La Lanterne (politique, sujets de société)

26 mars, 2013

« Ce soir ou jamais » de Frédéric Taddéï – Intervention d’Alain Finkielkraut

Classé dans : Politique,sujets de societe — llanterne @ 17:39

L’émission « Ce soir ou jamais », présentée par Frédéric Taddeï sur France 2, réunissait dans son dernier numéro, plusieurs personnalités, dont le philosophe et essayiste Alain Finkielkraut, le politicologue Emmanuel Todd, le démographe Hervé Le Bras, la philosophe Chantal Delsol, ainsi que Daniel Cohn-Bendit pour débattre de la morosité de l’actualité, autour du thème « La France ne se sent pas bien ? Pourquoi ? ».

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Sale dimanche pour le pouvoir !

Classé dans : Politique,sujets de societe — llanterne @ 16:02

Sale dimanche pour le pouvoir, avant-hier. La manifestation contre le mariage homosexuel a été un énorme succès. Comme l’observe le journaliste Thierry Desjardins, il suffit de voir les photos de la foule pour comprendre que le chiffre avancé par la préfecture de police de 350.000 manifestants est minimisé, comme à l’accoutumée. Même si le million et demi revendiqué par les organisateurs est, sans doute, un peu excessif. Mais, et c’est en cela que la journée a été importante, il ne s’agissait plus d’un baroud d’honneur pour une cause perdue. Dès le début de la manifestation, on a entendu des slogans qui dépassaient de beaucoup le débat sur « le mariage pour tous ».

Personne ne pouvait prévoir un tel raz-de-marée, alors que le texte incriminé a déjà été approuvé par l’Assemblée Nationale et va l’être sans problème par le Sénat. D’innombrables marcheurs hurlaient : « Le chômage avant le mariage » et le mot d’ordre était repris sur un grand nombre de banderoles. Ce n’étaient plus seulement les défenseurs de la famille traditionnelle qui défilaient. Ils avaient été rejoints par les « Français de base » affolés par la situation et excédés par les atermoiements et l’incapacité de François Hollande à faire face à la crise qui s’aggrave de jour en jour. Le président de la République s’était imaginé, très naïvement, qu’en jouant avec des réformes dites « sociétales » il ferait oublier au « peuple » le chômage, la dégringolade du pouvoir d’achat des classes moyennes et la misère qui frappe de plus en plus les « défavorisés ». Il s’est trompé.

En espérant calmer la gauche de sa gauche et en voulant plaire aux « bobos » homosexuels parisiens, il a simplement allumé une mèche qui pourrait faire sauter tout le baril des mécontentements. Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a sans doute été l’un des rares à comprendre les risques politiques de cette démonstration de masse. Il a donc cru devoir donner aux forces de l’ordre des instructions pour réprimer énergiquement tout débordement. Une évidente maladresse qui va permettre ce matin à la presse mondiale de publier des photos d’« insurrection sur les Champs Elysées ». Bien mauvaises images pour Hollande qui guerroie au Mali, envoie des troupes en Centrafrique et fait donner les CRS au cœur même de sa capitale, pour citer M. Desjardins. Finalement, ce type n’est pas si « normal » que cela. Mais la plus mauvaise nouvelle est sans doute venue de Beauvais avec les résultats du second tour de l’élection législative partielle de la 2ème circonscription de l’Oise.

