouvrages publiés depuis neuf ans (traitant surtout de fiscalité), livrent parfois certaines analyses intéressantes, car relativement sourcées, chiffrées. En marche vers l’immobilisme, tel est le titre de son dernier ouvrage, décryptant les six premiers mois du quinquennat Macron, guère convaincants de son point de vue.

Tout devait changer : allègement des normes, baisse des dépenses et des impôts… Mais, dix-huit mois plus tard, la réalité est bien différente. Le décalage, pour ne pas dire le fossé, se creuse tous les jours. Certaines grandes réformes (prélèvement à la source, taxe d’habitation…) paraissent d’ores et déjà aussi ambitieuses qu’inutiles. D’autres, nécessaires (baisse des effectifs publics, réforme des retraites, réduction de la dépense sociale…), patinent dangereusement. Au-delà des mots rassurants, c’est bien un choc de complexité auquel sont confrontés les Français : multiplication des contraintes administratives et fiscales, organisation kafkaïenne des territoires… Où est la simplification sans cesse annoncée ?

Cet ouvrage dresse, à travers de nombreux exemples, le tableau de l’ancien monde qui, selon l’auteur, refuse de disparaître. L’heure tournerait et, malgré quelques mesures ponctuelles pertinentes, la grande transformation annoncée se fait attendre. La France va-t-elle encore rester immobile ou est-elle en marche ? Sans partager systématiquement les points de vue de l’auteur, très libérale à mon goût et assez péremptoire, abordant des thématiques souvent récurrentes dans ces ouvrages (suppression intégrale de l’ISF, fiscalité des hauts-patrimoines, privatisations…), ce constat livré reste intéressant et certains points soulevés intrigants, au travers des informations chiffrées et sourcées.

« Bilan de faillite », Régis Debray, Gallimard

Un dépôt de bilan peut se consigner la bonne humeur, avec clins d’oeil et sourires. C’est cette variante teintée d’humour, rarement pratiquée au  tribunal de commerce, qu’a choisie Régis Debray, dans cette lettre d’un père à son fils bachelier, en quête de conseils sur la filière à suivre. Littérature, sociologie, politique, sciences dures ? En empruntant le langage entrepreneurial, celui de notre temps, l’auteur lui expose les bénéfices qu’un jeune homme peut dorénavant attendre ces divers investissements.

En lui recommandant instamment d’éviter la politique. Bien au-delà de simples conseils d’orientation professionnelle, ce livre – testament voudrait faire le point sur le métier de vivre dans le monde d’aujourd’hui, sans rien sacrifier aux convenances. Beaucoup d’adultes et quelques délurés sans âge particulier pourront sans doute y trouver leur compte.

« Qu’est-ce qu’un chef ? », Pierre de Villiers, Fayard

« Je ne suis ni philosophe, ni sociologue, ni capitaine d’industrie. Je suis un praticien de l’autorité qui s’est toujours efforcé de placer les relations humaines au coeur de son engagement au service de la France et de ses armées. Car l’autorité n’est pas spécifiquement militaire, c’est le lien fondamental de toute société humaine. Fort de ces convictions, je propose dans ce livre quelques jalons pragmatiques, simples et avérés pour sortir d’un mal-être sociétal croissant, diriger avec justesse et discernement. »

Le général Pierre de Villiers signe un essai ambitieux sur l’ordre, remettant l’Homme au centre du système. Comme le ferait un officier, il indique au lecteur le cap qu’il faut tenir dans un monde complexe et sa méthode pour y agir utilement.

Mêlant une réflexion puissante sur les problèmes profonds que traverse notre époque et des solutions efficaces, le général de Villiers met ici son expérience unique au service de tous.

Après quarante-trois années d’une carrière militaire qui l’a conduit à devenir chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers est président d’une société de conseil en stratégie. Il a publié en 2017 Servir aux éditions Fayard.

« There is no society », Christophe Guilluy, Champs – Flammarion

« There is no society » : la société, ça n’existe pas. C’est en octobre 1987 que Margaret Thatcher prononce ces mots. Depuis, son message a été entendu par l’ensemble des classes dominantes occidentales. Il a pour conséquence la grande sécession du monde d’en haut qui, en abandonnant le bien commun, plonge les pays occidentaux dans le chaos de la société relative. La rupture du lien, y compris conflictuel, entre le haut et le bas, nous fait basculer dans l’a-société. Désormais, no more society. La crise de la représentation politique, l’atomisation des mouvements sociaux, la citadellisation des bourgeoisies, le marronnage des classes populaires et la communautarisation sont autant de signes de l’épuisement d’un modèle. La vague populiste qui traverse le monde occidental n’est que partie visible d’un soft power des classes populaires qui contraindra le monde d’en haut à rejoindre le mouvement réel de la société ou bien à disparaître.

Christophe Guilluy, géographe, est notamment l’auteur de deux essais très remarqués : La France périphérique et Le Crépuscule de la France d’en haut (Champs – Flammarion).

« Le crépuscule de la France d’en haut », Christophe Guilluy, Flammarion

La bourgeoisie triomphante du XIXe siècle a disparu. Ses petits-enfants se fondent désormais dans le décor d’anciens quartiers populaires, célèbrent la mixité sociale et le respect de l’Autre. Fini les Rougon-Macquart, bienvenue chez les hipsters… Bénéficiaire des bienfaits de la mondialisation, cette nouvelle bourgeoisie en oublie jusqu’à l’existence d’une France d’en bas, boutée hors des nouvelles citadelles que sont devenues les métropoles.

Pendant ce temps, dans la France périphérique, les classes populaires coupent les ponts avec la classe politique, les syndicats et les médias. Leurs nouvelles solidarités, leur souverainisme n’intéressent personne. Le grand marronnage des classes populaires, comme avant elles celui des esclaves qui fuyaient les plantations, a commencé. On croyait la lutte des classes enterrée, voici son grand retour…

Christophe Guilluy est géographe. Il est l’auteur des essais remarqués Fractures françaises (Champs, 2013) et La France périphérique (Champs, 2015).

