La Lanterne (politique, sujets de société)

15 mai, 2018

Carnet littéraire – Coups de coeur

Classé dans : Focus litteraire — llanterne @ 3:03

« Au plaisir de Dieu », Jean d’Ormesson, Folio

En hommage à la mémoire de son grand-père, symbole de la tradition, contraint de s’éloigner à jamais de la terre de ses ancêtres, le cadet d’une vieille famille française enfermée dans l’image du passé raconte ce qui a été et qui achève de s’effondrer. Le berceau de la tribu, le château de Plessis-lez-Vaudreuil, est au centre de cette longue chronique qui embrase, depuis les croisades jusqu’à nos jours, l’histoire du monde, du pays, de tout ce que la lignée a incarné et en quoi elle a cru, et qui s’est peu à peu effrité. Un mariage d’amour et d’argent, les idées contemporaines et subversives, les livres, les mœurs nouvelles ouvrent successivement des brèches dans la forteresse de la tradition. L’histoire du XXe siècle, avec ses situations paradoxales, précipite la mutation et la décadence d’une famille qui avait su, à travers tous les cataclysmes, maintenir ses privilèges et conserver son charme. Disparu le 5 décembre dernier, Jean d’Ormesson, de l’Académie française, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé de philosophie, a écrit des œuvres où la fiction se mêle à l’autobiographie. C’est là son 1er roman, à redécouvrir.

« Désir de ville ; Petit précis de mondialisation V », Erik Orsenna, Robert Laffont

A ce jour, mars 2018, cinquante agglomérations dépassent, sur notre planète, les dix millions d’humains. Soixante-cinq millions à Hong Kong et dans les alentours de la rivière des Perles ; quarante-deux millions pour Tokyo et son proche voisinage ; trente-cinq millions pour Jakarta… D’ores et déjà, la moitié de nos compatriotes vivent en ville. Bientôt, dans quinze ans, dans vingt ans, ce seront les deux tiers…

Et si la ville était le creuset de toutes les inventions, le plus formidable des réservoirs de la vie ? Voilà pourquoi, en pestant, en ronchonnant, en rêvant de campagne, on se précipite pour y vivre. Alors, bienvenue dans deux cents villes d’aujourd’hui, dont trente françaises, de Paris à Guéret, de Lyon à Montfermeil. Bienvenue dans la vie moderne. Erik Orsenna, prix Goncourt 1988 pour L’Exposition coloniale, élu à l’Académie française en 1998, est l’auteur d’une cinquantaine de livres. Il publie simultanément, chez Robert Laffont, dans la collection « Bouquins », Dernières nouvelles du monde. Architecte et paysagiste, Nicolas Gilsoul est docteur en sciences à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement, à Paris. Lauréat de l’Académie de France à Rome, pensionnaire de la Villa Médicis, il a remporté de nombreux prix d’architecture. Après le coton, le papier, l’eau, la géopolitique du moustique, c’est là un cinquième opus de la collection Petit précis de mondialisation écrit cette fois-ci à quatre mains par ces deux auteurs, Orsenna préfaçant l’ouvrage.

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« Promenades en bord de mer et étonnements heureux », Olivier de Kersauzon, Points

De Brest à Tahiti, des Marquises au détroit de Magellan, Olivier de Kersauzon nous emmène en mer. Là où le temps est autre : long, dense, il s’étend pour permettre de réfléchir, aimer ou se battre. Anecdotes des quatre coins du globe, souvenirs doux-amers et contemplations enchantées… Voici le catalogue singulier d’un marin-poète, amoureux de la nature et des éléments qui se déchaînent. Profitons de ce qui émerveille, dépêchons-nous de saisir la lumière du monde ! Né en 1944, Olivier de Kersauzon est chroniqueur, écrivain et navigateur, connu pour avoir battu le record du monde en solitaire en 1989. Son récit Le monde comme il me parle est disponible en Points.

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« Entrez dans la danse », Jean Teulé, Roman Julliard

Le nouveau roman de Jean Teulé s’inspire d’une réelle épidémie de danse mortelle, survenue en 1519. Après Le Montespan, O Verlaine, Fleur de tonnerre, Mangez-le si vous voulez, Charly 9, autant d’horreurs puisées dans l’histoire, l’auteur a déniché une curiosité hallucinante. 