Après avoir éliminé le PS - et sa candidate Sylvie Houssin -, au 1er tour, le Front National a créé la surprise, en s’inclinant certes, mais en plaçant sa candidate - Florence Italiani -, à 800 voix, à peine, du député UMP sortant - Jean-François Mancel -, qui lui est réélu avec 51,41 % des voix. On dira que Mancel est usé jusqu’à la corde, qu’il a eu des démêlés avec la justice, qu’il a peut-être eu à souffrir de la crise de l’UMP, sans parler de l’abstention massive. Mais au 2ème tour des législatives de l’année dernière, dans une triangulaire, Florence Italiani n’avait obtenu que 22,18 % des voix, et avec une participation électorale assez faible. Et on peut ajouter qu’en 2007, Anne Fouet, la candidate du FN d’alors, n’avait recueilli que 8,21 % des suffrages, dans des conditions similaires. C’est sans doute la défaite, a confié Marine Le Pen, dont elle est le plus fière. C’est la défaite en chantant. Plutôt que de transformer une candidate inconnue, en un député inutile, Marine Le Pen a gagné beaucoup mieux. Elle fait de nouveau peur. La gauche voit le retour du spectre de Lionel Jospin et de son absence au second tour de la présidentielle, le 21 avril 2002. L’UMP est concurrencé dans son rôle envié, de 1er opposant.

Certes, une législative partielle n’est pas une présidentielle. Et l’Oise n’est pas la France. Mais comme l’analyse Eric Zemmour, « elle donne un climat, une tendance ». Elle vient après les élections en Italie, qui ont vu la victoire de l’ex-humoriste Beppe Grillo, dirigeant du nouveau courant politique « Mouvement 5 étoiles », autour de thèses anti-élites, anti-euro, anti-Allemagne et anti-mondialisation. Les médias unanimes se bouchent le nez, en dénonçant la montée du populisme. Mais dans populiste, il y a peuple. A cet effet, les experts analysent toujours cette montée du populisme, comme la conséquence mécanique du vieillissement des populations et par conséquent, des peurs conservatrices générées par un monde nouveau. C’est en réalité, l’inverse, ce sont les retraités en votant pour les deux grands partis, qui font encore tenir debout le traditionnel clivage droite / gauche. Mais les retraités ne sont plus désormais épargnés par la rigueur de la gauche.

Ainsi, cette partielle de l’Oise confirme la présidentielle, mais aussi que les électeurs ne veulent plus des candidats du PS (on l’avait déjà vu lors des premières partielles de décembre dernier, quand la socialiste de la 6ème circonscription de l’Hérault avait été largement battue par un UMP et que la droite l’avait aussi facilement emporté dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne) et qu’ils hésitent de moins en moins à voter Front National.

                                                                                                                                                             J. D.

 

 

 

19 mars, 2013

Bruxelles et les budgets nationaux

Classé dans : Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 20:20

Les dirigeants européens se sont réunis en sommet, mardi dernier, à Bruxelles. Ils devaient notamment entériner l’obligation qui va être faite désormais aux Etats, de soumettre leurs budgets nationaux à la Commission européenne, avant le vote des parlements. Mais que cela change-t-il ? Ne peut-on pas alors fermer la mêlée parlementaire du Palais Bourbon ? Les députés ne perdent-ils pas ainsi de leurs prérogatives initiales ? Les commissaires de Bruxelles, non élus, n’auront-ils pas déjà imposé leur diktat ? 

Les députés ne pourront plus que se soumettre ou se démettre. Le vote du budget, des impôts, des dépenses par les représentants du peuple, fut pourtant aux sources de la démocratie. C’est ainsi que les révolutions ont commencé en Angleterre et puis en France. Il y a vingt ans, Philippe Séguin avait prophétisé, lors du référendum sur Maastricht, en 1992 : « Ce sera la revanche sur 1789 ». L’élu d’Epinal - « la bête des Vosges », comme on le surnommait -, ne s’était pas trompé. L’autre grande arme économique des Etats, la monnaie, avait alors été confié à un cénacle de technocrates rassemblés dans une Banque Centrale Européenne, qui depuis lors, défend farouchement son indépendance. Avec les budgets sous contrôle de commissaires non élus, l’Europe ferme une parenthèse démocratique de plusieurs siècles. C’est ce que le philosophe allemand Habermas appelle « l’autocratie post-démocratique », en langage courant, la dictature des technocrates.