« Balzac », François Taillandier, Folio

« N’est-ce pas un martyre pour un homme qui ne vit que par l’épanchement des sentiments, qui ne respire que tendresse, et qui a besoin de trouver sans cesse près de lui une âme pour asile, de méditer, de comparer, d’inventer, de chercher sans cesse, de voyager dans les espaces de la pensée, quand il aime à aimer ? »

En trente ans de travail acharné, harassé par les soucis d’argent, Honoré de Balzac (1799-1850) édite un monument romanesque sans égal, donnant vie à des dizaines de personnages devenus mythiques – Eugénie Grandet, Le père Goriot, Le colonel Chabert, Rastignac, La cousine Bette, etc. -, tout en rêvant à l’amour de sa vie, une aristocrate polonaise qu’il n’épousera qu’à la veille de sa mort. Balzac, ou le destin d’un génie foudroyé.

« La France périphérique ; Comment on a sacrifié les classes populaires », Christophe Guilluy, Champs actuel

Désormais, deux France s’ignorent et se font face : la France des métropoles, brillante vitrine de la mondialisation heureuse, où cohabitent cadres et immigrés, et la France périphérique des petites et moyennes villes, des zones rurales éloignées des bassins d’emplois les plus dynamiques. De cette dernière, qui concentre 60 % de la population française, personne ne parle jamais.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi a-t-on sacrifié les classes populaires sur l’autel d’une mondialisation volontiers communautariste et inégalitaire, aux antipodes des valeurs dont se réclame la classe politique ? Comment cette France populaire peut-elle changer la donne, et regagner la place qui est la sienne – la première ?

Dans cet essai retentissant, Christophe Guilluy dresse un diagnostic sans complaisance de notre pays, et esquisse les concours d’une contre-société à venir.

Christophe Guilluy est géographe. Il est l’auteur, avec Christophe Noyé, de L’Atlas des nouvelles fractures sociales en France (Autrement, 2004) et d’un essai remarqué, Fractures françaises (Champs-Flammarion, 2013).

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21 janvier, 2019

Eblouissante Venise ! – Exposition au Grand Palais

Classé dans : Culture — llanterne @ 15:38

Eblouissante Venise !, Exposition au Grand Palais, 26 Septembre 2018 – 21 Janvier 2019

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Jusqu’à ce lundi 21 Janvier 2019, se tient au Grand Palais une fascinante exposition sur Venise et son influence artistique au XVIIIe siècle. Héritière de longs siècles de domination sur la Méditerranée, la cité lacustre a alors déjà perdu de sa puissance politique et commerciale, de son influence. Elle s’est réfugiée depuis 1717 dans une neutralité peureuse vis-à-vis de la Sublime Porte, annonciatrice de son inexorable déclin, jusqu’à l’abdication de Ludovico Manin, le denier Doge de la Sérénissime République, en 1797. Cependant, sa production artistique reste de tout premier plan et son influence culturelle significative en Europe.

Une grande énergie anime alors la vie sociale. Fêtes officielles, opéra, théâtre, réceptions somptueuses, divertissements variés ponctuent le quotidien et étonnent les étrangers de passage. L’exposition est un hommage à cette page d’histoire artistique de la Serenissima, en tout point remarquable, par le choix des peintures, sculptures, dessins.

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Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, avec la collaboration de la Fondazione Musei Civici di Venezia, Venise, et la participation du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, des théâtres Gérard Philipe à Saint Denis et de La Criée à Marseille, du Pavillon Bosio, école supérieure d’Arts plastiques de la Ville de Monaco, et du laboratoire d’humanités digitales de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.

https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=cLhR6kJOOVk

5 novembre, 2018

Les lendemains de triomphe

Classé dans : Sport — llanterne @ 2:58

En ce début d’automne, cette euphorie estivale étant maintenant retombée et bien qu’y allant d’une tardive analyse à rebours, je souhaiterais revenir avec recul sur cet événement sportif, ce triomphe des bleus, vu sous différents angles. Et cela alors que la rentrée politique et sociale s’offre à nous, non sans animations. On se souvient de cette liesse populaire et historique, en ce dimanche de juillet, comme la France les aime, sous le soleil et la chaleur estivale. La France célébrait son titre de championne du monde de football et ne voulait pas que la fête se termine. Une foule impressionnante était réunie sur les Champs-Elysées pour acclamer quelques minutes ses héros, ses joueurs qui ont non seulement remporté le titre suprême mais aussi acquis une popularité hors-norme. La célébration fut bruyante, parfois même délirante, prouvant que ce qui s’était passé à Moscou, était bien plus que du sport. C’était un moment de communion nationale comme en juillet 1998 et la victoire à cette coupe du monde de foot, organisée en France. Ce retour populaire fut à la hauteur de l’émotion, des moments de réjouissance collective, absolument immense avec un mélange de fierté, de plaisir, suite à cette victoire en finale face à la Croatie. 

