La Lanterne (politique, sujets de société)

24 mai, 2020

Les enseignements du déconfinement

Classé dans : Economie,Europe,Politique,Sante,sujets de societe — llanterne @ 23:08

Au sortir de ce confinement global des Français (et de près d’1 / 3 de l’humanité), de nombreux enseignements sont à tirer. Quel est le rôle des politiques libérales dans la décision de ce confinement général de l’économie ? Macron a reconnu quelques ratés dans la gestion de cette crise sanitaire, d’ordre structurel selon lui. Sa stratégie est-elle la bonne ? Quelles ont été les erreurs commises ? Quelles seront les conséquences pour l’économie française ? Macron va-t-il réellement changer de paradigme dans sa gestion des politiques publiques hexagonales ? 

Tel qu’il est pratiqué, ce type de confinement généralisé prouverait son inefficacité (relative), selon certains experts. Mais les précédents historiques sont faibles. Outre des mesures locales, c’est inédit en France. Sous Louis XV, pour endiguer la peste de Marseille en 1722 (ayant emporté 1 / 3 de la population de la ville), la cité phocéenne a été mise en quarantaine pendant plusieurs mois. Durant la période contemporaine, face à une épidémie de variole en 1954-55 sévissant dans le Morbihan (la dernière du genre en France), rapportée d’d'Indochine par un appelé, des quarantaines hospitalières ont été mises en place dans le département, jusqu’en avril 1955. Mais c’était circonscrit et local. Par ailleurs, en procédant de la sorte, on joue dans la durée. D’autant plus que le coronivarus ou Covid-19 n’en est peut-être qu’à sa première vague pandémique (la grippe espagnole en ayant connu trois). Il apparaît que ce sont les consignes sanitaires, mais surtout les progrès scientifiques qui sont venus à bout des maladies contagieuses, par le passé. Dans l’histoire, les épidémies et pandémies ont été régulières. Au XXe siècle passé, il y a eu trois pandémies sans aucun confinement décidé : la grippe espagnole (25 – 50 millions, voire 100 millions de morts), la grippe asiatique de 1957 (2 millions de morts) et la grippe de Hong-Kong en 1968 (4 millions de morts). 

Les pandémies ont été régulières (depuis le néolithique), mais aussi les catastrophes dites naturelles ou accidentelles. Les conséquences politiques furent souvent sérieuses (comme peut-être pour le PC chinois, l’UE et les gouvernements en place aujourd’hui). En 430 av. J-C., la peste d’Athènes emporta la moitié de la population et marqua le début du déclin de la cité, selon les historiens. La peste antonine (entre 165 et 190) fit près de 10 millions de morts, diminuant considérablement la population romaine et contribua au déclin de l’Empire romain d’Occident. La grippe espagnole de 1918-19 a fait 2,3 millions de morts en Europe (dont près de 400 000 en France), près de 650 000 aux Etats-Unis. Mais c’est dans les pays du Tiers Monde qu’elle a le plus tué (18 millions de morts en Inde, préparant très certainement les esprits à l’indépendance). Gorbatchev estime dans ses mémoires que la gestion de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (en 1986) par les autorités soviétiques était l’une des causes de la dislocation de l’URSS, survenue cinq ans plus tard (en 1991). Les conséquences économiques sont toujours sérieuses comme aujourd’hui, surtout par les effets du confinement.

Les politiques ont dédramatisé la situation au début, s’affichant en public, comme Macron le 9 mars, avant de décider le confinement au dernier moment quelques jours plus tard. C’est une épreuve psychique imposée, pas si anodine pour l’économie, ayant été privé de notre liberté individuelle par le gouvernement durant deux mois, surtout par son manque de prévoyance, le confinement étant une mesure de dernier recours. La mauvaise gestion de la crise constituera un précédent, car le confinement moderne est moléculaire. C’est cette méthode que nous devrions nous efforcer d’appliquer en cas de 2e vague. Mais encore faudrait-il pour cela en disposer des moyens matériels et intellectuels. Notre société et notre économie ouverte, ultra libérale et sans frontriériste (véhiculée par l’UE) a laissé se délocaliser les productions (masques, etc). Notre dernier fabricant de masques français, situé dans les Côtes- d’Armor et produisant 200 millions de masques par an, a été racheté par le groupe américain Honeywell qui a délocalisé la production en Tunisie, en septembre 2018. Les solutions palliatives sont chronophages dans leur application. Par ailleurs, des erreurs ont été commises par les pouvoirs publics.

L’Alsace n’a pas été placée en quarantaine, en février, en tant que foyer principal, pour confiner les malades jusqu’à leur guérison. Macron n’a pas voulu fermer les frontières, au début de la pandémie, pour protéger le marché européen. Il a cherché à respecter les protocoles de l’UE, très lourds et lents, avant de passer les appels d’offres de masques. Les victimes de la pandémie (26 000 en France, soit approximativement le nombre de décès annuels imputés aux grippes A, B, C et D) sont avant tout des morts de l’économie et de la société ouverte. L’idée européenne (confédérale) s’avère mortelle et fatale pour les Français depuis 1992. Macron cherche ainsi à faire croire qu’il était en avance. Mais ce qui n’est que de la communication politique, stratégique au coeur de nos décisions publiques depuis longtemps, pointant la faillite intellectuelle de nos élites. A ce titre, cette pandémie est révélatrice du déclin français.

Dans le contexte actuel, la France ne dispose plus de sa souveraineté et ne peut mener aucune politique publique d’envergure. C’est le grand bal des hypocrites dans les médias, les « eurobéats » nous promettant hausse des salaires et relocalisations, alors que l’UE par son mode de fonctionnement ne le permet pas. Dans une autre approche exemplaire, le rapprochement esquissé entre Siemens et Alstom (en vue de la création d’un Airbus européen du ferroviaire) a été retoqué par l’autorité de la concurrence européenne, étant pourtant la seule solution pour peser face au géant américain General Electric et aux concurrents chinois émergents dans le secteur. Aucun patriotisme européen n’est favorisé par l’UE, à l’heure actuelle. Mais personne n’est dupe et personne n’y croit. Il s’avère probable que l’Etat soit provisoirement obligé de monter au capital de certaines grandes entreprises (notamment Air France), pour éviter des faillites en cascade.