Chaque année, en votant la loi de finances, le Parlement donne à l’État l’autorisation de percevoir l’impôt. C’est un moment clé et l’un des temps forts de la démocratie représentative. En effet, dès qu’il est voté, l’impôt est obligatoire. Il est fondamental que l’ensemble des citoyens, par l’intermédiaire de leurs représentants, donnent leur consentement à l’impôt. C’est un acte solennel, un des temps forts de la vie parlementaire, qui se répète chaque automne et constitue un fondement de la démocratie. Le consentement à l’impôt est aux sources même du principe parlementaire. Historiquement, les premiers Parlements étaient convoqués par les souverains pour réunir les sommes nécessaires à l’État. C’était le cas en France avec la réunion des États Généraux. Reprenant l’héritage de l’Ancien Régime, la Révolution française a maintenu, développé et théorisé le rôle du Parlement dans la formation et le vote de l’impôt. Trois articles (13, 14 et 15) de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en font un principe fondamental.

En France, les politiques bougonnent, mais ils sont piégés. La gauche est depuis un siècle, internationaliste, européenne, fédéraliste. Mais cette Europe fédérale se construit pour mettre en place une politique d’austérité, qui l’horripile. La droite française, depuis le général de Gaulle, est censée défendre l’indépendance de la France. Mais elle approuve cette rigueur, qu’un des siens, Sarkozy, avait accepté sans broncher. Quand les peuples votent, ils rejettent violemment la politique imposée par Bruxelles. L’Italien Mario Monti l’a rudement appris à ses dépens. Mais Bruxelles est sourde, sûre d’être dans le vrai, sûre de « sa réussite », comme dit le Portugais Manuelo Barroso, un mot parfaitement choisi par le président de la Commission. Suivant l’analyse zemmourienne, sept pays de la zone euro sont en récession, neuf sont en stagnation. Un seul pays est florissant, l’Allemagne, se donne fièrement en exemple, et inspire la politique imposée par Bruxelles, qui n’est en réalité, qu’un relais de l’actuelle hégémonie germanique.

Mais le « cocktail » berlinois de monnaie forte, de libre-échange et de rigueur répond aux besoins de l’Allemagne : sa démographie faible et son industrie puissante à forte valeur ajoutée. L’inverse exact de la France. Mais les peuples ne s’y trompent pas. Angela Merkel est souvent visée dans les manifestations à Athènes ou Madrid. En Italie, ceux qui criaient le plus fort contre l’Euro et l’Allemagne, ont gagné. Ce que Jean-Claude Barreau avait dénoncé dans « Le coup d’Etat invisible », le voici. Ce coup d’Etat invisible, Mitterrand l’a voulu. Chirac et Juppé en avaient rêvé. Delors, Jospin et Strauss-Kahn l’ont fait. Supprimer le dernier privilège du peuple français : les effets du suffrage universel. Les fanatiques de l’Europe ont gagné et ce qui était chimère devient réalité. Pendant que Bruxelles donne des directives sur le sperme de cochon, et contrôle maintenant le budget des Etats, le chômage explose chez nous. La France ne maîtrise plus son destin. Mais il paraît que c’est le progrès. La secte des gnomes européistes qui tient désormais tous les partis a réussi à dissoudre la nation et à effacer 1789. 

A Bruxelles, comme à Paris, on dénonce le populisme, on craint le retour des nationalismes. Mais les tensions montent. Il y a cinquante ans, l’Europe a été fondé au nom de la paix et de la démocratie. La démocratie ne subsiste que comme un décor. Reste la paix, quoi que cela reste à débattre, les conflits armés étant nombreux aux portes de l’Europe. Grand mal de l’humanité, la guerre est loin d’avoir disparue, en ce début de XXIe siècle. Certes les pays membres de l’UE, la France et l’Allemagne, la plupart du temps vieillissants, ne se font plus la guerre entre eux depuis soixante-dix ans (et ne se la feront plus). Mais pas grâce à l’UE, mais surtout par la paix armée américaine, par la dissuasion nucléaire, parmi d’autres facteurs divers et variés, qui sont complexes ici à présenter et méritant de longs développements. Alors reste peut-être la paix sociale ? Pour combien de temps ? 