Quand on est-ce qu’on a entendu un footballeur dire vive la République, à part peut-être Lilan Thuram, revendiquant son appartenance à la République et à la France ? Comment fait-on pour reconquérir sportivement, le cœur des Français, après différents échecs sportifs pour l’Equipe de France ? Cette victoire, était-ce aussi le triomphe du sport ou des sponsors ? Grande liesse populaire mais superficielle et éphémère, diront certains. Et quand le carrosse redevient citrouille, qu’advient-t-il ? Pourquoi certains sont-ils écoeurés par cette euphorie ? On a parlé de la Russie de manière positive. Sur place, est-ce que cela a été le fait d’une coercition un peu excessive ? Outre son très beau parcours, est-ce que le peuple russe s’est approprié cette coupe du monde ? Etait-ce aussi une victoire médiatique pour le président Poutine ? Qu’est-ce qui démarque cette coupe du monde, pleine de rebondissements sportifs ? Que disent les économistes sur les retombées de cette victoire, maintenant en cette rentrée ?  Macron profite-t-il de cette victoire à fond ? Est-ce vraiment de la récupération de sa part ? Quels sont les critères pour recevoir la légion d’honneur, les joueurs de l’équipe de France l’ayant tous reçus récemment ? Sont-ils conscients de ce qu’elle représente et fallait-il la leur donner ? A-t-on le droit de trouver excessive cette mainmise du ballon rond sur l’actualité ? Combien ce mondial rapporte-t-il à la FIFA ? Didier Deschamps va-t-il poursuivre sa mission ou à défaut, Zidane ? Est-ce que Deschamps et certains joueurs comme Mbappé, Giroud, Griezmann contribuent aussi à cette envie de participer à cette équipe ? Ce sont autant de questions qui peuvent être soulevées.

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Nous sommes toujours à la recherche d’une signification sociologique et politique, à savoir pourquoi cela arrive à cette France-là, à ce moment-là. Et cela pour trouver des explications qui ne sont pas toujours pertinentes, accompagnant cet événement, avec cette sorte de légende sportive s’écrivant. C’est la mythologie du sport français dans ses grandes heures. Cela arrivait dans une période qui n’était pas inédite, il faut le dire. Toute une série d’épreuves ont été traversées à l’échelle nationale, non seulement les attentats de l’automne 2015, mais depuis 1998 et la précédente victoire, la crise économique et financière de 2007-08 dont on porte encore aujourd’hui les stigmates. Soit toute une série de traumatismes et de tensions sociales qui donnent une certaine couleur à cette victoire. Certains diront que c’est le début d’une ère nouvelle, où cette équipe de France enthousiaste ensemencerait cette humeur collective d’un sens du positif. A savoir une équipe dont l’épopée continue à s’écrire. Ce qui est à observer, en vue de l’euro, après ce match nul plutôt décevant face à l’Islande, mais aussi suite à cette victoire face à l’Allemagne sur un doublé d’Antoine Griezmann.

Autant de drapeaux bleu-blanc-rouge dans les rues, on voit cela très rarement, si ce n’est le 8 mai 1945, le 11 novembre 1918, mais c’était pour clore des tragédies gravissimes, des guerres. Or le football a cette capacité de mettre dans la rue des millions de Français agitant un drapeau. Ce qui éteint un temps les différences sociales, comme à l’armistice, pendant ce moment de patriotisme positif. Ce qui s’accompagne de cet hommage républicain devenu un rituel, avec la réception à l’Elysée et le bain de foule au balcon de l’hôtel Crillon, place de la Concorde (mais pas cette fois-ci exceptionnellement). Comme ce fut le cas en 1998 et en 2006 lors de la finale ratée. Emmanuel Macron a profité à plein de ce bref interlude socio-médiatique, comme Jacques Chirac et Lionel Jospin le firent en leurs temps. Mais seul le football permet de communier ainsi. Ce n’est pas faire offense, mais la finale de volley à laquelle s’est hissée l’équipe de France, durant la même période, n’a pas, loin s’en faut, suscité cela.

Le football a cela de particulier de générer des passions collectives autour du ballon rond, étant à la fois mondialisé et venant renforcer l’identité nationale, en rassemblant. En effet, il y a ce besoin de communier, le football suscitant des émotions collectives, dans une ferveur à l’échelle hexagonale. Cela contribue à détourner aussi l’attention de l’actualité, à titre provisoire, comme l’a dépeint feu Jean d’Ormesson dans son éditorial du Figaro, après la victoire en finale 1998, en tant que pays hôte et vainqueur de la coupe du monde de football, à l’époque. Effectivement, ce fut un succès, personne n’ayant plus pensé à rien provisoirement, enfin ou presque. Cela en fait l’élément constitutif et peut-être le seul, comme l’analysait alors d’Ormesson, « d’un pacte social en charpie ». Cela vaut mieux « qu’une guerre et tue moins de monde ». Ce type d’événements ressuscite le patriotisme, incarne l’intégration, « chasse la morosité qu’intellectuels et bureaucrates ont été incapables de combattre », « rend au peuple désabusé par les politiciens l’enthousiasme et l’espérance ». Il aura fallu cette victoire pour retrouver l’atmosphère de la Libération. Le football a cette capacité de rassembler, c’est originel.

La particularité du football c’est qu’il a été très vite, étant né, approprié par la société, d’abord la classe ouvrière anglaise à la fin du XIXe siècle, dans un premier temps, avec des règles simples à comprendre. En 1885, le professionnalisme émerge tandis que les premiers clubs apparaissent à travers le monde particulièrement en Europe et en Amérique du sud. Bordeaux est le premier club français professionnel né en 1882, le Bayern Munich étant né en 1899 outre-Rhin et l’Olympique de Marseille, par exemple, la même année… La FIFA est fondée en 1904 à Paris par des représentants de sept pays européens. La FFF est née la même année. Encouragé par le succès populaire rencontré par les tournois de football aux jeux olympiques, ce qui fut décidé en 1928 sous l’impulsion du français Jules Rimet, alors président de la FIFA, la 1ère édition de la coupe du monde est organisée en Uruguay en 1930 (dont l’équipe nationale sort vainqueur).