A Strasbourg, au début du XVIe siècle, dans un contexte de pauvreté et de famine et à l’aune d’une hypothétique invasion ottomane, une partie de la population emboîte le pas à la femme de l’imprimeur Melchior. Cette-dernière, subitement saisie de folie après avoir balancé son nourrisson dans la rivière, se met à danser sans s’arrêter. L’épidémie se répand, c’est la panique chez le maire et la stupéfaction angoissée chez l’évêque. Qu’est-ce donc que cette ronde envoûtante, se répandant, au fur et à mesure que les gigoteurs s’épuisent, couverts d’abcès, de purulences et de pustules ? Certains se mirent à danser et ne cessèrent jour et nuit, pendant deux mois, sans interruption, jusqu’à tomber inconscients, voire jusqu’à la mort. Même les corps encore vivants tombent en morceaux dans cette danse macabre, au travers ces faits véridiques relatés par l’auteur de romans noirs historiques.

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14 mai, 2018

Un 1er mai désuni

Classé dans : Politique,sujets de societe — llanterne @ 3:23

Ce devait être une démonstration de force pour les syndicats dans un printemps social agité, sur fond de blocage dans les universités, de grève à la SNCF, à Air France… Mais ce 1er mai sera marqué par la désunion syndicale. La CFDT boude les cortèges et la CGT continue d’espérer que cheminots, pilotes, infirmiers, caissières finiront par additionner leurs forces et unir leur colère. Mais pour l’instant, l’opinion soutient en tout cas la réforme de la SNCF et la mobilisation s’effrite un peu plus chaque jour. Du côté politique également, l’unité est difficile à construire. Par ailleurs, le cortège parisien de la manifestation a dû être détourné. Car une autre mobilisation s’est organisée en ce 1er mai, celle de mouvements radicaux qui utilisent, eux, la violence contre la politique d’Emmanuel Macron. Plus de 1 000 casseurs cagoulés, organisés, en rangs serrés, ont eux aussi, célébré le 1er mai à leur manière, ce qui est du jamais vu.

A ce titre, plusieurs questions se posent. Les syndicats désunis servent-ils encore les intérêts des travailleurs ? Ne sont-ils pas devenus des mouvements politiciens ? Pourquoi n’ont-ils pas profité de cette occasion pour effectuer leur démonstration de force ? Qui sont ceux ayant commis les violences, en marge de la manifestation du 1er mai à Paris ? Que font ces organisations très radicales ? Aurait-on pu éviter les violences et les dégradations en marge du défilé parisien du 1er mai ? Est-ce que l’on a suffisamment anticipé les événements, à la préfecture de police de Paris ? Comment anticiper ce genre de choses ? La CGT a-t-elle un service d’ordre ? Pourquoi n’est-elle pas à même d’empêcher les casseurs de sévir ? Quelle sont les conclusions à en tirer ? Quelle sont en les causes ?

Dans un premier temps, ce qu’il convient de constater, c’est que s’ils font front commun à la SNCF ou dans la fonction publique, une nouvelle fois les syndicats n’ont pas défilé côte à côte en cette journée internationale des travailleurs. Il faut remonter en effet à 2017, entre les deux tours de la présidentielle, pour voir les centrales faire bloc. Ce jour-là, 1,3 million de personnes avaient manifesté (selon le ministère de l’Intérieur) à l’appel de la CGT, de la CFDT, de FO, la FSU et de l’Unsa pour « faire barrage » à Marine Le Pen. Et cette année, la désunion est la règle, malgré un contexte social agité avec les mobilisations de cheminots, de fonctionnaires, d’étudiants, de retraités ou de salariés d’Ephad et d’Air France. Sont en cause des positions jusqu’ici irréconciliables sur la « convergence des luttes » prônée par Philippe Martinez, le numéro un de la CGT.

Réfractaire à ce mode d’action, le secrétaire général de la CFDT – Laurent Berger – entend mettre l’accent sur le dialogue social et la négociation collective. Alors que du côté de Force Ouvrière, l’arrivée de Pascal Pavageau s’accompagne d’un changement de ton. La semaine dernière, la gauche a multiplié les rendez-vous anti-Macron, mais chacun est resté pour l’instant dans son couloir. Jean-Luc Mélenchon a souhaité faire du rassemblement du 5 mai, la « marche nationale » à l’appel du député LFI de la Somme, François Ruffin. Néanmoins malgré cet appel, aucun représentant de la France Insoumise n’était présent place de la République, pour le « meeting unitaire » réunissant notamment Benoît Hamon (Génération.s, ex-PS), Pierre Laurent (PCF), Olivier Besancenot (NPA), David Cormand (EELV).

