Ce référendum anglais
Accusé de faire chanter l’Europe, David Cameron passe un mauvais quart d’heure, de Bruxelles à Berlin, en passant par Paris et même Washington et Pékin. Les élites européennes et britanniques désapprouvent aussi, son prédécesseur, Tony Blair, le condamnant également, ainsi et surtout que les marchés, les bourses, les banquiers et les milieux d’affaires aussi. Le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté a exigé un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Est-ce du populisme, de sa part ? Quelles sont les réelles motivations de ce référendum ? Quel pourrait en être le résultat ? Quelles en seront les conséquences ?
On dira que, malgré le tunnel sous la Manche, la Grande-Bretagne est encore une île, qu’elle regarde toujours davantage vers les Etats-Unis que vers le vieux continent, qu’elle est entrée à reculons dans l’Union et qu’elle n’a jamais voulu adopter l’euro. Mais cela dit, les Anglais ont de la chance. Cela fait bien longtemps qu’on ne nous a plus demandé, à nous autres, ce que nous pensions de cette Europe qu’on nous avait présentée jadis comme une aimable confédération d’Etats-Nations. Il parait que Cameron pousserait l’incongruité, jusqu’à se soumettre à la volonté du peuple britannique. Pourtant, Sarkozy lui avait donné le bon exemple, le ton. A l’issue du référendum de 2005 sur l’Europe et du non français (de Gaulle avait démissionné pour si peu en 1969, mais pas Chirac), il a fait revoté en catimini, cette fois-ci par le parlement, jusqu’à ce qu’un oui s’en suive. Sarkozy n’avait ainsi pas voulu tenir compte de ce non et il ne l’emportera pas au paradis. Mais ils savent mieux que nous ce que nous souhaitons.
Les motivations de Cameron sont complexes, mais surtout propres aux tensions internes au parti conservateur. Pour tenter de réasseoir sa légitimité menacée au sein de son propre camps, sachant que la question est en phase avec une frange du parti conservateur ainsi que d’une partie de l’opinion publique britannique, il a décidé ce tour de passe-passe. Personne ne peut prédire le résultat. Mais Cameron doit sûrement parier, en définitive, sur un vote en faveur d’un maintien au sein de l’UE, qui reste son souhait, espérant en ressortir renforcé à l’issue, au sein de son camps. Certes, vous diront qu’après tout, le Royaume-Uni a toujours eu un pied dedans et un pied dehors, ayant toujours négocié des conditions particulières, à commencer par la PAC, ainsi que pour la monnaie unique. Les Anglais ont refusé d’adopter l’euro. Ils ont finalement été pas si mal inspirés. Présentée comme favorable à la croissance, l’adoption de la monnaie unique aura eu des effets pervers d’ordre macro-économique, bien qu’au départ c’était un beau projet sur le papier.
Depuis vingt ans, la zone euro est la région du monde où la croissance est la plus faible. Les Anglais veulent continuer à bénéficier de leur propre planche à billets. Ils ont aussi refusé Schengen, qui nous permet de recevoir des centaines de milliers d’immigrés clandestins, dont personne ne veut. Ils refusent aussi de se soumettre à l’impérium de la grande puissance économique européenne, l’Allemagne. Les Anglais nous comprennent mal, nous qui cédons au lyrisme illusoire du couple franco-allemand. « Un couple, disait Oscar Wilde, c’est quand deux personnes ne font qu’un ». Mais lequel ?, dixit Zemmour. Ils ne supportent pas non plus, après la suppression des frontières, la monnaie, de voir leurs lois non plus faites aux Communes à Londres, mais à la commission à Bruxelles, par des technocrates. C’est cela, la démocratie parlementaire. Ils refusent aussi de se voir admonester des remontrances sur les droits de l’homme par des juges étrangers à La Haye, étant rappelons-le pays de l’Habeas Corpus.
Depuis cette annonce, on menace aux entreprises britanniques de leur fermer le marché européen. Mais le marché européen est le plus ouvert au monde, aux Américains, aux Chinois, aux Japonais. Et l’industrie britannique déliquescente est en train de se refaire une santé, grâce à une monnaie faible et des lois sociales encore plus faibles. Quoiqu’il en soit, c’est un populisme britannique, certes agité par des calculs politiques, mais au demeurant, qui sait reconnaitre son intérêt propre…
J. D.