Prévue tous les quatre ans, les éditions suivantes se déroulent en 1934 et 1938 marquée une victoire de la Squadra azzura exploitée à des fins de propagande politique (l’Italie étant alors fasciste, la victoire de 1982 ayant permis d’effacer cet héritage embarrassant). Après un intermède lié à la seconde guerre mondiale, la compétition reprend en 1950. L’équipe allemande, la Mannschaft compte l’un des palmarès du football mondial les plus fournis, avec un record de huit finales de Coupe du monde, dont quatre remportées par la RFA en 1954, 1974 et l’équipe allemande réunifiée en 1990 et 2014. Mais c’est le Brésil, la Seleçao, qui a remporté le plus de fois le trophée mondial respectivement en 1958, 1962, 1970, 1994 et 2002. « Les Bleus » font entrer la France dans le carré des nations ayant été sacré championne du monde à deux reprises, avec la victoire en 1998 à domicile et en 2018 en Russie, à l’image de l’Argentine en 1978 et 1986.

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La France a eu de très grands joueurs dans l’après-guerre. On peut citer Raymond Kopa ou Just Fontaine, ayant inscrit 164 buts en 200 matchs dans sa carrière et 13 buts en équipe nationale en une seule phase finale (à l’édition du mondial 1954). Ce qui est un record toujours inégalé. Par ailleurs, à l’image de nombreux pays, le football en France est le sport le plus populaire et la dont la pratique est la plus répandue. Si le football est né en Europe, il a donné lieu, en Amérique latine, à une culture de masse spécifique d’une puissance telle que l’objet transféré en est ressorti profondément transformé. Les conditions de sa réception et de son développement ont été fondées sur un antagonisme avec le vieux continent sans cesse réactivé. Des dimensions sociologiques, coloniales, politiques entrent en compte dans la mise en avant du football en tant que vitrine idéologique notamment et au travers le succès d’équipes nationales. Comme du temps des républiques populaires d’Europe centrale et de l’URSS, avec la RFA et la RDA, soit une vitrine politique.

On en a fait des outils de construction nationale, mais aussi des éléments d’opposition notamment idéologique ou symbolique, comme du temps de la guerre froide ou par exemple avec les dominants coloniaux. Et l’on voit cela dans tous les pays, au travers des rivalités régionales aussi, à Barcelone lorsque le Barça remporte la ligue des champions ou le Real Madrid. On le constate aussi au travers la rivalité entre le PSG et l’OM, le club de la capitale et celui de la province. Donc un sport d’emblée qui est plongé dans des problématiques sociales, nationales, politiques, voire culturelles, etc, pour un jeu professionnel, médiatisé très vite aussi (radio, tv…). Dans le développement des médias privées dans les années 1980, le football est ce que l’on va chercher comme type d’activités à montrer aux téléspectateurs. Canal + lance rapidement son offre privée avec décodeur autour de la rediffusion de certains matchs de football, notamment ceux du PSG.

Cela démultiplie également les effets du ballon rond, dans des pays qui ne le connaissaient absolument pas et qui vont le reprendre également, comme dans les pays d’Asie. A ce titre, cette coupe du monde fut étonnante sous de nombreux abords, certaines équipes nationales s’étant démarquées. Il est à noter, la montée en puissance des équipes asiatiques. Telle la Corée du sud qui a éliminé la Manschafft (pourtant encore championne du monde en titre !), dès le 1er tour, à la surprise générale. Le Japon a également mis à mal la Belgique de Eden Hazard, qui a signé une remontada (3 – 2) pour se qualifier pour les quarts de finale sur des buts de Vertonghen, Fellaini et Chadli, lors l’un des plus beaux matchs de la coupe du monde. Les diables rouges ont ensuite défait le Brésil de Neymar (2 – 1 ), se hissant en demi-finale face à la France. Une petite génération de footballeurs asiatiques évoluant dans certains clubs étrangers (notamment européens) de haut niveau, émerge sensiblement. A l’image du défenseur japonais Kiroki Sakai à l’OM, de l’ex-attaquant Keisuke Honda au Milan AC ou le Sud-coréen Son Heng-Min, évoluant au poste d’ailier droit à Tottenham. 

Pour la deuxième fois depuis 1986, la Belgique entrait ainsi dans le dernier carré d’une Coupe du monde. Mais on peut mentionner également la prestation des Suisses, qui se sont hissés jusqu’en huitièmes de finale. Alors dernière équipe africaine en lice, le Nigéria s’est pris à rêver de grand huit, mais les « Green eagles » furent logiquement battus 2 – 0 par la Croatie. Le nombre de licenciés en Inde ou en Chine, au Japon, dans certains pays d’Asie du sud-est, en Océanie, mais aussi en Amérique du nord (et en particulier aux Etats-Unis) progresse de manière significative. Le football reste toutefois un sport mineur outre-atlantique, détrôné par le football américain et l’éternel baseball, mais touchant un nombre sensible tout à fait intéressant de personnes. Par ailleurs, la plupart des grandes équipes prétendantes et toutes les équipes sud-américaines étaient éliminées en 1/4 de finale : Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, Brésil, Argentine… Tel le titrait « Courrier international », ce fut le naufrage de l’Amérique du sud, la corruption, l’exportation précoce de talents et une formation adéquate se retournant contre une école jadis éblouissante. La seule exception fut l’Uruguay.

L’organisation a été parfaite, le hooliganisme qui était prévu n’a pas été vu. Il y a eu une ferveur nationale, la Russie étant un immense pays. Classé 70e au classement mondial de la FIFA, la « Sbornaïa » (littéralement « équipe nationale » en russe) est arrivée en 1/4 de finale. Elle s’est qualifiée pour les huitièmes (deux victoires contre l’Arabie Saoudite et l’Egypte, contre une défaite face à l’Uruguay), où elle a éliminé l’Espagne (la « Furia ») aux tirs au but, à la surprise générale. Puis c’est également aux tirs au but que la sélection russe s’est fait sortir par les « Vetrani » (les Croates, futurs finalistes) en quart de finale. Et cela au cours d’un match qui ne fut pas le plus étonnant de la compétition, sur le plan technique, mais plein de suspense, la Russie ayant égalisé à la dernière minute pour arracher les « pénos ». Soit un très beau parcours, certes en tant qu’équipe du pays hôte, qualifiée d’office. 