La crise du coronavirus et le confinement en vingt dessins

Comme le titrait Marianne, « Macron est covidé de sa substance. Qu’a-t-il encore à nous vendre ? ». Avant tout, nous manquions de moyens depuis le début face à cette grippe à la mortalité et à la viralité relative. Tel l’analysait récemment l’historien Arnaud Teyssier dans Le Figaro, la pratique administrative a été subvertie par une insupportable doxa. Le coronivarus a révélé la désorganisation de l’Etat en France, coexistant paradoxalement avec des dépenses publiques très élevées. Certains y voient l’impuissance de l’Etat, d’autres au contraire, celle de son utilité, en étant arrivé à un point « où ce sont les faits qui gouvernent ». Pour citer Arnaud Teyssier la « pandémie met crûment en évidence la fragilité de notre système de santé publique ». Sa réputation reste entière, mais il connaît depuis des années une crise profonde de moyens. Mais aussi existentielle, le malaise des personnels soignants et le départ de nombreux praticiens en sont les symptômes criants.

Ce confinement a infantilisé les Français durant deux mois, les contraignant à circuler avec une attestation, en vue d’un contrôle de police, sous peine de contravention. Ce virus aurait pu être combattu différemment à l’image des politiques de confinement partiel ou moléculaire adoptés par différents pays (la Finlande, l’Allemagne dans certains länders, la Suède ou la Corée du sud), bien qu’il n’y ait cependant pas d’exemples parfaits. En comparaison le nombre de victimes du Covid-19 par habitant est identique à celui de la France en Suède (sans confinement), mais il en ne va pas de même du nombre de lits d’hôpitaux et du personnel hospitalier par habitant (largement supérieur au nôtre) et cela sans les impacts économiques. Il est difficile de prévoir les aléas de toute crise sanitaire, personne n’ayant pu prédire les développements de cette pandémie à ses débuts (fin 2019), on peut naturellement l’accorder. Mais gouverner, c’est aussi prévoir. Face au développement pandémique et au manque de moyens pour y faire face, les autorités publiques n’ont pas eu d’autres choix que de mettre en place le confinement, mais parce qu’elles y étaient contraintes. 

Le président a également voulu protéger ses équipes de conflits d’intérêts nuisant à la macronie actuellement. La tenue du 1er tour des municipales (à forte mobilisation des personnes âgées) était un choix politique, d’autres erreurs ayant été commises (dont la non-mobilisation des 10 000 lits de cliniques privées, la mobilisation des ARS au détriment des médecins,  la non-expérimentation de la chloroquine, parmi d’autres traitements…). Le confinement (décidé à la mi mars) est aussi politique, visant à effectuer l’union sacrée autour de la peur et à éviter la saturation des urgences. Car depuis les années 1980, 13 % des lits ont été supprimés (soit moins de places aujourd’hui qu’en 1995, alors que nous sommes 8 millions d’habitants en plus), tel le rapporte Fanny Vincent (100 000 lits supprimés en 20 ans) et cela alors que la France a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe. La loi oblige chaque département à avoir trois hôpitaux, mais la réforme est mal appliquée (par des technocrates, au lieu de consulter et d’y associer des spécialistes). Ainsi dans l’Orne, on compte sept petits hôpitaux sans service d’urgence. 

Ces réformes néo-libérales ont contribué à un sous-financement de l’hôpital au regard de ses missions et des réponses nécessaires aux besoins de santé de la population. Les conditions de travail des personnels ont été dramatiquement diminué. Nous vivons « l’un des plus importants mouvement social de l’histoire de l’hôpital public », ralenti par les effets de la crise sanitaire et du confinement. Les problèmes conjoncturels n’ont continué à être lu qu’en termes de manque d’organisation. Les patients le payent aujourd’hui au travers cette pandémie, dans la désorganisation des urgences, les soignants étant appelés à effectuer toujours plus d’heures supplémentaires, alors qu’ils sont déjà à bout. Le système manque de moyens et est de plus en plus inégalitaire et ce n’est que le début, d’un point de vue économique, territorial ou social. C’est pour cette raison, que les responsables du secteur sont restés incrédules devant les contradictions du discours de Macron et le résultat pratique de ses politiques.

Face à la « crise sanitaire la plus grave que la France ait connue depuis un siècle », Emmanuel Macron a fait l’éloge de l’Etat providence, le 12 mars, disant sans ciller « la santé gratuite, quels que soient les revenus, la carrière ou la profession, notre Etat providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais notre précieux atout (…) lorsque notre destin est attaqué ». Ce discours ne correspond en rien à sa pratique de la gouvernabilité, de nombreux hôpitaux continuant d’être fermés et les ressources pour la recherche scientifique d’être réduites. Il est difficile de croire à un vrai changement de paradigme pour l’avenir. Bien qu’il déclare que cette pandémie révèle que des biens et services doivent être placés en dehors des lois du marché et que la santé n’a pas de prix. Car cela impliquerait une profonde rupture idéologique avec les réformes néolibérales menées jusqu’alors.