Si l’on additionne les cortèges parisiens et en province, avec 20 000 manifestants dans le cortège syndical, c’est ni plus ni moins, que les dernières années. Mais cela mobilise de moins en moins, la CFDT, la CFTC allant de plus en plus dans une logique de négociations et aussi parce que les mentalités évoluent. Dans les syndicats aujourd’hui, il y a également un vieillissement des bases militantes. Les jeunes générations ne battent plus autant le pavé parisien, le poing levé, il y a aussi internet. Macron expliquait que la démocratie sociale, c’était terminé et que les syndicats étaient là pour parler dans les branches, dans les entreprises, mais pas à l’échelle nationale. C’est un risque, car nous avons aussi l’impression que le pouvoir exécutif a pulvérisé les forces politiques d’opposition. Et il a certes beaucoup écouté les organisations syndicales et patronales, mais il les a laissés sur le côté.

Les organisations syndicales sont à la recherche du dialogue, comme à la SNCF, à la recherche d’une convention collective. Et la place a davantage été laissé au syndicalisme de rupture, la CGT, la CFDT. On a le sentiment que Macron donne le dernier coup et c’est là où il y a rupture, comparée à ses prédécesseurs. Ce qui est assez nouveau et peut-être assez dangereux, c’est la manière dont ils traitent les syndicats souhaitant dialoguer, car nous avons besoin de syndicats, certes représentatifs comme Outre-Rhin. A ce titre, Laurent Berger avait tendu la main sur la SNCF, sur le conflit Air France, disant qu’il fallait arrêter ce bras de fer, la compagnie aérienne allant dans le mur, ce qui en fait un interlocuteur. Mais Emmanuel Macron fait la sourde oreille, car il considère qu’il n’a pas besoin de cette main tendue et que les réformes se feront, quoi qu’il en soit. Et Macron semble mettre ainsi tous les syndicats dans le même sac. Il y a pourtant des différences notables entre la CGT de Martinez et la CFDT de Laurent Berger. Outre-Rhin, si les réformes s’opèrent efficacement et en douceur, c’est souvent parce qu’il y a des syndicats représentatifs en face, à même de négocier.

Le monde du travail est beaucoup plus perplexe que l’ensemble des Français, à ce titre, vis-à-vis de cette option politique visant à marginaliser les syndicats posant problème, montrant que cette option n’est pas aussi évidente. On a vu des responsables de la CFDT faire de la philosophie politique, ces dernières semaines, en interpellant le chef de l’Etat. C’est la nécessité du contrat, du dialogue, de travailler en amont. Ce syndicalisme se trouve dans une logique de contestation, de protestation certes, mais pas de radicalité violente. Regardons quand l’Unef recule ou à NDDL, où les élus locaux sont moins présents. Or cela fait une société plus dure, quand il n’y a pas d’éléments intermédiaires, des facilitateurs, à même de transformer de la colère en propositions et en dialogue.

Ainsi on s’aperçoit que sur un certain nombre de réformes, les syndicats font de la pseudo-contestation. Cependant les organisations ne veulent pas dérailler et n’ont pas voulu profiter du 1er mai pour faire leur démonstration de force. La CGT n’a de signification de valeur que si on est d’accord sur les objectifs. Or l’objectif de la CGT est un peu l’héritier de l’objectif du PCF. Et l’unité d’action a toujours prévalu sur la logique syndicale. Le nouveau dirigeant de FO promet de durcir le ton et tranche avec la logique de son prédécesseur. On se demande également si certains syndicats (FO, CGT…) servent encore les travailleurs et pas des positionnements politiques. La CGT a clairement des positionnements politiques, au contraire de la CFDT. Mais partout en Europe, le syndicalisme est utile, car il accompagne, il ne conteste pas. Une organisation doit avoir une relation de construction avec le politique. Et les syndicats se trouvent confrontés à cette violence sociale ayant des expressions récentes.

Les enragés, les anarchistes, les antifas, les zadistes, se distinguent bien d’une protestation du registre démocratique. Il y a toujours des casseurs en fin de cortège, comme ceux ayant dévasté le boulevard Montparnasse, lors de la loi El Khomri. Mais là, ils étaient devant, organisés et structurés. C’est un problème pour les organisations syndicales, qui voulaient refaire leur image. Ce ne sont toutefois pas nécessairement les services d’ordre des syndicats qui sont coupables. Les casseurs sont très très jeunes, le service d’ordre de la CGT, ce sont des gros durs, mais qui ne sont pas adaptés. Les services d’ordre d’aujourd’hui ne sont aussi pas ceux d’hier. Ils ne sont pas armés face aux Blacks blocs pour rivaliser. Le service d’ordre sert à réguler la manifestation, pas à faire la police dans Paris, et pas à Austerlitz.