Cette sélection russe a d’ailleurs son histoire spécifique, héritière de la sélection soviétique et de la CEI jusqu’en 1992 (réunissant alors sous le même maillot des joueurs de nationalité russe et ukrainienne à près de 60 %). L’équipe soviétique a été championne d’Europe en 1960, quatrième à la Coupe du monde 1966, et a décroché deux médailles d’or aux Jeux olympiques de 1956 et 1988. La sélection russe a ensuite connu une certaine irrégularité de 1996 à 2006. L’handicap du football en Russie est le climat, empêchant les matchs à l’extérieur, durant la saison hivernale, d’où une saison d’entraînement particulièrement courte. Bien que certains joueurs russes évoluent aussi dans des clubs européens. Mais la sélection ukrainienne est souvent plus mordante, pour des raisons aussi climatiques, la moitié ouest de l’Ukraine bénéficiant également d’un climat plus tempéré. En tout cas, les Russes sont fiers d’avoir accueilli le monde dans de bonnes conditions et tous les supporteurs étaient surpris de la qualité de l’accueil, car la Russie n’a pas spécialement une réputation notable du moins, en la matière. Les JO de Sotchi étaient plus verrouillés. Macron s’est mis en scène également, en déplacement à Moscou.

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On se souvient qu’en 1998, Chirac suit le peuple, le football étant populaire. Bien qu’à la différence de Macron, Hollande ou Sarkozy, Chirac n’y connaissait rien au football. En 1998, au Stade de France, invité à s’exprimer au micro depuis les tribunes, il avait eu besoin que l’on l’assiste pour égrener les noms des bleus évoluant sur le terrain, n’en connaissant pratiquement aucun. Mais bien que s’y connaissant lui, si Macron s’était détourné de cet événement, on aurait dit qu’il ne comprenait pas ses compatriotes. 36 millions de Français ont regardé le match, sans compter les bars, les fan-zones, etc. Macron n’en fait pas nécessairement trop. Il était avec les bleus. Il aurait été inconvenant qu’ils ne les reçoivent pas et qu’il ne se déplace pas pour la France, assister à la finale à Moscou. C’est quelqu’un qui maîtrise aussi très bien la com’. La fameuse photo de lui dans les tribunes, exaltant le poing levé en avant, a été prise par un photographe présent pour cela, puis posté instantanément sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron est quelqu’un qui réagit très spontanément. Il y a eu ensuite l’histoire des vestiaires et de sa visite aux joueurs de l’équipe de France victorieuse, comme Chirac et Jospin en 1998. C’est évidemment sympathique. On se souvient aussi de Gaulle renvoyant le ballon à une finale de coupe de France. Cela tombe très bien également, pour Macron, sur le plan de la com’.

Déjà en 1998, Chirac et Jospin ont beaucoup récupéré cette victoire, édifiée autour du mythe du black-blanc-beur. Bien que l’équipe de France ait déjà compté, dans le passé, des joueurs de couleur et / ou d’origine étrangère (Larbi Benbarek, Abdelkader Ben Bouali en 1938, Raymond Kopa, Abderrahman Ibir, Jean Swiatek, Edouard Kargulewicz, Mustapha Ben M’Barek dans les années 1950, Luis Fernandez, Michel Platini, Jean Tigana ou Marius Trésor dans les années 80…). Cela vient dans une période de doute, la France ne cessant de s’interroger sur la question de l’identité nationale, présente dans plusieurs domaines, avec également plus de chômage encore qu’en 1998. Mais il faut effectivement éviter de renouveler les mêmes histoires, de reprendre les mêmes recettes communicatives. C’est aussi le pouvoir de séduire, le rayonnement à l’étranger étant positif. Tout le monde peut parler de football, car c’est quelque chose que tout le monde peut partager, quelque soit l’intérêt qu’on y porte, avec des règles simples (si ce n’est peut-être le hors-jeu), à la différence du rugby plus complexe. 

Tous les politiques récupèrent les événements qu’ils peuvent récupérer. Macron aurait eu tort de ne pas s’intéresser à ce mondial, de ne pas se déplacer à Moscou, donc il était obligé de participer et en participant, il récupère. En 1998, cela validait le mythe dit de la France black-blanc-beur, qui était la visibilité des minorités. On ne va pas avoir de réel projet communicatif, cette fois-ci. Mais on aura des discours sur l’excellence, le travail, la relation à la symbolique de cette équipe, ce qui est aussi de la com’. C’est cependant très différent que ce qui se passe en 1998. D’abord parce que le mythe du black-blanc-beur, on sait que c’est un leurre, les problèmes se posant, avec Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle en 2002. Mais on sait comment on va lutter pour éviter cet éclatement de la société, en reprenant la symbolique de cette équipe, la citant en exemple, notamment dans un message adressé aux jeunes chômeurs des banlieues ou d’ailleurs, les incitant à se prendre en main avec l’Etat, les collectivités locales et avec si possible des jeunes gens qui vont se trouver un boulot, fonder une famille et construire la République française. Ou du moins c’est la recette communicative du moment.