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Macron n’a fait montre d’aucune volonté d’extraire la santé des lois du marché. Mais ce qui est intéressant, c’est d’observer comment ces moments de crise semblent révéler pour les gouvernements l’importance de disposer de services publics forts et efficaces, financés. Depuis plus d’un an, médecins, infirmières, chercheurs se mobilisent pour protester contre la politique néolibérale du gouvernement Macron et dénoncent la dégradation des hôpitaux publics ! Il y a quelques mois, les chefs de services hospitaliers ont démissionné pour protester contre les réformes néo libérales du gouvernement Macron, contre le manque de moyens. Les infirmières françaises sont moins bien payées que les Allemandes (3 533 € contre 4 491 € en Allemagne, soit un salaire inférieur de 21 % en terme de parité de pouvoir d’achat). Bien qu’ayant vanté les vertus de l’Etat – providence dans son récent discours, on voit mal le chef de l’Etat mener une rupture idéologique avec les réformes menées jusqu’alors. 

Sa seule marge de manoeuvre est de changer d’équipe gouvernementale, soit toujours de la communication, utilisant Edouard Philippe comme un fusible (à l’image de tous les chefs de gouvernement de la Ve République), sur fond d’impopularité record (65 % d’opinions défavorables), après les affaires Benalla et Griveaux. Les dirigeants européens, Macron en tête, n’ont plus la mentalité étatique, mais ce type de problème se résolvant au niveau étatique. Les élites politiques européistes ne gouvernent plus, car elles ont cédé l’essentiel de leurs prérogatives à l’UE, certains Etats s’en tirant légèrement mieux (Allemagne, Finlande…), car ayant moins coupé cependant dans leurs dépenses publiques de santé et moins délocalisé leurs productions de masques et infrastructures pharmaceutico-industrielles. Il s’agit de contrôler et contrer un virus, mais le fonctionnement de l’UE ne facilite pas toujours les choses, car ultra libérale et sans frontiériste. Ce qui a conduit aux délocalisations, les pays européens n’ayant parfois plus les outils industriels pour réagir (gels, masques), l’exemple le plus flagrant étant celui de la France.

Un virus n’a pas de frontières, mais il est véhiculé par un porteur qui s’arrête à la frontière avec un passeport. L’espace Schengen doit être supprimé, non pas pour rendre les frontières entièrement étanches et hermétiquement closes, mais pour rétablir un contrôle mesuré, leur rôle de filtrage étant prouvé. Le rôle de l’aviation est à souligner dans la propagation du virus. Après la crise bancaire de 2008, la crise migratoire de 2015, la crise sanitaire actuelle est un clou supplémentaire planté dans le cercueil de l’UE. Un ennemi redoutable nous désarçonne n’ayant plus les instruments intellectuels pour y faire face, alors que nous avons des précédents en matière de gestion des épidémies. En tant qu’idéologie, le néolibéralisme considère la concurrence comme la principale caractéristique des relations humaines. Cette idéologie supprime la notion de devoir collectif et de valeurs communes, en pariant sur l’individualisme, affirmant la suprématie de l’économie et du marché sur les valeurs humaines, valorisant l’intérêt égoïste prévalant face à la solidarité.

L’angoisse du futur se nourrit aujourd’hui des vrais problèmes ressentis, le chômage et la précarité du travail en augmentation, la baisse du pouvoir d’achat, l’effondrement de l’ascension sociale, la retraite qui va vers la capitalisation, le manque de logements pour les couches sociales les plus populaires et tous les autres problèmes causés par la mondialisation inclusive. Il faut le retour à l’emploi et à l’indépendance nationale. Le système économique néolibéral et son idéologie ne peuvent plus être viables, car présentant un grand risque de déstabilisation de notre société. Cette crise démontre la vulnérabilité d’un système où 20 % de la production industrielle dépend de la Chine, tel l’analyse Daniel Cohen, chef du département économique de Normal Sup. Libre et affranchi de tout patriotisme économique, notre système engendre la destruction des industries locales, chômage de masse causé par la déindustrialisation, allant jusqu’à omettre le passé politique de la Chine communiste, pourtant exemple de capitalisme d’Etat pragmatique et assumé.

Le patriotisme économique consiste à entreprendre en suivant les principes de souveraineté, de sécurité et d’indépendance nationale, redécouverts aujourd’hui à l’occasion de cette crise sanitaire mondiale. Ce sont des principes essentiels à une politique économique pragmatique, fondée sur le réel, « et également soucieuse d’apporter un écosystème juridique, financier et fiscal favorable à la création des entreprises et à leur développement », pour citer Jean -François Ferrando, président de la CNTPE (Confédération Nationale des Très Petites Entreprises), dans un récent entretien dans Figarovox. C’est ce que l’on appelle l’intelligence économique. Elle concerne autant le marché intérieur qu’international. Cette démarche patriotique et intelligente est promue par Macron, mais les profils chargés de la mettre en oeuvre sont inquiétants. La France est pourtant le seul pays en Europe à disposer d’une école de guerre économique. Il nous faut un système économique libéral s’arc – boutant sur une forme d’indépendance nationale avec une pointe de keynésianisme.

Dans une autre approche, l’essayiste Maxime Tandonnet déplore la culpabilisation dont de nombreux Français font l’objet dans le contexte de la pandémie de coronivarus, les signaux contradictoires reçus constituant le coeur de la question. Tel ce – dernier l’analysait dans un récent article du Figaro, « la crise qui nous frappe est aussi le fruit des défaillances de la France d’en haut ». Le fossé séparant les élites médiatiques et dirigeantes de la majorité silencieuse est confirmé par cette crise sanitaire, le discours dominant ne lésinant « pas sur la culpabilisation de la population ». La mode est à fustiger les Français qui auraient manqué de civisme, au début de la pandémie. Alors qu’en dépit d’effets ponctuels de panique (prises d’assaut des gares pour rejoindre la province et rayons féculents des magasins dévalisés), ces comportements caricaturaux ne sauraient prévaloir de l’état d’esprit général d’une nation. Les Français (la « vile multitude » comme disait Thiers) ont été constamment stigmatisés pour leur supposée indiscipline, notamment par les élites médiatiques, alors que le confinement a été respecté par 95 % d’entre eux, des mouvements de contestation ayant eu lieu à Berlin et en Chine, ce qui n’a pas été vu en France à titre de comparaison.