                                                                                                         J. D.

18 mars, 2013

De l’usage de la démocratie en Suisse

Classé dans : Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 19:57

Comme l’analysait le truculent Eric Zemmour, dans sa chronique matinale, qui me sert souvent de fil directeur, les patrons suisses « l’ont mauvaise », en ce moment. L’un des plus emblématiques, l’ancien patron du laboratoire pharmaceutique Novartis parlait même de s’exiler ! En effet, les Suisses ont décidé par référendum, de limiter les bonus et d’interdire les parachutes dorés. C’est une mesure très applaudie, côté français. Mais quelle est l’origine historico-parlementaire de cette procédure référendaire helvétique ?

Ainsi, la gauche française les cite en exemple, se proposant même de les imiter. Les petits Suisses sont loués par les grands médias français, pour avoir eu l’audace d’affronter les grands patrons. Les Suisses se souviennent, que les mêmes, il y a deux ans seulement, avaient déversé sur eux des tombereaux d’injures pour un autre référendum, une autre  « votation » comme ils disent, cette fois-ci sur les minarets en Suisse. Alors cette procédure était cruellement dénigrée, elle faisait le lit du populisme. Les Suisses les plus francophiles auront du mal à comprendre une telle inconstance hexagonale. Ce sont pourtant les mêmes électeurs et la même démocratie directe séculaire, qui sont ainsi glorifiés après avoir été traînés dans la boue. Le pays du secret bancaire, des montres de luxe, de Davos et des référendums interdisant les minarets est aussi celui qui implique le plus ses citoyens dans le processus de décision, loin de toute polarisation politique. La Suisse est une démocratie historique.

C’est ainsi qu’on dit tout d’un trait : la démocratie suisse, la démocratie française, la démocratie américaine, sans réfléchir qu’entre la première et la deuxième, entre la deuxième et la troisième, il y a plus que la hauteur des Alpes ou la largeur de l’Océan. La démocratie suisse, par exemple, est historique et traditionnelle ; la démocratie américaine s’est établie d’un coup dans un pays neuf ; la démocratie française, au contraire, est comme une jeune greffe plantée sur un vieil arbre monarchique. La démocratie helvétique s’est, dès l’origine, appliquée et n’a pas cessé de s’appliquer  à une confédération d’Etats ; la démocratie française, au contraire, vient se superposer, sur le tard, à un État unitaire et centralisé. La démocratie helvétique existe depuis toujours, depuis que la Suisse est née sur le plan politique, il y a six cents ans, lors du pacte fédéral de 1291, soit l’alliance des cantons suisses à l’époque dans une lutte contre l’influence des Habsbourg. La Suisse est une démocratie de par toute son histoire. Elle est, de naissance, une démocratie. Mais avant tout, une particularité de la démocratie suisse est que le peuple garde en permanence un contrôle sur ses élus, car la Suisse est une démocratie qui peut être qualifiée de semi-directe, dans le sens où elle a des éléments d’une démocratie représentative et d’une démocratie directe.

En effet, en Suisse, le corps électoral dispose de deux instruments qui lui permettent d’agir sur un acte décidé par l’État : il s’agit du référendum, qui peut être facultatif ou obligatoire, et de l’initiative populaire qui est le droit d’une fraction du corps électoral de déclencher une procédure permettant l’adoption, la révision, ou l’abrogation d’une disposition constitutionnelle. Cette fois-ci, en plafonnant les salaires des grands patrons, les Suisses veulent lutter contre cet accroissement inouï des inégalités, qui sape depuis vingt ans la cohésion de toutes les sociétés occidentales, et pousse les classes moyennes à s’endetter, pour suivre, pour ne pas déchoir, habitées par la suprême hantise du déclassement social. Les Suisses essayent de préserver, vaille que vaille, une cohésion, une sociabilité, un mode de vie, une culture, un héritage. C’est le même idéal de mesures des classes moyennes, qui les animent, et s’incarnait naguère dans la notion de République, en Suisse, mais aussi en France.