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« Black-blanc-beur », c’était une réponse à Jean-Marie Le Pen, disant qu’il y avait trop de joueurs antillais ou d’origine africaine dans l’équipe de foot, la France n’étant pas représentée équitablement dans sa diversité. Là, on ne va pas reprendre les mêmes termes, sur le plan des médias et de la classe politique. Nous sommes français dans la diversité de la France. On parle de fraternité, en disant la même chose, avec d’autres termes car déviés sur le plan sémantique, à savoir de gagner dans la diversité, avec des footballeurs originaires de Bondy (Seine-Saint-Denis), d’autres de Mâcon (Saône-et-Loire), de Chambéry (Savoie), de Baie-Mahault (Guadeloupe), de Maubeuge (Nord), de Nice (Alpes-Maritimes), etc…. Aujourd’hui, même si les médias étrangers parlent de l’origine étrangère d’un certain nombre de joueurs (environ onze sur vingt-trois étant d’origine africaine ou antillaise), on a l’impression qu’en France on a surtout parlé de sport, il est vrai et non plus du pourquoi du comment. On célèbre le sport. On a beaucoup parlé de fraternité, sans faire des clivages comme en 1998 et en 2006, contrairement à une certaine presse étrangère, notamment transalpine.

On se souvient de cette polémique autour de l’affaire dite des quotas, qui a été aussi grossi comme souvent dans les médias. Dans les centres de formation, il était question d’essayer d’éviter de choisir trop de blacks et de beurs et une longue conversation avait été enregistré. La décision n’a jamais été prise. Le monde du football est l’un des plus grands vecteurs de lutte contre le racisme. Il est toujours un peu curieux de monter cela en scandale, à ce titre, car en termes de lutte contre les discriminations et d’égalité des chances, il n’y a plus significatif que le football. En foot, vous êtes bon, vous n’êtes pas bon, peu importe votre origine. C’est aussi une histoire de l’empire colonial français. Il y a aussi le cas des bi-nationaux comme Hernandez, qui est franco-espagnol, mais dont le père était entraîneur en France. Hernandez aurait pu choisir aussi l’équipe espagnole, mais il a préféré l’équipe de France, par les trajets des parents, etc. C’est propre aussi au football, Hernandez ayant vécu longtemps en France, bien qu’étant retourné vivre en Espagne.

Il n’y avait pas une star aussi, comme Zinédine Zidane en 2006. L’équipe était plus équilibrée, s’appuyant sur les joueurs d’expérience à savoir Hugo Lloris, Olivier Giroud… Ce qui avait tué un peu le football français, c’était ces bandes générationnelles, à savoir la génération Karim Benzema, Samir Nasri voulant prendre leur place aux joueurs de 1998 (Thierry Henry, etc…). A part l’attaquant Olivier Giroud et le gardien de but Hugo Lloris, légèrement plus âgés, l’équipe était assez homogène sur le plan de la moyenne d’âge, allant de 22 à 25 ans. Paul Pogba a pris une certaine dimension dans cette coupe du monde. Ce qui est intéressant par ailleurs, au sujet d’un joueur en particulier, à savoir Antoine Griezmann, c’est qu’il vient vraiment de la France profonde du foot, le petit club local, dans la tradition très républicaine, la France, son clocher, son terrain.

Et ce n’est pas en France qu’il fait sa carrière, puisqu’on n’en veut pas. Il a été rejeté très jeune dans les centres de formation hexagonaux, parce qu’il est trop petit. Il doit tenter sa chance de l’autre côté des Pyrénées, où il a effectué toute sa carrière. Mais il se rattrape de ce rejet, au travers son engagement dans l’équipe de France. Olivier Giroud a bien joué aussi et s’est montré indispensable, bien que n’ayant pas marqué un seul but. Didier Deschamps a toujours été lui le stratège sur le terrain, comme Aymé Jacquet, qui était entraîneur alors qu’il était déjà capitaine. Il en est le digne successeur car il prend toujours de haut les problèmes. Et puis, Aymé Jacquet a eu le courage d’évincer David Ginola et Eric Cantona en 1998, énormes stars mais des fortes personnalités assez égotistes. Et il a pesé pour que ces deux-là soient écartés, après réflexion, car jugés responsables de la défaite de 1993 face à la Bulgarie de Kostadinov. Didier Deschamps a fait de même pour Karim Benzema. 

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C’est une autre manière de retrouver Aymé Jacquet. C’était le modèle de l’instituteur, soit retrouver des entraîneurs de football qu’avaient créé la République, une forme de terroir, une certaine forme de réalisme véhiculé par Deschamps, avec une forme d’exigence dans le travail et qui le rend sympathique. Il semble travailler bien, il a toujours le sourire, il fait des plaisanteries. Il y a un très grand écart entre cette simplicité relative et son statut sportif professionnel, entrant dans le carré des trois entraîneurs ayant associé deux coupes du monde remportées, en tant que joueur et entraîneur. C’est une vedette certaine car ayant été joueur professionnel dans les années 1980, capitaine de l’OM en 1993, puis de l’équipe de France en 1998, avant de devenir notamment entraîneur de la Juventus de Turin dans les années 2000 et de l’équipe de France depuis 2012. Mais qui ne se prend pas au sérieux, ce qui forcément crée de la sympathie. C’est une victoire du sport. Mais certes il y a aussi des sponsors, il y a de l’argent. Le foot est un business, c’est incontestable.

Des sommes d’argent formidables sont en jeu, à tous les niveaux. Certaines places pour la finale de Moscou se vendaient au noir jusqu’à 10 000 euros. Et du jour au lendemain, des intermédiaires internationaux et des trafiquants clandestins se sont réveillés millionnaires. A l’image des chanteurs, des acteurs et actrices, des top-modèles, d’autres sportifs en tous genres, les vedettes du ballon rond représentent des fortunes. Mais tel l’analysait Olivier d’Ormesson, en juillet 1998, « à la différence des magnats des affaires, de la finance ou de l’industrie », ce sont des fortunes acclamées par les masses populaires. « Demain, les lampions éteints, elle repartiront vers les clubs qu’elles font vivre et qui les font vivre. Aussi loin que possible des exigences du fisc et des inquisitions », écrivait-il à l’époque. 