Les médias ont même paradoxalement été jusqu’à fustiger les 45 % de Français s’étant déplacés pour aller voter. Le pays devient le bouc émissaire des défaillances, à savoir la France périphérique des gilets jaunes. « L’étrange défaite » de Marc Bloch n’a pas pris une ride. Selon l’auteur, la terrible débâcle de 1940 est le « produit intellectuel des élites dirigeantes, de l’affaiblissement de la culture générale, historique et littéraire ». Comparaison n’est pas raison, mais la crise sanitaire actuelle a en point commun une faillite intellectuelle. Sur le plan économique, en dépit de la culpabilisation sous – jacente chez certains entrepreneurs face aux aides de l’Etat français (prêts garantis, remboursement du chômage partiel, report de charges sociales et fiscales…), tel l’analyse l’IFRAP (très libéral), aux analyses parfois intéressantes, ce n’est qu’un juste retour d’un Etat pressurant leurs marges « par l’impôt et les charges depuis des années ». Alors que les mesures sanitaires du déconfinement sont complexes à mettre en place pour les TPE et PME, avec pour seule protection des fiches de sécurité, la responsabilité pénale du dirigeant étant engagée pour les entreprises qui ne sauront ou ne pourront pas les mettre en application.

Pour l’instant, seuls les indépendants peuvent bénéficier d’une aumône de 1 500 euros, lorsqu’ils sont éligibles. Toute relance doit s’accompagner « d’un plan massif de baisse des impôts de production et des charges des entreprises », en particulier des PME, TPE et indépendants. Le plan de reconstruction annoncé ne doit pas être un énième plan de dépenses. Il faut aussi déverrouiller le code du travail et repousser l’âge de la retraite à 65 ans, parmi d’autres réformes. Il faudrait diminuer le niveau de prélèvements obligatoires et réduire les dépenses et le déficit public, mais les économies n’étant pas à faire dans les secteurs régaliens (santé, armée, police, justice…). Sans quoi, la « cocotte – minute » des colères françaises risque d’exploser. C’est dans la réforme de l’Etat que Macron, présenté tel un président clivant, agaçant, voire arrogant, doit réussir. Depuis peu lancé en politique, ce jeune banquier d’affaires a réussi un coup de poker électoral, face au vide laissé par le hollandisme, le sarkozysme et le chiraquisme dans la classe politique française (après 14 ans de mitterrandisme). Mais qu’en est – il de ses qualités réelles, connaissant son inexpérience ? Certes, il hérite d’une situation mais la politique qu’il mène, son européisme ne le prédestinent pas à changer de paradigme.

Il ne faudra d’ailleurs pas augmenter les impôts, mais les baisser (avec 160 milliards d’euros de recettes fiscales en plus, en 2018), en parallèle de ce plan de relance. Par le poids et le coût de la CSG, les employeurs français sont déjà assommés de charges. L’ISF ne doit pas être rétabli, mais remplacé par une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, s’accompagnant d’une taxation des patrimoines et des revenus des Français établis à l’étranger, sur l’exemple américain. Une légère augmentation de la TVA est envisageable, associée en parallèle à un plan de réduction des déficits, en touchant aux paniers percés de la République. Près de 100 milliards d’euros pourraient être économisés, tous les ans, sans parler de l’exil fiscal, si la France était plus attentive à ses dépenses, tel l’a démontré Jacques Marseille, en coupant dans les dépenses des collectivités locales, de manière indolore et sans couper dans les aides sociales, mais en touchant à la gabegie de certaines dépenses publiques (suppression des doublons au niveau local, maîtrise des dépenses de communication des collectivités locales, suppression du Comité Economique et Social et des placards dorés ou fusion avec le Sénat, regroupement de communes, diminution du nombre d’élus). 

Le hastag #OnApplaudit témoigne de la solidarité dans les villes envers les personnels soignants. Mais après cette crise, tel l’a déclaré Thomas Porcher « il faudra que les dirigeants rendent des comptes aux Français et expliquent les raisons » de la casse de notre système hospitalier. Les mesures de déconfinement sont complexes à mettre en place pour les PME et TPE, dont les cafés – restaurants (dont près de 50 % craignent une faillite dans les 3 mois). Cette crise sanitaire (digne du scandale du sang contaminé) ne restera pas sans conséquences pour le pouvoir macronien, l’organisation de notre système de santé et la dette publique. Sur le plan social, le mouvement des gilets jaunes risque de reprendre dans une rentrée qui s’annonce explosive, voire révolutionnaire, tel l’histoire l’a parfois démontré, au lendemain des catastrophes et pandémies…

 

                                                                                                                                                                            J. D.

11 avril, 2020

Un confinement sans précédent historique

Classé dans : Economie,Europe,International,Politique,Sante,sujets de societe — llanterne @ 3:13

C’est une mesure inédite en France (inefficace et inappropriée selon certains). Prolongeable initialement jusqu’au 15 avril, il a été annoncé, mercredi 9 avril, la reconduite du confinement par le gouvernement au moins jusqu’à la fin avril – début mai. Ces mesures sont globalement respectées en France, par les 67 millions de Français. Près d’un tiers de l’humanité serait touché par ces mesures de confinement, à l’heure actuelle. Certains pays annoncent des scénarios de sortie, ce qui n’est pas encore envisagé en France. Alors que l’épidémie de coronivarus ou Covid-19 a tué plus de 53 000 personnes en Europe et plus de 102 026 dans le monde, pour l’instant, le pic des contaminations n’est toujours pas atteint, semblerait-t-il. Les précédents historiques (notamment celui de la grippe espagnole, de la variole) et les comparatifs sont intéressants à établir. 