Mais la gauche française a des œillères, condamnant l’insécurité sociale de ces classes moyennes et populaires - par le discours et non dans les actes -, mais refusant de considérer les autres formes d’insécurités qui hantent les mêmes. Il est vrai, que souvent la droite française a les mêmes œillères, mais mises à l’envers. A tous, les Suisses montrent que l’on peut être petit, seul, mais courageux et cohérent.

                                                                                                                                                                                                      J. D.

Habemus papam !

Classé dans : sujets de societe — llanterne @ 17:27

C’est le « protodiacre », le cardinal français Jean-Louis Tauran, qui a fait l’annonce rituelle en latin, ce mercredi 13 mars, sur la place Saint-Pierre de Rome. Le 266e successeur élu de Saint Pierre et Saint Paul est l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, sous le nom de François (en latin Franciscus). Il est le premier pape jésuite, le premier non européen - depuis Grégoire III au VIIIe siècle -, et le premier sud-américain. Et dès son avènement, ce pape est observé à la loupe par les médias du monde entier… Et les hostilités sont ouvertes. C’est une guerre de mots, d’images, une guerre en dentelles, mais une guerre inexpiable avec les médias. Une guerre qui n’en finit jamais, qui recommence avec chaque nouvel élu.

Déjà en amont, une fois de plus les spécialistes et les analystes en tous genres se sont trompés. Pour emprunter l’analyse du journaliste au Figaro, Thierry Desjardins, « ils nous avaient annoncé un pape jeune, peut-être de couleur, voire même favorable au mariage des homosexuels et des prêtres, à l’avortement et à l’euthanasie ». Mais les voix du Saint-Esprit et du Conclave sont plus impénétrables que celles de tout autre électorat. Le successeur de Benoit XVI a 76 ans, il est argentin, fils d’immigrés italiens venus de Ligurie et, tout jésuite qu’il soit, semble très à cheval sur les grands principes. Comme le titre assez drôlement, et sans doute à regret, Libération, il est « argentin mais pas gaucho ».

Et dès son avènement, l’Argentin subit le même sort que l’Allemand. Celui-ci avait eu les jeunesses hitlériennes, celui-là aura les généraux argentins. Mais peut-on vraiment reprocher à un pape de croire en Dieu et de respecter la parole divine ? Et à l’ancien archevêque de Buenos Aires de ne pas être entré dans le combat politique ? On peut espérer au moins qu’on lui accordera son désir d’être « le pape des pauvres ». Pendant toute sa vie, en Argentine, il aura voulu être proche des malheureux et aider les plus défavorisés, faisant preuve d’un ascétisme intransigeant, et n’ayant pas choisi le prénom de Saint François d’Assise par hasard. Les médias traqueront désormais la moindre déclaration du pape sur le mariage, le sida, l’homosexualité (questions restant, certes, en suspens, mais là n’est pas le fond du sujet), pour après une déformation et décontextualisation d’usage, le rendre odieux aux masses.

Un bon scandale financier ou une bonne affaire de pédophilie feront aussi bien l’affaire. Le catholicisme est la religion la plus maltraitée par les médias internationaux. Elle bénificie d’un traitement de défaveur, tandis que le protestantisme est ignoré, le judaïsme protégé et l’Islam craint, ou l’inverse. En effet, le catholicisme subit la conjonction de deux traditions : « la laïcarde » des médias français et la protestante anti-papale des médias anglo-saxons. Avec sa structure pyramidale et son discours moralisant, l’Eglise incarne tout ce qu’exècre un univers médiatique baignant dans la culture soixante-huitarde. Dans cette guerre, Benoit XVI était une proie idéale. Un pape intellectuel qui veut réconcilier la foi et la raison, grand doctrinaire, connaissant le poids des mots, mais pas le choc des photos, était une cible facile. Les médias le regrettent déjà. Car le successeur est plus pugnace et surtout plus retors.