Les joueurs singeaient les présidents avec leurs discours et donc effectivement cela fait plaisir aux gens d’entendre cela. On ne sait pas si c’est du 1er ou du second degré. Ils ont une façon de s’exprimer, d’être, cette culture, cette façon d’être. Ils viennent plutôt des banlieues résidentielles de petite classe moyenne comme Kylian Mbappé ou de province, à l’image de Benjamin Pavard, Antoine Griezman ou Olivier Giroud… Ce qui est intéressant au-delà de valeur(s) sur la République, sur le vivre ensemble, la gentillesse, l’humour, l’envie de s’amuser. On les a vu comme des gosses après le coup de sifflet final, glisser sur la pelouse mouillée. Ce qui est naturel, car c’est une bande de copains qui s’amuse et le sourire est insufflé par Deschamps. Mais plus jamais des joueurs qui se font éliminer parce qu’ils ne descendent pas du bus, qui ne répondent pas aux autographes des supporteurs.

C’était un peu le juin 1940 de l’équipe de France, en foot, cette série d’échecs en 2008, 2010 et 2012. Il y a une perte de licenciés, les sponsors commençant à se détourner. Donc quand même il y avait un danger, si l’on peut dire et là il y a eu un travail de réflexion, de pédagogie, de reconquête de l’esprit et du cœur des Français par le comportement. La France se retrouve dans cette équipe, dans ses valeurs, dans son esprit. C’est toute la question de la relation entre le public et une équipe, car la France du football ne démarre pas au quart de tour. On ne sait pas ce que l’on va découvrir, les Français ne s’étant pas déplacés beaucoup à Moscou. C’est un football barbapapa qui s’adaptait à l’adversaire.

A la fin de la 1ère mi-temps face à la Croatie, on mène 2 – 1 alors que l’on a pratiquement pas touché un ballon, ce qui est miraculeux. Puis on se rattrape dans la 2e mi-temps (le « on » employé étant impersonnel, s’identifiant à l’équipe de France), ayant été clairement en-dessous durant la 1ère mi-temps de la finale, mais plus efficace que les Croates avec toute une série d’entrelacs, stratégique, tactique. Car en 2016, lors de la finale de l’euro organisé dans l’hexagone, on a été supérieur techniquement aux Portugais et on a perdu. Mais là, on était peut-être inférieur sur ce plan aux Croates, mais on a gagné et c’est aussi un peu comme ça le football. Il y a toujours cette question du rapport entre des supporteurs et une équipe, étant dans une grande prudence sur le plan du résultat sportif. C’est une victoire progressive, ce qui est très important, d’où ce qui était évoqué précédemment. Et puis il y a le match, les matchs (le succès timoré face au Pérou, suivi du match nul contre le Danemark, puis la victoire contre l’Argentine, l’Uruguay…), et on a des idées, avec une équipe jouant bien, mais montant en puissance de façon très progressive. Donc il y a une mutation devant les téléspectateurs, avec des joueurs qui ne sont pas enfermés sur eux-mêmes.

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Et il y a Didier Deschamps qui a travaillé sur cette équipe et sur la manière de créer le groupe. Mbappé est celui qui a le plus impressionné durant cette coupe du monde, en gagnant à 19 ans. La vedette du PSG, ce n’est plus désormais Neymar, mais Mbappé. Et le sélectionneur du PSG devra désormais gérer cette rivalité au sein de l’équipe. Neymar passe pour une diva un peu égoïste, alors que Mbappé coche toutes les cases. Bien que l’attaquant brésilien se soit rattrapé récemment, à l’occasion d’un superbe triplé en ligue des champions, lors d’une large victoire à domicile 6 – 1 (PSG – Etoile rouge de Belgrade). Tout a l’air naturel, chez ce garçon de 19 ans. Le talent, on l’a ou on l’a pas, le père étant sportif professionnel et entraîneur de handball. C’est assez impressionnant, car on a l’impression que Kylian Mbappé a fait du média training pendant 5 ans, en arrivant à 19 ans, avec un côté p’tit gars sympa. C’est très réconfortant, car cela veut dire que le talent, la réussite n’empêche pas la solidarité et l’humilité.

La France était fâchée à mort avec son équipe nationale. Normalement, Didier Deschamps poursuivra jusqu’en 2020 pour justement sécuriser son contrat. Ca, c’est une logique du sport. Il y a effectivement l’ombre planante de Zidane, mais cela se fera dans l’ordre des choses, dans les règles. Jacquet avait quitté sa fonction en 1998, comme Hidalgo en 1984, après la victoire à l’euro avec la bande à Platini, Giresse et Rocheteau, qui était le 1er succès français dans le foot. Jacquet a été aussi très touché par les critiques de la presse, à l’époque. Mais là, Deschamps a signé une prolongation de contrat pour 2020 et lorsque Zidane a démissionné du Real Madrid, il n’était pas question qu’il y ait remise en cause de cela. Qu’en est-il des retombées financières ? Des efforts financiers sont faits pour les petites structures formant les jeunes footballeurs. Ce que touche la FIFA, c’est colossal par les droits télé.

Mais la FIFA ne fait pas de bénéfices, elle redistribue tout, soit 25 millions d’euros pour la Fédération Française de Football. Tout au long de l’année, de l’argent est redistribué aux fédérations des Caraïbes ou africaines par la FIFA. Il y a eu des scandales de corruption aussi, mais il y a de la redistribution. La FFF redistribue. Entre 50 et 60 millions d’euros, sur un budget de 250 millions d’euros, sont redistribués aux footballeurs amateurs. L’argent, ce sont les sponsors, les droits télé. Il ne faut pas croire que ce sont les petits qui paient pour les gros. L’équipe de France de football bénéficie aux clubs amateurs, par l’argent qu’elle ramène, donc elle est bénéficiaire. Cet argent est redistribué aux petits clubs. Vu sous un autre angle, il y a eu entre 0,1 et 0,2 % de croissance de PIB en 1998, sur le plan des retombées économiques. Mais on était en pleine ascension. 