Dans certains cas, ils interviennent, tels ceux de la CGT ayant éjecté des casseurs à Tolbiac, empêchant certains d’entrer dans la fac. A la fin septembre, les troupes de la France insoumise se sont affrontées à la Bastille avec les Blacks Blocs. Les services d’ordre ont été efficaces, révélant parfois une meilleure mobilité, dans certains cas. Il y a des provocateurs, mais la réalité c’est que l’immense majorité des manifestants étaient pacifiques et pacifistes. Dans les entrepôts de la SNCF, il y a eu juste un ou deux cas de violence. Le défilé syndical a été bloqué par un rassemblement d’environ 1 200 individus cagoulés, masqués et vêtus de noir, à hauteur du pont d’Austerlitz. Ces organisations très radicales cherchent à se faire porter par cette contestation. Rassemblés autour de banderoles, ils ont scandé des slogans hostiles au gouvernement et à la presse avant de saccager un restaurant Mc Donald’s. 

Macron en déplacement en Australie, s’est dit ne cherchant pas à fuir ses responsabilités. On est dans une Ve République, où tout remonte en haut. Tout tourne autour de cette figure assez archaïque du président. Emmanuel Macron a condamné « avec une absolue fermeté les violences qui ont eu lieu et qui ont dévoyé les cortèges du 1er mai ». « La journée du travail, c’est la journée des travailleurs pas la journée des casseurs », a-t-il affirmé. Le Premier ministre Édouard Philippe a lui réagi depuis le commissariat du XIIIe arrondissement de Paris, souhaitant couper court à toute polémique. Les critiques pleuvent sur la gestion de la manifestation du 1er Mai. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, demande une commission d’enquête parlementaire sur la « chaîne de commandement ».

Le secrétaire général du PCF, Pierre Laurent, dénonce « l’attitude trouble des forces de police ». « Faillite de l’Etat régalien » pour le patron de LR Laurent Wauquiez, « laxisme du pouvoir » selon la présidente frontiste Marine Le Pen. De son côté, le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a dénoncé d’« insupportables violences » et a appelé les plus jeunes à « ne pas se laisser embarquer là-dedans ». Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, assume ses choix. Il peut certes se prévaloir d’un bilan humain avantageux : seules quatre personnes ont été légèrement blessées, dont un CRS. Mais 31 commerces ont été mis à sac, 16 véhicules ont été dégradés ou brûlés. Politiquement, l’amertume l’emporte, tant le délai entre les saccages et l’intervention des forces de l’ordre est apparu important. Voilà de nouveau la philosophie du maintien de l’ordre à la française remise en cause.

Nous sommes dans un contexte de radicalité très fort, avec des casseurs venant de l’hexagone mais aussi de partout en Europe. Les repérages ont été faits, avant le défilé. Vous aviez depuis quelques jours, des tracts, des signatures, tout cela été pensé et réfléchi, car ce sont des gens très décentralisés, structurés. Les Black blocs sont des mouvements très radicaux, présents partout en Europe. On peut dire des Black blocs plutôt qu’ils sont spartakistes, anarcho-etc., mais pas vraiment d’ultra-gauche. Les Black blocs, ce n’est pas un mouvement, un nom générique. C’est un mode opératoire, une méthode visant à se cagouler, à se fondre et à disparaître. C’est un kidnapping de manifestation. A ce titre, Mai 68 en est un exemple car contrôlé par personne, les mouvements ayant été alors désorganisés. Il faut attendre 1986 pour apercevoir cette 1ère nébuleuse, ce qui s’est produit lors du CPE. Il y a plusieurs évolutions dans la désagrégation du mouvement social.

Mais ces casseurs choisissent leurs moments, leur coordination, leur souplesse. Et là, il y a des points de ralliement, c’est le 1er mai. Et l’on avait des renseignements des RG établissant que ce 1er mai était à risque. Ils avouaient être dépassés par ces jeunes, voire des très jeunes, cagoulés dans les cortèges. Cela fait fuir les manifestants, pris dans des mouvements de foule, ce qui est compliqué pour les organisations syndicales. Le gouvernement mis en cause tente de déminer le terrain et de justifier la méthode mise en place par les forces de l’ordre. La polémique politique laisse la place à ces Black blocs. Ils n’ont toutefois pas parasité toutes les manifestations des dernières années. Ils choisissent leurs manifestations, leurs moments. Tel cela a été analysé, nous sortons d’une phase de NDDL et d’occupation de facs et donc cela les a libérés. Avec la fin d’autres conflits, ce type de casseurs a pu se concentrer sur le 1er mai. L’anniversaire de mai 68 avec les cinquante ans, leur donne l’idée d’imiter voire de dépasser le passé également. Mais on est cependant loin des violences des militants maoïstes de la nuit du 27 au 28 mai 1968, dans un contexte qui n’est plus aussi celui de la fin des trente glorieuses.