Le nouveau pape est le produit de ces Jésuites, qui ont toujours érigé comme principe de combat, l’adaptation au terrain et à l’adversaire. Fondé par le Basque espagnol Ignace de Loyola, le 15 août 1534, sur la butte Montmartre à Paris, à l’occasion de la « Contre-Réforme », l’ordre des Jésuites est entièrement dévoué à la papauté. Très cultivés, ils surent mettre « ad majorem dei gloriam » l’intelligence au service de la mission. Des jésuites devinrent mandarins en Chine (Matteo Ricci), brahmanes aux Indes (Nobili) ou missionnaires au Japon (François-Xavier). Venu de cette Amérique du sud, où les évangélistes, les pentecôtistes protestants taillent des croupières au catholicisme, ce pape sud-américain a pris la mesure d’une époque qui fait primer l’émotion sur la raison, le chant sur l’étude et l’image sur la lettre. Il est apparemment décidé à rendre coup pour coup. Son slogan répété à satiété « N’oublie pas les pauvres », tourne ses ennemis sur leur gauche.

Ainsi, alors que le monde entier est plongé dans une crise économique sans précédent, digne de l’entre-deux-guerres, que les organisations internationales, les agences de notation et les gouvernements affolés imposent aux peuples une rigueur qui les conduit à la famine et qu’on apprend qu’il y a de plus en plus de milliardaires sur cette planète, il est bon que le chef de plus d’un milliard de catholiques se présente en « frère des pauvres ». Peut-être pourrait-il tout au plus donner mauvaise conscience à certains et surtout ouvrir les yeux des « maîtres du monde » en leur répétant inlassablement que tout cela ne pourra pas durer indéfiniment. Et qu’ils pourraient bien connaître un premier châtiment avant même le jugement dernier. Ce serait déjà beaucoup.

On peut d’ailleurs, parier qu’avant longtemps, en effet, « les puissances d’argent » n’accusent François d’être un affreux réactionnaire sous prétexte que, non content de s’en prendre aux homosexuels, il voudrait aussi s’en pendre au Veau d’or, ce qui est autrement impardonnable…

                                                                                                                                                                J. D.

17 mars, 2013

« La Conversation » de Jean d’Ormesson ; « Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 10:19

Jean d’Ormesson, La Conversation, Théâtre Hébertot, 2 octobre 2012 – 30 avril 2013

« La Conversation », c’est la première pièce de Jean d’Ormession, actuellement en prolongation jusqu’au 30 avril 2013, au Théâtre Hébertot, à Paris (XVIIe), dans laquelle deux grands comédiens s’affrontent sur scène. Maxime d’Aboville, jeune talent déjà nominé, qui campe un Bonaparte aux gestes trempés de résolution, face à un Alain Pochet (Cambacérès) à l’écoute subtile et admirative, pour ainsi dire conquise.

Jean d’Ormesson prend ainsi le parti de raconter l’instant où Bonaparte, adulé par les Français qu’il a tirés de l’abîme, décide de devenir empereur. Une conversation imaginaire entre Bonaparte et son deuxième consul, Jean-Jacques Régis de Cambacérès, celui à qui il ne cache rien et demande tout, un soir de l’hiver 1803-1804, aux Tuileries. Au comble de la tension entre l’esprit révolutionnaire et l’avidité de puissance, le vainqueur d’Arcole tente de rallier son complice à ses convictions. Une seule volonté anime le héros républicain : bâtir sa légende de son vivant. L’empire, va-t-il démontrer avec éloquence, c’est la république qui monte sur le trône.

