Notre diplomatie économique : un véritable marché de dupes
Le président de la République Populaire de Chine, M. Hu Jintao, s’est vu dérouler le tapis rouge au cours de sa récente visite d’une semaine dans l’hexagone. Ce qui laisse quelques peu dubitatif. En effet, aucune prise de position réellement courageuse n’a été prise à l’occasion de cette visite. Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera, avait averti Alain Peyrefitte. Et la Chine entretemps s’est levée… Elle a pris un essor phénoménal, prédateur redoutable et pour le moins irrésistible. Sa diplomatie économique est sans failles et elle a encore une fois tiré ses épingles du jeu. On ne peut que s’interroger devant la couardise de Paris et son manque de combativité, en matière de diplomatie économique. Il conviendrait d’opérer un bilan de cette visite, dans un premier temps, placée sous le signe d’une indéfectible amitié entre notre pays et l’empire du milieu, suivie par la dernière réunion G20.
Des commandes auraient été passées par la Chine à des entreprises françaises – à hauteur de 20 milliards d’Euros -, en particulier à certains de nos fleurons hexagonaux : Areva, Total, Alcatel-Lucent, PSA… Mais en réalité, cela s’opère bel et bien au détriment du « Made in France »… Des contrats passés, en réalité souvent déjà négociés, ressortis à l’occasion de cette visite telle une grande victoire arrachée. Une commande de 102 airbus a été passée, Areva s’est vu confirmer un contrat de 3,5 milliards de Dollars, soit la fourniture de 20 000 tonnes d’uranium sur dix ans, au groupe d’électricité chinois CGNPC et juste un accord de coopération. Total a confirmé la signature d’une lettre d’intention concernant la construction en Mongolie intérieure d’une usine de transformation et Alcalet-Lucent, comme cela était commenté dans un article récent de Marianne 2 (http://www.marianne2.fr/), « plus gâté », a décroché un contrat de 1,1 milliard de Dollars. PSA se serait peut-être vu confirmer l’installation d’une usine automobile en Chine !…
Mais il s’agit de la face émergée de l’iceberg. Car les avions airbus seront fabriqués dans des usines chinoises, détenues à 50 % par des capitaux chinois, accompagnés de transferts technologiques, soit un vrai marché de dupes comme à l’accoutumée. Car bientôt, les Chinois sauront fabriquer leurs propres airbus, pour nous concurrencer sur ce même marché ensuite. Il en a été ainsi d’Alstom, implanté en Chine pour un fructueux contrat ferroviaire, accompagné d’un transfert de technologie acquis. Et qui n’a pas été renouvelé en 2009, les Chinois ayant décidé de construire 42 lignes de TGV désormais, tous seuls… Il en a été de même pour Areva. Il n’y a que le groupe de grande distribution, Carrefour, qui ait parvenu à se maintenir. Accepter ce principe du transfert de technologies, c’est tout bonnement scier la branche sur laquelle nous sommes assis. La Chine ne se contente plus seulement d’être l’atelier du monde, ni même son laboratoire, elle aspire à elle, toutes les richesses, le travail, les sociétés à fort potentiel technologique. Bientôt, les Chinois seront présents à l’exportation dans certains nouveaux secteurs, avec une combattivité imbattable, liée à leur faible masse salariale. Car le décollage économique chinois, précisons-le, n’est nullement accompagné d’une réduction des inégalités sociales et salariales. Le pauvre salarié mingong continue d’être exploité et sous-rémunéré, car tout ce dynamisme économique chinois repose sur ce dumping salarial et monétaire, que les oligarchies chinoises ne sont près pour rien au monde, à remettre en cause.
A Séoul, pour le G20, les tensions ont été très fortes et c’est bel et bien un conflit qui s’est déroulé autour de la table; mais auquel la France n’a pas réellement pris part. Ce conflit est monétaire et commercial. Il a déjà chamboulé les rapports de force internationale et les alliances traditionnelles, ayant même vu les Allemands s’alliaient aux Chinois contre les Américains ! La presse outre-Rhin titrait ainsi, il y a peu : « La Chine ou la mort ». La convergence franco-allemande et européenne est inexistante sur ce point. Les Allemands font notamment cavalier seul. En effet, la Chine et l’Allemagne sont les deux plus grands pays exportateurs de la planète et grands accumulateurs de devises – il est bien connu que les Allemands sont imbattables sur le marché des machines-outils, où ils nous taillent des croupières à l’exportation, constamment depuis des années. Mais la crise de 2008 a laissé les Etats-Unis sur le carreau, à savoir un important marché. Les consommateurs américains surendettés et appauvris, recommencent tranquillement à épargner. Obama a réinjecté 600 milliards de Dollars dans leur économie. Le plan de sauvetage américain a été plus conséquent d’ailleurs qu’en France, même s’il a fallu pour cela faire jouer la planche à billets. Mais il faut dire que les Américains, eux, disposent encore de cette marge de manœuvre.
Pour le reste du monde, les conséquences immédiates seront de tout de façon, l’inflation et la récession. Les Chinois s’en fichent, ils ont calé leur yuan sur le dollar. « Ils se moquent des lois de l’économie », étant sur ce point encore bel et bien communistes, comme le soulignait ironiquement M. Zemmour. Les Allemands ont sinon hurlé, au cours du G20 – et cela pouvait paraitre légitime -, au sujet de l’Euro qui va encore monter et rogner les ailes de leur magnifique machine exportatrice. Mais élément pondérateur, les Allemands opèrent 65 % de leurs exportations au sein de l’UE et là, miracle monétaire de l’Euro, leurs concurrents ne peuvent jouer le jeu de la dévaluation, comme le font les Américains avec le Dollar.
Au final, les Français perdent sur tous les tableaux : celui monétaire et celui du libre-échange. Selon un rapport de la Direction du Trésor, 63 % des emplois perdus entre 2000 et 2007 l’ont été à cause de la conjoncture internationale ! Mais Sarkozy n’ignore rien du prix à payer : délocalisation, désindustrialisation et chômage. En guise de traité de paix, il avait proposé une réforme globale du système monétaire international. Au G20, personne ne lui a dit non, mais personne ne lui a dit oui, non plus. Les Français jouaient les éléments pondérateurs, alors que les autres défendaient âprement leur bout de gras, autour de la table des négociations. Il s’imposerait de changer enfin de stratégie. Et c’est d’ailleurs peut-être pour cela que Sarkozy ait rentré pour transformer son équipe gouvernementale en équipe de combat. Du moins espérons-le, car les défis gouvernementaux en matière économique, sont loin d’être négligeables.
J. D.