Les interpellations ont été nombreuses à l’issue du défilé et jusque dans la nuit. Peu ont été pris sur le fait, en plein saccage. Mais c’est aussi tout le traitement de l’information qui est au cœur de ce débat. Car il y a un an, les casseurs ont été beaucoup moins nombreux, mais les dégâts ont été beaucoup plus importants. Maintenir l’ordre malgré le désordre donc c’est le juste équilibre à trouver. Le service d’ordre et les forces de l’ordre ont fait preuve de sang-froid, disent les syndicats policiers. Il aurait fallu sinon avoir quasiment le double d’effectifs, pour éviter de la casse, car il faut mettre des réserves d’effectifs sur tout le parcours. On n’en a pas les moyens, car on a NDDL, les facultés, Bure, Calais, les frontières, Menton… Donc on a des choix stratégiques qui sont à faire. L’objectif c’est de s’en prendre aux forces de l’ordre, mais si ces dernières sont en contact avec les casseurs, il y a des violences.

Les forces de l’ordre sont encore traumatisées par la mort de manifestants (Malik Oussekine en 1986 et Rémi Fraisse en 2014) et elles évitent le corps à corps dans la foule, privilégiant le maintien à distance, sauf si des personnes sont exposées. Là, ce sont plutôt des vitrines, du mobilier urbain, des véhicules qui ont été pris pour cible, et un Mac Donald’s avec un logo ANF, rejetant l’élevage animal. A NDDL, ce type de territoires, cela peut être la vulnérabilité, les failles ayant été exploité par ces mouvements. C’est l’aspect opérationnel, du point de vue théorique qu’il y ait à un moment donné un espace où le capitalisme et l’Etat n’a plus de rôle, cela a été théorisé. Face à la polémique qui enfle sur la stratégie policière, Edouard Philippe et Gérard Collomb ont pris la parole pour tenter de faire baisser la tension, la pression. Cette manif’ est un succès tactique relatif, car il y a dix fois moins de casse que l’année dernière. En la matière, l’ensemble du processus de maintien de l’ordre a été bien orchestré. Personne ne sait exactement ce que c’est qu’un métier de CRS. S’il y avait eu un mort, deux noyés, trois blessés, nous serions en train de faire le corbillard du gouvernement, de le suivre en cortège, en attendant sa démission.

L’usage de la force légitime n’est plus accepté dans la démocratie d’opinion émotionnelle. On ne va pas tuer quelqu’un pour sauver un Mc Do ou une voiture qui brûle, quelque soit l’adversaire. L’année dernière, les dégâts matériels étaient considérables, les blessés policiers très nombreux. Mais la particularité de ce type de groupe, c’est qu’ils ne sont pas dans la bataille de l’opinion, pour utiliser les masses dans un rapport de force avec les autorités, pour l’arrêt d’un projet, etc. Là, ils ne sont pas dans cette logique-là, parlant de sabotage, de blocage, c’est un rapport de force sur le terrain, pour démontrer que l’Etat est impuissant, que l’Etat dérape, que le système est impuissant et que les individus sont ingouvernables. Les anarchistes cherchent la destruction de toute forme d’autorité et l’action se fait par la violence. Au XIXe siècle, ils avaient tué un président de la République, jeté une grenade dans l’assemblée et il avait fallu un ministre de l’intérieur énergique et pragmatique, Georges Clémenceau, pour remettre de l’ordre dans tout cela. Mais le plus préoccupant à l’aune de ces évènements, c’est la faiblesse et la désunion affichée du monde syndical. L’Etat, la société civile, les entreprises ont besoin de partenaires sociaux représentatifs, Emmanuel Macron ne semblant pas accompagner une recomposition du modèle syndical hexagonal, pourtant nécessaire, voire indispensable à l’accompagnement de toute réforme en profondeur.

                                                                                                                                                                                     J. D.

 

1 mai, 2018

Les Hollandais à Paris – Le Petit Palais

Classé dans : Culture — llanterne @ 13:40

Les Hollandais à Paris, Le Petit Palais, 6 Février – 13 Mai 2018

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Entre 1789 et 1914, plus d’un millier d’artistes néerlandais séjournent à Paris, qui s’impose alors comme le creuset de la modernité. Certains s’y installent définitivement, comme Ary Scheffer, d’autres y passent quelques années décisives, c’est le cas de Vincent Van Gogh. Le Petit Palais explore en 115 oeuvres les fructueux échanges que ces peintres ont tissé avec les artistes installés dans la capitale, au travers cette exposition, contribuant ainsi au climat d’émulation hors normes qui régnait alors, organisée en collaboration avec le Van Gogh Museum d’Amsterdam et RKD (Institut néerlandais d’histoire de l’art de La Haye).