Les deux comédiens font résonner sur le plateau le souffle de cette épopée politique, délivrant une adaptation résolument inscrite dans la tradition du théâtre de verbe. A l’instar d’un Sacha Guitry, l’art du jeu théâtral se présente, ici, comme un art du plaidoyer servant les points de vues des personnages, et Jean d’Ormesson accomplit avec talent ses premiers pas d’auteur dramatique, dans la veine du « Souper » de Jean-Claude Brisville, sans se perdre dans le documentaire éducatif. Portée par une excellente interprétation, ainsi que par la mise en scène de Jean-Laurent Silvi, classique et élégante, cette pièce est captivante.

                                                                                                                                 J. D.

 

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Théâtre de l’Oeuvre, 6 décembre 2012 – 24 mars 2013

Sur la scène du théâtre de l’Oeuvre, à Paris, Nicolas Massadau adapte le chef d’œuvre dérangeant de la littérature française publié en 1932, et Jean-François Balmer s’empare de la langue inventive de l’iconoclaste Céline, sous la houlette de Françoise Petit. Les temps forts du périple de Bardamu sont ainsi retracés, de son engagement en 1914 à l’exercice de son métier de médecin dans un dispensaire de banlieue, en passant par la découverte de New-York et son séjour en Afrique. 

Dans cette adaptation inspirée, Jean-François Balmer réussit ainsi une composition prodigieuse, prouvant ses talents de conteur. Dans le sillage du célèbre Fabrice Luchini, seul en scène, l’acteur suisse interprète le personnage de Bardamu en lui prêtant sa gouaille, sa générosité et nous entraîne à la rencontre des multiples protagonistes du roman.  Il se moule dans ce personnage prisonnier de sa peur, enchaîne les péripéties, voix cassée, regard halluciné. Durant 1 h 35, ce comédien prodigieux épouse le rythme, la musicalité, et la vitesse du verbe célinien, avec maestria. A découvrir…

                                                                                                                                     J. D.

 

 

 

 

 


12 mars, 2013

Carnet littéraire – Coups de coeur

Classé dans : Focus litteraire — llanterne @ 23:30

« Sur la route du papier ; Petit précis de mondialisation III », Erik Orsenna, Stock

Après « Son voyage au pays du coton », paru en 2006, puis  « L’avenir de l’eau  , en 2008, dans la trilogie « Petit précis de mondialisation », Erik Orsenna s’attaque maintenant au papier.

De la Chine à la forêt canadienne, en passant par la Finlande, la Suède, la Russie, l’Inde, le Japon, l’Indonésie, l’Ouzbékistan, le Brésil, l’Italie, le Portugal et bien sûr la France, il a rendu visite aux souvenirs les plus anciens du papier. L’infatigable Erik Orsenna décrypte à nouveau l’histoire de la mondialisation, cette fois à travers celle du papier : celui d’hier, « allié de la mémoire » et « dépositaire de tous les anciens temps », celui d’aujourd’hui, recyclé à 60 %, issu de technologies ultra-modernes, mais aussi celui de demain, que l’on dit menacé. Notre globe-trotter encyclopédiste nous propose ainsi un voyage dans le temps et aux quatre coins du monde, aux côtés des plus éminents spécialistes. Cet esprit curieux, qui n’hésite pas non plus à battre en brèche les idées reçues, signe là une enquête captivante, en regardant de près la fabuleuse histoire du papier et des livres.

« L’Eglise va-t-elle disparaître ? », Jean-Claude Barreau, Seuil

Né en 1933, Jean-Claude Barreau, l’enfant terrible de l’Eglise fut ordonné prêtre sous Jean XXIII avant de quitter le clergé pour se marier, en désaccord avec le Vatican sur le fonctionnement de l’Eglise. Vibrant polémiste, il a publié de nombreux essais sur l’Eglise, la foi, l’engagement chrétien, mais aussi de nombreux ouvrages de synthèse, dont son dernier grand succès :  « Toute l’histoire du monde ».