Le confinement généralisé s’avère-t-il réellement efficace et utile pour enrayer une épidémie ? Peut-on comparer le coronivarus et la grippe espagnole de 1918 – 19 ? Beaucoup accusent la mondialisation d’être responsable de la diffusion si rapide du virus dans un monde, entre guillemets « sans frontières ». En combien de temps le virus s’est-il répandu, à l’époque de la grippe espagnole ? Comment ont réagi les gouvernements à l’époque ? Quelles ont été les conséquences sociales ? Quelles ont été les mesures prises ? Ont – elles été effiaces ? Peut-on espérer les mêmes prodigieuses avancées de la science, aujourd’hui ? En quoi ce confinement impacte-t-il notre moral et aussi l’économie française ? Le roman « La Peste » d’Albert Camus nous apprend sur les attitudes collectives face à une épidémie, toutes proportions gardées. Ce sont là autant de questionnements soulevés autour de la gestion de cette crise sanitaire.

Le coronavirus ou Covid – 19 (acronyme anglais de coronivarus disease) est une maladie infectieuse émergente de type zoonose virale, causée par une souche de coronivarus SARS-CoV-2. Apparue à Wuhan en Chine centrale en novembre 2019 avec des cas inhabituels de pneumophatie. Qualifié de pandémie dès mars 2020 par l’OMS, il se propage dans le monde entier (soit sur les cinq continents). La maladie a justifié de sévères mesures chinoises de confinement en janvier 2020. De nombreux pays prennent à leur tour des mesures similaires, provoquant des fermetures de frontières, un brusque ralentissement de l’économie mondiale et un krach boursier le 12 mars 2020.

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C’est en Chine, en Iran, en Europe de l’ouest (en Italie, en Espagne, en moindre mesure en France) et aux Etats-Unis, qu’il a fait le plus de victimes, pour l’instant. Se développant sous une forme bénigne dans 85 % des cas, à la contagiosité très forte (près de 1 700 000 cas confirmés, dans le monde officiellement), le Covid-19 reste sans comparaison avec le H1N1 ou grippe espagnole (ayant fait des ravages en 1918 – 19 dans le monde entier), sur le plan de la mortalité. Mais néanmoins, elle reste non négligeable chez les personnes âgées et vulnérables sur le plan respiratoire. Près de 20 000 malades (souvent âgés) décèdent de la grippe classique (A, B, C ou D) ou de maladies respiratoires diverses et variées, chaque année, en France (comptabilisés parmi les 610 000 décès annuels).

La mise en place de ce confinement général vise à éviter l’engorgement des urgences. Au fur et à mesure que l’épidémie de Covid-19 progressait en France, on a assisté à une intensification progressive des mesures prises par le gouvernement, face à une crise sanitaire, semble-t-il relativement mal gérée. La préfecture de police de Paris vient par exemple d’interdire désormais depuis le mardi 7 avril, toute pratique d’activité physique à l’extérieur entre 10 h et 19 h, même avec une attestation obligatoire de sortie.

Tel qu’il est pratiqué, ce type de confinement prouverait son inefficacité, selon certains experts, mais cela dit les précédents historiques sont faibles. A l’exception de quarantaines localisées comme la dernière fois, dans le cas de la variole en 1954-55 dans le Morbihan, c’est une première en France. Par ailleurs, en procédant de la sorte, on joue dans la durée, sachant d’autant plus que le coronivarus ou Covid-19 n’en est peut-être qu’à sa première vague pandémique, la grippe espagnole en ayant connu trois. Mais quels sont les précédents dans l’histoire, sur le plan de la gestion d’une crise sanitaire ?

Une épidémie (du grec epi = au-dessus et demos = peuple) est l’apparition et la propagation d’une maladie infectieuse contagieuse (cutanée, respiratoire…) et potentiellement mortelle. Elle frappe en même temps et en un même endroit un grand nombre de personnes, telle l’épidémie de grippe. Si elle se répand sur une large zone géographique, on parle de pandémie (du grec pan = tous). L’histoire nous a ainsi laissé quelques traces de ces pandémies ayant terrorisé les sociétés humaines (et cela depuis la plus haute antiquité), avec des répercussions économiques, politiques et sociales. Outre l’application de mesures ponctuelles de confinement, il apparaît que ce sont toutefois les consignes sanitaires et surtout les progrès scientifiques qui sont venus à bout des maladies contagieuses.

Dans l’histoire, les pandémies ont été régulières, quelque soit leur mode de transmission (respiratoire, cutané, sexuel…). Elles suivent l’histoire de l’humanité depuis le néolithique. Au rang des maladies célèbres, la lèpre est souvent citée (déjà dans la Bible), mais aussi la syphilis (MST), autrement appelée vérole (Beaudelaire, Maupassant, Daudet…), la peste découverte par Pasteur en 1894, la tuberculose qui fit des ravages en Europe au XIXe siècle. Les routes marchandes ont contribué à la diffusion des épidémies.

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Endémique et chronique de l’Antiquité à son éradication par le vaccin en 1977, la variole (circonscrite initialement à l’Europe) fut diffusée par les navigateurs européens dans le Nouveau Monde, au XVIe siècle. A l’image d’autres maladies contagieuses disparues comme la suette miliaire ou encore la coqueluche (ou le tac ou le horion). La diphtérie est enrayée par la vaccination en 1924.

Le choléra est une autre infection (de type diarrhéique aigüe). Sans vaccin connu, il reste une menace selon l’OMS pour la santé publique mondiale. La grippe classique (A, B, C et D), la plupart du temps bénigne, peut évoluer vers plusieurs types de complications mortelles pour les plus fragiles. On peut citer le virus Ebola (en Afrique), le Sida (MST officiellement apparue en 1981, officieusement dans les années 1960), l’hépatite C, le Sras de la famille des coronivarus.