Par ailleurs, que faut-il penser de la remise de la légion d’honneur ? Quand bien même, les joueurs de l’équipe de France gagnent de tels trophées, la question peut se poser. Il faudrait réserver la légion d’honneur à ceux qui risquent leur vie pour accomplir des actes héroïques (et arrêter de la donner à des sportifs), les palmes académiques aux enseignants, l’ordre du mérite à ceux qui le mérite, la dernière promotion ayant été limité à 398, mais c’est déjà trop. Il n’y a pas eu trop de grincheux, par ailleurs. En général, c’est l’extrême-gauche, qui considère que c’est l’opium du peuple et l’extrême-droite comme avec la polémique de 1994 de Jean-Marie Le Pen sur les joueurs ne chantant pas la marseillaise, car visiblement ils ne la connaissaient pas. Ce sont des moments de liesse éphémère, mais il faut les goûter, sinon c’est refuser tous les plaisirs car ils sont éphémères. Cela a aussi occulté l’actualité. Il est vrai qu’à partir de la victoire sur la Belgique, on a parlé surtout du football, à l’image de la mort de Johnny Hallyday. C’est le principe des événements d’actualité, qui entraînent des manifestations populaires et qui éclipsent le reste. Mais cela fait partie de notre histoire, de notre roman national et cette équipe de France de foot s’avère prometteuse, car jeune et talentueuse. 

                                                                                                                                                                   J. D.

 

21 octobre, 2018

Miro – Rétrospective au Grand Palais

Classé dans : Culture — llanterne @ 1:25

Miro, Rétrospective au Grand Palais, 3 Octobre 2018 – 4 Février 2019

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Joan Miro, né à Barcelone le 20 avril 1893 et mort à Palma de Majorque le 25 décembre 1983, est un peintre, sculpteur, graveur et céramiste espagnol. Il est l’un des principaux représentants du mouvement surréaliste (fauviste, cubiste), et une rétrospective de grande qualité lui est consacrée au Grand Palais jusqu’au 4 Février, au travers un parcours en seize étapes retraçant sa carrière. Réunissant près de 150 oeuvres dont certaines inédites en France et couvrant 70 ans de création, cette rétrospective retrace l’évolution technique et stylistique du célèbre artiste. A découvrir.

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Dès les années 1920, sa volonté de développer ses pratiques novatrices s’est affirmé. Sa terre natale, la Catalogne, lui a offert l’inspiration et Paris fut son premier tremplin, son premier séjour dans la capitale remontant à 1920. Décidément plus jamais Barcelone. Paris et la campagne et cela jusqu’à ma mort, écrit-il alors à son ami Enric Cristofol Ricart. En 1921, Miro habite à l’hôtel Namur, 39 rue Delambre (Paris 14e), et travaille dans un atelier situé rue Blomet qu’il sous-loue à Pablo Gargallo. Il a pour voisin André Masson, avec qui il se lie d’amitié. Grâce à ce dernier, il fait la connaissance de nombreux poètes et écrivains, qui tous entendent créer un nouveau langage poétique : Michel Leiris, Georges Bataille, Robert Desnos, Antonin Artaud, Raymond Queneau…  En 1925, Louis Aragon, Paul Eluard et Pierre Naville rendent visite à Miro pour voir ses dernières peintures. Avec Pablo Picasso, son compatriote, Miro entretiendra une longue amitié, nourrie d’un profond respect pour leur oeuvre respective.

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En avril 1937, le gouvernement espagnol commande à Miro une décoration destinée au pavillon de la République espagnole conçu pour l’Exposition universelle de Paris du 25 mai au 25 novembre 1937. Il réalise un grand panneau mural de sept mètres représentant un paysan espagnol en révolte, El Segador (Le Faucheur), qui fait face à la toile monumentale de Picasso, Guernica. Les oeuvres présentées y sont ouvertement politiques et symbolisent la résistance au fascisme franquiste. A l’été 1939, Miro s’installe avec sa famille au Clos des Sansonnets à Varengeville-sur-mer, où résident déjà des artistes comme Braque, Queneau, Duthuit… En dépit des événements tragiques secouant l’Europe, Miro trouve dans ce petit village de la côte normande le calme qu’il a connu autrefois à Mont-roig. C’est sans doute également dans le travail de la céramique que le génie de Miro a trouvé son expression la plus pleine. Aux vases, aux plats et aux nombreuses plaques rectangulaires réalisées entre 1944 et 1946 succédera en 1953 l’exceptionnelle série des Terres de grand feu cuites dans les fours qu’Artigas a installés dans le village de Galifa.

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Avec la fin des hostilités, la vie reprend son cours et Miro renoue avec ses amis et ses marchands, tisse de nouvelles amitiés, s’informe des nouveaux courants artistiques, et de tout ce qui se passe dans le monde. En 1947, il effectue un séjour de huit mois à New York qui produit sur lui une forte impression. A partir de 1956, Palma de Majorque fut le grand atelier dont il avait tant rêvé. Entre tous ces lieux autour desquels l’exposition s’articule, Joan Miro a créé une oeuvre dénudée de toute anecdote, de tout maniérisme et surtout de toute complaisance à l’égard des modes. Il a remis continuellement en question son langage pictural, au travers toute sa carrière, pour y parvenir. Bien que s’étant intéressé aux avant-gardes du XXe siècle, il n’a jamais adhéré à aucune école, ni aucun groupe précis.  Il est l’un des rares artistes, avec Pablo Picasso, à avoir lancé un défi au surréalisme et à l’abstraction, ici retracé dans cette formidable rétrospective dans ce magnifique lieu d’exposition.

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