Parmi les peintres sélectionnés, certains sont bien connus du grand public : Kees van Dongen ou Piet Mondrian, bien que méconnus du point de vue de l’histoire de l’art. Sont exposés également des artistes peu ou pas connus en France, comme Jacob Maris qui a peint à Barbizon, ou George Hendrik Breitner, une icône aux Pays-Bas, Frederik Hendrik Kaemmerer, en revanche, étant une vraie découverte car il a été complètement oublié après sa mort. Dans le sillage des récentes expositions consacrées à Georges Desvallières, Albert Besnard ou Anders Zorn, le Petit Palais poursuit sa redécouverte des artistes du XIXe siècle. L’angle inédit choisi ici permet d’associer chaque peintre hollandais à un thème, le parcours débutant ainsi autour de Gérard Spaendonck et de la peinture florale et ensuite le romantisme, le paysage, le marché de l’art ou l’avant-garde. Le parcours s’achève sur les premières toiles cubistes de Piet Mondrian. Exposées en contrepoint, les toiles de David, Corot, Monet, Signac ou Braque démontrent combien les influences ont été fortes, certains diront mutuelles, mais de mon point de vue, et sans chauvinisme de ma part, plutôt objectivement à même de démontrer la forte influence de la peinture française à cette époque, sur un créneau large allant du XIXe au début du XXe. Paris s’impose comme la capitale des arts ; là où, pour le peintre Gerard Bilders, « brûle le flambeau de l’art moderne ». La part belle est faite également à Jongkind, Edouard Manet le qualifiant de « père du paysage moderne ». Il a énormément peint la capitale en travaux, des années 1850 à 1880, sous forme d’instantanés, dévoilant des artères parfois disparues suite à différents percements haussmanniens.

Jongkind a longtemps vécu dans des quartiers parisiens populaires, particulièrement pourvus en cafés et brasseries, où il pouvait étancher sa soif. Si ses établissements eurent autant de succès au XIXe, c’est aussi parce qu’ils constituaient des lieux de sociabilité de premier plan. Les artistes eurent tôt fait d’établir leurs quartiers généraux dans les cafés, que ce soit à la Brasserie Andler (l’un des berceaux du réalisme), au Divan Le Peletier, au Café Guerbois ou à La Nouvelle Athènes (le rendez-vous des impressionnistes)… En Normandie, c’est notamment à la Ferme Saint-Siméon, une auberge conviviale située sur les hauteurs de Honfleur, que Jongkind put nouer de belles amitiés avec Camille Corot, Eugène Boudon ou Claude Monet. Son usage instinctif de la couleur en fera l’un des artificiers du fauvisme. Si dans la seconde moitié du XIXe siècle les cabarets et autres lieux de plaisirs nocturnes s’ouvrent dans les grandes villes d’Europe comme Amsterdam, ils connaissent à Paris un essor sidérant. 

L’épopée du canal de Suez – Institut du monde arabe

Classé dans : Culture — llanterne @ 12:31

L’épopée du canal de Suez, Institut du monde arabe, 28 Mars – 5 Août 2018

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« L’épopée du canal de Suez », c’est la dernière passionnante exposition en cours, à l’Institut du Monde Arabe, à découvrir. Elle raconte quatre mille ans d’histoire : celle d’un isthme entre l’Asie et l’Afrique, celle du canal, au temps des pharaons d’abord, puis au siècle de la machine dans un pays en renaissance, à l’ombre des empires coloniaux, de la décision du percement du canal contemporain en 1869, jusqu’à sa nationalisation en 1956, suivi des deux conflits israélo-arabes. 