Le chinkungunya et la fièvre jaune sont deux maladies tropicales infectieuses transmises par les moustiques, comme le paludisme ou la malaria. La fièvre jaune toucha l’Italie méridionale et fit des ravages dans les Etats du sud des Etats-Unis. Elle remonta même jusqu’à New-York et Philadelphie à la fin du XVIIIe siècle (incitant Georges Washington à quitter ce qui était alors la capitale des Etats-Unis). Dès la haute antiquité, jusqu’à l’époque moderne et contemporaine, les quarantaines, confinements et cordons sanitaires ont été mis en application, notamment en Europe, pour endiguer les épidémies et pandémies, mais toujours à titre local et jamais à cette échelle.

Lutte contre le paludisme: un concours de créations pour la ...

Dans l’histoire contemporaine, il y a eu trois pandémies au XXe siècle : la grippe espagnole (25 – 50 millions, voire 100 millions de morts selon certains analystes), la grippe asiatique de 1957 (2 millions de morts) et la grippe de Hong-Kong en 1968 (4 millions de morts). Les deux dernières ont la particularité d’avoir été circonscrites à l’Asie, d’où est parti le coronivarus. Les conséquences politiques furent souvent capitales dans l’histoire, comme elles pourraient l’être notamment pour le PC chinois (dans la minimisation des statistiques officielles) et l’Union européenne (par absence de solidarité suffisante entre Etats européens, dans la gestion de la crise sanitaire), par exemple.

Dans Athènes assiégée par Sparte en 430 av. J-C., une subite épidémie de peste décima un tiers de la population de la ville (soit 200 000 habitants). C’est la première pandémie documentée de l’histoire, probablement en réalité une fièvre typhoïde. Elle marqua le début du déclin d’Athènes et fut décrite par l’historien Thucydide, lui-même touché par la maladie, ainsi que par l’homme d’Etat athénien Périclès qui en est mort. La peste antonine frappa l’Empire romain à la fin de la dynastie du même nom (durant les règnes de Marc Aurèle et Commode entre 165 et 190). C’est sans doute l’épidémie la mieux documentée de l’époque antique, certains scientifiques pensant toutefois, qu’il s’agissait plutôt de la variole. Certains historiens considèrent qu’elle marque le début du déclin de l’empire romain d’occident.

La dynastie antonine – les Antonins – lui a donné son surnom, l’Histoire Auguste nous l’ayant décrit. Aucune mesure de quarantaine ne fut prise, semble-t-il, car jugée inefficace. C’est pour se protéger de la peste noire qui fit des ravages au milieu du XIVe siècle en Europe et en Asie (ramenée peut-être de Chine par un navire vénitien), que l’on prit les premières mesures connues et documentées de confinement, à titre local. Elle fit des ravages, notamment au XIVe siècle (7 millions de morts en France sur 17 millions d’habitants, 75 millions de morts en Europe soit de 30 à 40 % de la population européenne de 1347 à 52 et de 30 à 40 % de la population chinoise). Les premières mesures documentées d’isolement des navires provenant de zones infestées apparaissent à Dubrovnik (Croatie) en 1377, puis à Venise (Italie) à partir de 1423. Mais il y eut aussi d’autres épidémies de peste (Barcelone en 1590, Milan en 1630, Marseille en 1720 et la peste des chiffonniers à Paris en 1820). « La méthode ressemblerait à ce qui a été fait pour lutter contre l’épidémie de peste, notamment la dernière à Marseille en 1720″, mais alors localement.

Cette épidémie constitue un précédent historique de confinement, l’un des seuls dans l’histoire de France, note l’historien Jean-Yves Le Naour auprès du Figaro. Elle fut propagée à partir d’un navire en provenance du Levant (probablement de Syrie), dans le port de Marseille, la maladie s’étant rapidement étendue dans la cité phocéenne (entraînant entre 30 000 et 40 000 décès sur 80 000 à 90 000 habitants), avant de se propager à toute la Provence. Sur le plan concret, « les foyers de peste étaient isolés du reste de la population ». Ainsi, « on laissait mourir les malades pour protéger les autres ». C’était ainsi le seul moyen connu et mis en pratique, à l’époque, pour lutter contre la propagation d’une maladie virale de ce type. Cependant, à la différence d’aujourd’hui, il s’agit là alors d’une mesure très localisée.

A l’époque, les déplacement étaient très restreints, surtout le fait de camelots, marchands ambulants et employés de services publics. Des « murs de la peste » ont été mis en place dans le Vaucluse en 1721 sur 27 kilomètres pour protéger la région. Ils sont gardés par des soldats, des gendarmes qui avaient ordre de tirer sur tous ceux qui tentaient de sortir du périmètre. Il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour le royaume. C’est le règne de Louis XV, le bien puis le mal aimé. Mise en quarantaine, la ville de Marseille a vu la peste disparaître petit à petit, à partir de 1722. On peut citer la technique du « cordon sanitaire », le terme naissant en France au XIXe siècle, lorsqu’en 1821, Paris envoie 30 000 soldats et gendarmes pour fermer la frontière avec l’Espagne, dans les Pyrénées, afin d’empêcher la diffusion d’une épidémie de fièvre jaune.

n° 53 | Question sociale | Fabienne Chevallier | Arts & Sociétés

La grande vague de choléra ayant touché le continent dans les années 1830 sert de toile de fond au roman « Le Hussard sur le toit » de Giono dans une Provence ravagée par la mort et la désolation. Le premier cas fut attesté en France, le 26 mars 1832. Elle entraîne des mouvements d’hystérie collective. A Paris, la foule en délire massacre même quelques personnes accusées d’avoir empoisonné l’eau des puits. Elle fit environ 100 000 victimes, dans le pays, dont 18 402 à Paris. Le président du conseil Casimir Périer en est même mort, le 16 mai 1832. L’épidémie a remonté la vallée du Rhône jusqu’à Lyon, puis Paris avant de s’éteindre d’elle-même en septembre – octobre 1832. Mais aucune mesure de ce type (quarantaine, confinement) n’a été prise. Selon l’historien Jean-Yves Le Naour, jamais une mesure de confinement d’une telle ampleur n’a été prise dans notre pays.

