Gauche caviar contre droite « bling-bling »
Ces derniers jours, l’actualité politique française -partiellement éclipsée par les évènements internationaux-, a été dominée par les polémiques autour de la candidature socialiste. Il vient s’y ajouter médiatiquement les atermoiements autour du caractère hypothétique de cette candidature, accentués par le silence troublant du candidat concerné et les effets d’annonce de son épouse. Et les attaques de bas étage ont fusé de part et d’autre, entre l’UMP et le PS.
Dominique Strauss-Kahn apparaît visiblement comme un épouvantail à moineaux à une frange de la droite, celui qu’il faudrait à tout prix empêcher de concourir. Les ténors de l’UMP s’en sont récemment donnés à coeur joie, le bal ayant été ouvert par le porte-parole, Christian Jacob, qui estime que Strauss-Kahn n’incarne pas l’image de la France, ou du moins celle qu’il aime. Le député Pierre Lelouche a fustigé le candidat de « la gauche caviar », Jean-François Copé dénonçant l’air faussement désolé, la carence ultime de DSK, « il ne vit plus en France depuis maintenant cinq ans ». Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, a pris la mouche du coche, dénonçant les relents très cramoisis de la déclaration de Christian Jacob, y voyant des relents poujadistes, dans la veine des attaques du papetier de Saint-Céré contre Mendès-France, ou de celles dirigées contre Léon Blum durant l’entre-deux-guerres… Intenter un procès en illégitimité à DSK, affirmer que le président du FMI n’incarne pas la France, c’est sous-entendre qu’il serait un apatride, un tenant du parti de l’étranger. Mais parce que les socialistes savent bien aussi, que lorsque Christian Jacob déclare « avec sa fausse rusticité de paysan mal dégrossi », que DSK n’incarne pas bien la France, il touche aussi au principal talon d’Achille du candidat de Washington, incarnation de la « gauche bobo » entre son ryad à Marrakech et son appartement de la place des Vosges.
S’y ajoutent les interventions de sa charmante épouse, Anne Sinclair. Elle écrit et s’exprime, car elle n’est pas tenue par l’obligation de réserve de son époux, et ses propos et écrits sont relayés, commentés, sous-pesés, analysés. Car Anne Sinclair n’est pas seulement la femme de DSK, mais aussi et surtout une ancienne talentueuse journaliste et l’héritière d’un des plus grands marchands de tableaux du début du siècle dernier. Mais le patrimoine de Dominique Strauss-Kahn, son appartement de la place des Vosges, son pied-à-terre à Washington, c’est aussi elle. Dixit E. Zemmour, Anne Sinclair « c’est l’ancienne présentatrice de Sept sur Sept (…), la Dame au pull en mohair… », qui se faisait remplacer à l’antenne, quand elle devait recevoir Jean-Marie Le Pen, incarnation d’une gauche bourgeoise des années 80, qui s’était convertie au néo-libéralisme après le tournant de la rigueur de 83, et qui arborait la petite main jaune pour se donner un supplément d’âme. Mais depuis, de nombreux socialistes ont aussi analysé de manière critique cette période qui s’est achevée sur le Waterloo de Lionel Jospin en 2002.
Ils ont cherché à comprendre, pourquoi l’électorat populaire les avait abandonné en masse et n’était jamais réellement revenu à deux depuis. « Pourquoi ils avaient donné l’impression d’avoir laissé choir le peuple et la nation, au nom de l’Europe et du marché (…), d’avoir endossé la tunique rutilante, de ce que Jean-Pierre Chevènement appelait les élites mondialisées ». Et l’ennui pour Anne Sinclair, c’est que DSK est déjà sensible à ce type de critiques. Mais Anne Sinclair n’essaye même pas de corriger l’image de son mari, elle l’accentue, l’aggrave. Elle incite aussi ses adversaires à se dévoiler et à hisser sur le pavois, une Martine Aubry pourtant rétive. Du point de vue de l’image, Nicolas Sarkozy a eu sinon, le même type de souci en 2007. Le PS dénonçait « le candidat de Neuilly/Seine, atlantiste et libéral » -dixit Eric Besson, encore socialiste à l’époque-, puis le président « bling-bling ». Ce même Nicolas Sarkozy, qui s’évertue à se donner une patine de terroir, ces derniers temps, au travers de ses nombreux déplacements en province et sa défense électoraliste du monde rural.
Ce sont bien-sûr des questions d’image, des clichés, des raccourcis. Mais il est aussi des attaques qui peuvent devenir dangereuses, revenant comme un boomerang… Car comme l’analysait la journaliste au Figaro, Anne Fulda, lorsque la majorité attaque « la gauche caviar » de DSK, l’écho lui renvoie aussi « la France bling-bling du Fouquet’s ». Mais avec un risque pour l’UMP et le PS, en 2012, c’est qu’à l’arrivée, les électeurs se disent DSK / Sarko, c’est bonnet blanc / blanc bonnet… Du pain béni pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, les deux grands candidats anti-système.
J. D.