Faute de prêtres et de vocations, l’Eglise catholique va-t-elle disparaître ? Partout, dans les pays développés, l’Eglise s’efface progressivement ; ailleurs, dans le tiers-monde, le phénomène des sectes menace son développement. Affaiblie dans ses structures, concurrencée sur le marché des religions, l’Eglise forme bien davantage aujourd’hui des « déistes moralisants » que des chrétiens véritables. Pourtant, l’Eglise peut encore être sauvée et elle le mérite. Comment lui redonner vie et dynamisme ? Faisant écho à l’un de ses tout premier ouvrage « La Foi d’un Païen », publié chez le même éditeur, il y a près de cinquante ans, l’auteur au fil des pages, signale avec une lucidité courageuse quelques vérités oubliées.

« Fleur de tonnerre », Jean Teulé, Julliard

Jean Teulé a publié récemment son quatorzième roman « Fleur de tonnerre ». Après « Le Montespan », « Charly 9 », le romancier délaisse la biographie, pour le fait divers historique. « Je n’ai encore jamais trouvé moi-même d’idées de romans. A chaque fois, c’est le hasard », confie-t-il. Au salon du livre de St-Malo, un admirateur apporte à l’auteur dédicaçant ses livres un gâteau, lui présentant « - Tenez, c’est pour vous. C’est le gâteau d’Hélène Jégado, vous connaissez… une empoisonneuse bretonne. Une pâtisserie à Rennes fait toujours le gâteau d’Hélène Jégado. Mais sur le gâteau, il y a une bande où il y a écrit « garantie sans arsenic » ».

On dit trente-sept meurtres, l’auteur dit probablement davantage. Elle devrait être considérée comme la « star » absolue du crime. Et elle ne l’est pas, pour une raison simple, c’est que son histoire criminelle a rencontré l’histoire de France. Son procès a démarré le samedi 6 décembre 1851, et il se trouve, que quatre jours avant, le mardi 2 décembre, ce fut le coup d’Etat du futur Napoléon III, qui occulta complètement les faits. Passée dans les oubliettes de l’histoire, Hélène Jégado dite « Fleur de tonnerre » a grandi dans une terre de superstitions, de légendes extravagantes, de surnaturel. Après avoir empoisonné sa mère, dès l’âge de huit ans, elle est partie sur les chemins de Bretagne. Elle empoisonne comme par distraction, comme si elle lançait des graines aux pigeons. Jeune domestique, elle a traversé la Bretagne de part en part, de place en place, tuant avec détermination tous ceux qui croisèrent son chemin. Elle empoisonne des familles entières, des religieuses dans un couvent, des soldats dans un bordel à Port-Louis, partout où elle va, sans être associée. Elle tue tout le monde sur son passage, les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants et même les nourrissons. Elle s’appelait Hélène Jégado, et le bourreau qui lui trancha la tête le 26 février 1852 sur la place du Champs-de-Mars à Rennes ne sut jamais qu’il venait d’exécuter la plus terrifiante meurtrière de tous les temps.

« Ma grand-mère avait les mêmes ; Les dessous affriolants des petites phrases », Philippe Delerm, Points

L’auteur de la première gorgée de bière est toujours aussi doué pour coucher sur le papier, ces instants pleins de banalité que nous avons tous vécus, mais dont la poésie nous a échappée. On peut appeler ça des petites phrases toutes faites. Mais, tout à coup, les voilà dépoussiérées, démasquées, à l’affût d’une histoire derrière le mot, d’une aventure derrière l’expression : « Il a refait sa vie… », « Y a pas d’souci… », « Il pourrait bien neiger… » : voilà des souvenirs, des anecdotes, entre un demi-sourire et une brassée d’émotions. Avec Philippe Delerm, les petites phrases communes prennent un sens nouveau. L’écrivain sait en termes justes évoquer un moment familier, un sentiment enfoui mais jamais oublié. Philippe Delerm continue à nous donner le goût des mots avec ce florilège de phrases toutes faites, illustrées par un propos plein d’humour, de profondeur et de poésie.

 

 

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