Au temps des pharaons, l’isthme de Suez était déjà parcouru par un canal qui aboutissait à la mer Rouge, comme nous le savons maintenant et tels ont pu l’établir les scientifiques français débarqués dans les bagages de Bonaparte, lors de l’expédition d’Egypte. Qui fut l’initiateur du projet ? A quelles fins était-il utilisé ? Etait-il navigable tout au long de l’année ? Le canal des pharaons partait de Suez pour bifurquer vers l’ouest et rejoindre un des bras du Nil, jusqu’à Zagazig. Son tracé reste relativement incertain malgré les descriptions des itinéraires et les vestiges archéologiques. Il aboutissait dans le golfe de Suez après une voie d’eau creusée dans la partie désertique de la région. Sésostris III fut le premier à avoir entrepris de le creuser. Une certaine activité continua après la conquête de l’Egypte par les Romains. Outre l’appétit des empereurs pour les grands travaux, les motifs étaient stratégiques et économiques. La navigation du Nil à la mer Rouge était difficile, rythmée par des contraintes saisonnières : crue annuelle du fleuve en juillet, régime des vents… Et l’entretien du canal, périodiquement ensablé, était une lourde charge. Quand le calife Amr entreprit la conquête de l’Egypte en 642, il fallut à nouveau désensabler le canal qui tomba définitivement en sommeil après une centaine d’années d’activité. Au XVIe siècle, les Vénitiens proposent au sultan Bajazet II de creuser à nouveau l’ancien canal des Egyptiens, sous l’initiative du marchand Francesco Teldi, en 1504, dont le pays conserve encore le contrôle de la Méditerranée occidentale, les Portugais ayant franchi le cap de Bonne-Espérance en 1498. La route de mer vers les Indes a été ouverte pour leur plus grand profit, le sultan ne percevant plus de taxes sur les épices, et Venise voyant son commerce partiellement péricliter. Mais pourtant le projet n’aboutira pas. C’est l’expédition de Bonaparte (1798) qui relance le projet. Mais Méhémet Ali hésite et cette hésitation reflète tout le dilemme des deux derniers siècles. 

Pour faire revivre cette lointaine province ottomane, il faut importer les techniques européennes et, en même temps, éviter d’éveiller les convoitises. Méhémet Ali sent le danger pour l’indépendance du pays d’une voie d’eau internationale. Lorsque Saïd Pacha accède au pouvoir en 1854, l’ayant connu adolescent, du temps où il était consul de France, Ferdinand de Lesseps se précipite en Egypte pour lui présenter le projet sur lequel il travaille depuis des années. Les deux hommes décident, ensemble, de changer la carte du monde. Pourtant, ils ne pèsent pas bien lourd. L’un est un diplomate sur la touche, l’autre n’est que le gouverneur d’une province de l’Empire ottoman. Le sultan Abdulmecit n’y voit que des inconvénients, notamment en terme de perte d’influence pour Istanbul. Les Anglais, eux, sont directement intéressés par l’isthme de Suez comme route des Indes. Mais ils ne songent pas à un canal, leurs efforts portent sur le développement de moyens terrestres, en attendant le chemin de fer qui reliera Alexandrie à Suez. Craignant une installation des Français en Egypte, ils ne reculent devant aucun argument pour s’y opposer. Le projet est irréalisable sur le plan technique et son existence est menacée – même une fois réalisé – par les dépôts de sable, nécessitant un entretien au coût faramineux, selon eux. Plus tard, Benjamin Disraeli, successeur de Palmerston, comprendra que puisque le canal existe, mieux vaut contrôler le pays tout entier. Et en dépit de la réticence de la Sublime Porte et de l’opposition anglaise, de 1855 à 1869, on passe de la conception à la réalisation du canal de Suez contemporain. 

Faisant le pari du progrès, en 1859, Saïd autorise ainsi Ferdinand de Lesseps à lancer les travaux, lui accordant la concession du canal. Outre l’édification de la voie navigable, ayant nécessité l’évacuation de près de 75 millions de kilomètres de mètres cubes de déblais, le chantier a nécessité de relever d’immenses défis. La construction du canal de Suez est un tour de force technique marquant une étape fondamentale dans l’histoire des travaux publics. Dès 1859, 25 000 ouvriers égyptiens sont engagés sous le régime de la corvée, et mis à la disposition de la Compagnie universelle du canal de Suez. On estime que 1,5 millions d’ouvriers égyptiens oeuvrèrent à la création du canal de Suez et ce qui est contesté, que 125 000 d’entre eux sont mort sur le chantier, principalement du choléra. Leurs principaux outils sont alors la pelle et la pioche. La suppression de ce régime de la corvée en 1863 entraîna l’arrêt des travaux et le chantier allait dès lors faire l’objet d’une profonde réorganisation, se traduisant par le recours aux machines et à la vapeur. Alors que les machines à vapeur étaient restées plutôt à la marge des travaux publics jusqu’aux années 1850, le percement du canal de Suez allait durablement consacrer leur utilité. Son successeur Ismaïl accélère la course au développement. Il dit : « Mon pays n’est plus en Afrique, il est en Europe ». Mais, conscient de la menace, il dit aussi : « Je veux que le canal soit à l’Egypte et non pas l’Egypte au canal. »  