Même lors de l’effroyable épidémie de grippe espagnole, ayant fait entre 20 et 50 millions de morts entre 1918 et 1919, occulté largement par la 1ère guerre mondiale de 1914 – 18, le pays ne s’est pas mis en quarantaine. « La France avait un fléau tout aussi mortel à gérer, la guerre ». A Vannes, dans le Morbihan (en Bretagne), une épidémie de variole a marqué les mémoires, entre décembre 1954 et mai 1955. C’est la dernière recensée en France, ayant causé le décès de 16 personnes pour 74 cas, vraisemblablement causée par un appelé rapatrié d’Indochine, en 1952. Circonscrite à la région vannetaise, au début, elle entraîna le 1er janvier 1955 une mise en quarantaine du service pédiatrie et des patients à l’hôpital Chubert de Vannes. D’autres cas se déclarent en France dont un semblable à l’hôpital Michel-Lévy de Marseille, où sont recensés 45 cas dont un décès. Une campagne de vaccinations collectives de 250 000 habitants de la circonscription vannetaise, à partir du 6 janvier, 570 000 vaccinations à Marseille, 600 000 Parisiens souhaitant se faire vacciner et le ministère de la santé souhaitant atteindre les 11 millions de Français vaccinés.

A partir du mois de février, aucun nouveau cas n’est signalé et la quarantaine de l’hôpital Chubert de Vannes est levée en mars 1955. La dernière épidémie de variole en France se termine le 11 mai 1955. Pour la journaliste scientifique Laura Spinney, les mesures d’urgence adoptées en vue d’enrayer la propagation de l’épidémie de grippe espagnole en 1918 – 19 sont relativement similaires à celles décidées par les pouvoirs publics à partir de mars 2020, en France, face au coronivarus. D’ailleurs, nos systèmes de santé actuels sont largement les produits de cette pandémie historique. Emmanuel Macron a ainsi déclaré, que cette crise sanitaire était la plus grave depuis un siècle (faisant implicitement référence à la grippe espagnole de 1918 – 19).

Dangereuses manipulations: Le virus de la grippe de 1918 a été ...

Il apparaît cependant difficile d’établir une comparaison entre une épidémie en cours et une épidémie révolue. Sachant que les statistiques relatives à la grippe espagnole restent très contestées, avec une fourchette très large, car il était très difficile de comptabiliser à l’époque, tel l’analyse Laura Spinney. Les pertes du conflit et des maladies pulmonaires liées à l’effet de l’utilisation des gaz viennent s’y ajouter. Selon les estimations, lors de l’épidémie de 1918 – 19, il y a eu entre 25 et 50 millions de morts, le taux de létalité des cas étant estimé à hauteur de 2,5 % !, explique-t-elle. La grippe espagnole était 25 fois plus dangereuse qu’une grippe classique, est-il estimé et établi. En ce qui concerne le coronivarus, sans certitude actuelle, le taux de létalité se situerait autour de l’ordre de 1 %.

Par contre, il s’agit aussi d’un nouveau pathogène au taux d’attaque très élevé. Les différences restent nombreuses, la grippe espagnole ayant la spécificité de toucher plus sérieusement des malades entre 20 et 40 ans, ce qui l’a rendu si désastreuse. Le coronivarus touche plutôt les personnes âgées de plus de 60 ans (la moyenne d’âge du patient en état critique étant de 80 ans), mais avec des tendances évolutives et en manquant du recul nécessaire. Sur le plan de sa diffusion, on sait que la grippe espagnole s’est déployée en trois vagues principales. La première a été modérée et ressemblait à une grippe saisonnière, de mars à juillet 1918. La deuxième a été plus virulente de septembre à mi – décembre 1918, où il y a eu la plupart des décès. Elle fut suivie d’une troisième nettement moins virulente, de mi – janvier à début avril 1919 en Europe de l’ouest notamment, en Asie jusqu’en juillet 1921.

Rétro OURS : La presse socialiste et la... - Office universitaire ...

La plupart des morts ont eu lieu en trois mois. Une forme de mondialisation était déjà existante à l’époque (comme depuis la plus haute antiquité), même si elle était beaucoup plus lente. La guerre a été un des facteurs déterminants, les scènes de liesse de l’Armistice, le 11 novembre 1918 accélérant la propagation et la diffusion du virus, au sein de la population. Les pénuries sont continues et la malnutrition généralisée dans les pays belligérants (particulièrement en France, en Belgique et en Allemagne), l’infection atteignant des populations malnutries, fatiguées, etc. Ainsi, les systèmes immunitaires étaient fragilisés par les privations subies durant quatre ans.

14-19 [L'actualité de l'époque] – La grippe espagnole | Compagnie ...

La population ignorait à peu près ce qui l’attendait. En septembre 1918, la mortalité du virus devient supérieur à la normale (les malades décédant en quelques heures d’une fièvre et d’une pneumonie foudroyante). A partir de fin 1918, cela a été effrayant. Certains scientifiques estiment que les conditions sanitaires inhérentes au conflit ont contribué puissamment à la virulence du virus dans sa diffusion. En temps normal, une nouvelle souche de grippe voit son acerbité fortement modérée avec le temps, par adaptation rapide du système immunitaire du malade. La souche n’a de surcroît pas intérêt à tuer l’hôte qui l’héberge.