Le 17 novembre 1869, c’est l’inauguration du canal, après 6 années de travaux. Long de 161, 15 kilomètres, il est ouvert à la navigation en grande pompe, le monde ayant alors les yeux tournés vers l’Egypte, l’événement rassemblant une foule en liesse venue applaudir cette réalisation hors normes et les hôtes de choix conviés pour l’occasion. Ferdinand de Lesseps négocie un accord avec le conseil d’administration de la chambre de commerce de Londres. Pour les Anglais, il ne s’agit plus de s’opposer au canal, mais de le placer sous leur direction. En 1875, l’Etat britannique profite de la banqueroute de l’Egypte et rachète la part des actions détenues par le vice-roi. Avec désormais 44 % des actions de la Compagnie du canal de Suez, le Royaume-Uni en devient le principal actionnaire, tandis que les 56 % de parts restantes sont aux mains de divers actionnaires, en majorité des petits porteurs français. Les Anglais prennent pour prétexte la situation révolutionnaire qui règne au Caire pour occuper le pays, en 1882. Français et Anglais resteront côte à côté par défaut. En 1904, dans le cadre de l’Entente cordiale, la France reconnaît la suprématie des Anglais en Egypte. Sous diverses formes, le Royaume-Uni sera hégémonique en Egypte jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. C’est l’époque des voyages au long cours dont le canal de Suez est un passage mythique. Tandis que, pour les Egyptiens, il devient le symbole du colonialisme contre lequel ils luttent.

En 1952, la dynastie fondée par Mohamed Ali est renversée par le coup d’Etat des Officiers libres et en 1956, le président Gamal Abdel Nasser annonce la nationalisation du canal. Au terme d’un discours de deux heures et quarante-cinq minutes ponctué par un grand éclat de rire, le Raïs annonce la nationalisation, ce 26 juillet 1956. Alors que les bourses occidentales sont closes, Nasser précise que les porteurs d’actions seront remboursés au cours de clôture de la Bourse de Paris. « Nous ne permettrons pas, martèle Nasser, désignant la Compagnie du canal, que le canal de Suez soit un Etat dans l’Etat. » A l’annonce d’un mot de passe répété à trois reprises dans le discours de Nasser, comme convenu depuis la veille, les installations du canal sont prises d’assaut par des plénipotentiaires égyptiens. L’administrateur et les navigateurs français de la Compagnie du canal sont informés que désormais ils recevront leurs ordres de l’administration égyptienne et ils sont invités à poursuivre la navigation comme à l’accoutumée, dans les mêmes conditions contractuelles. C’est la fin d’une certaine Egypte cosmopolite, depuis la fin du XIXe. Bientôt, c’est l’ensemble du pays qui communie dans l’allégresse, de Suez à Alexandrie, en passant par Le Caire. Officier durant la guerre israélo-arabe de 1948-1949, le Raïs n’a pas oublié l’humiliation de la domination britannique. En parlant à son peuple, il vise juste et sauve l’honneur national. Et avec ce coup d’estoc aux intérêts étrangers, il affirme la véritable indépendance politique et économique de son pays.  C’est au tour des Occidentaux de subir de plein fouet l’annonce. 

La réalité immédiate, c’est une crise internationale. Le Royaume-Uni se sent menacé dans ses relations commerciales avec l’Extrême-Orient et dans son approvisionnement en pétrole. La France soupçonne le fondateur du panarabisme de soutenir la rébellion algérienne. Israël craint l’interdiction pour ses navires d’emprunter le canal de Suez. Conformément à l’alliance secrète actée par le protocole de Sèvres par ces trois pays, l’opération Kadesh est lancée. L’armée israélienne envahit la bande de Gaza et le Sinaï égyptien avant d’atteindre la zone du canal, le matin du 29 octobre 1956. Le lendemain, le 30 octobre, la France et le Royaume-Uni bombardent l’Egypte et un corps-expéditionnaire franco-britannique débarque à Suez. Mais sous la pression de l’URSS et des Etats-Unis, soucieux de préserver l’équilibre du nouvel ordre mondial, les forces de cette coalition capitulent sous la contrainte. Et, le 6 novembre, Israël doit se retirer sur la ligne d’armistice de 1949. Le 13 novembre, Nasser n’hésite pas à couler des bateaux pour entraver la circulation des Anglais et des Français dans le canal. L’emploi de la manière forte finira par payer. Après plusieurs guerres qui le paralysent, le canal de Suez est aujourd’hui l’une des premières sources de revenus du pays. Les travaux gigantesques effectués entre 2014 et 2015 doublent sa capacité. Autour de lui, se développe une zone industrielle qui sera un des principaux pôles d’activité de l’Egypte du futur.

 

 

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