C’est ainsi que les grippes saisonnières connues commencent par des grippes pandémiques, se calmant avec le temps. Mais elles emportent juste les personnes très âgées ou très affaiblies, aux systèmes immunitaires déficients. Tout cela a contribué à l’exceptionnelle fougue de ce virus et à son prolongement dans la contagion, tel le rapporte un spécialiste.

Coronavirus, Sras, pestes, grippe espagnole... la perpétuelle peur ...

Le virus H1N1 mute rapidement. Il apparaît le 4 mars 1918 dans un camps militaire américain de Funston au Kansas. La maladie s’y étend, contaminant les Sammies, qui le répandent en débarquant en Europe (le premier cas apparaît en France dans un camps militaire à Rouen). Les pays belligérants ont essayé de cacher l’épidémie pour ne pas nuire au moral des populations, cachant son nombre de victimes (civiles ou militaires, car secret d’Etat). L’Espagne étant neutre pendant le conflit, il n’y avait pas de censure et la presse espagnole en a parlé la première, d’où son surnom de « grippe espagnole ».

Puis les gouvernements ont été obligés d’agir. Ce qui est intéressant à observer, c’est qu’ils ont alors mis en place exactement les mêmes recommandations qu’aujourd’hui (distanciation sociale, quarantaine, isolation, masques, lavage de main…), mais sans confinement généralisé. Seuls ont été interdits après le 11 novembre, les rassemblements de plus de 1 000 personnes. Nos réactions face à une pathologie inconnue sont identiques à celles de nos aïeux. Il est rapporté également par un journaliste, les débats dans un grand journal parisien de l’époque sur l’utilité de la désinfection des espaces publics parisiens, inefficace selon un expert de l’Institut Pasteur. La grippe espagnole est la cause de près de 400 000 décès en France, la plupart entre septembre et mi – décembre 1918.

Ciné-Fȇte - La grippe espagnoleIl y a 100 ans, la grippe « espagnole » s'abattait sur le monde ...

Elle a emporté notamment le poète Guillaume Apollinaire, le journaliste et député Pascal Ceccaldi, la dramaturge Marie Lenéru, le pionnier de l’aéronautique Léon Morane ou encore l’écrivain et metteur en scène Edmond Rostand. Dans les victimes étrangères célèbres, on peut aussi citer Rodrigues Alves (président du Brésil), Louis Botha (premier ministre de l’Union sud-africaine), John H. Collins (acteur, réalisateur et scénariste américain), François-Charles de Habsbourg-Lorraine (archiduc d’Autriche). Mais on peut mentionner encore Franz Kafka (écrivain tchèque) et Max Weber (journaliste, économiste et sociologue allemand). Au temps de la grippe espagnole, il y a des effets de peur et de panique ponctuels, notamment à Rio de Janeiro, comme aujourd’hui, avec la prise d’assaut des rayons féculents des enseignes alimentaires.

Globalement, dans l’ensemble des pays belligérants, la population était épuisée et résignée après quatre ans d’un conflit meurtrier, relativisant les effets du fléau, voire y voyant « la confirmation mystique d’une apocalypse ». Les théories du complot étaient déjà présentes, soit les « fake news » de l’époque. Certains affirmaient que la grippe H1N1 était due aux miasmes s’élevant des champs de bataille de la moitié nord-est de la France. Et aux Etats-Unis, que le virus était une arme bactériologique que les Allemands avaient déposés sur les plages américaines. Les conséquences économiques de la grippe espagnole sont incalculables, d’autant qu’elles se mêlent étroitement à celles de la guerre. Elle a probablement ralenti le progrès des sociétés touchées pendant plusieurs années, sinon des décennies.

Tel cela pourrait être le cas, aujourd’hui, selon certains économistes, dans certains pays en voie de développement atteints par le coronivarus. Surtout par les effets économiques du confinement, si l’épidémie était amenée à durer. L’épidémie de grippe espagnole (virus H1N1) a eu parfois des conséquences inattendues. Nous avons une mémoire très occidentale de cette grippe, mais c’est dans les pays du Tiers Monde qu’elle a le plus tué (18 millions de morts rien qu’en Inde, où elle a très certainement préparé les esprits à l’indépendance et de 4 à 9,5 millions de morts en Chine, selon les estimations). Elle a fait 2,3 millions de morts en Europe occidentale, entre 500 000 et 675 000 morts aux Etats-Unis. Elle disparaît finalement d’elle-même, après avoir fait le tour de la planète.

La grippe espagnole a eu également ce qu’on appelle un « effet moisson », selon certains scientifiques. Nos systèmes de santé actuels sont largement les produits de la pandémie de 1918 – 19. On s’est rendu compte de la nécessité de la mise en place d’une médecine socialisée, afin d’affronter les épidémies ne pouvant être traitées individuellement. Ce qui a stimulé les sciences embryonnaires (après les travaux antérieurs de Pasteur), telles la virologie et l’épidémiologie. Cette pandémie de coronivarus ou Covid-19 aura des répercussions en matière de gestion de la crise sanitaire et de recherche virologique. La grippe a espagnole a aussi contribué à la naissance des premières agences globales de santé (l’OMS) et des outils de surveillance. Aujourd’hui, cette pandémie nous interroge sur les financements de nos systèmes de santé confrontés à un relatif vieillissement de la population.

La discrimination envers les seniors est mauvaise pour leur santé ...

Dans une autre approche philosophique, ce qui est intéressant dans la solitude du confinement, c’est le destin collectif résultant d’une somme de destins individuels dans ce type de crise. En témoigne le rebond des ventes du roman La Peste d’Albert Camus, chef-d’oeuvre et premier grand succès littéraire de l’écrivain (prix Nobel 1957), couplé au soixantième anniversaire de sa mort. La ressemblance est prophétique, y étant décrit la ville d’Oran, en Algérie alors française, dans les années 1940, où s’abat une épidémie de peste dans l’insouciance du printemps. Y est témoigné dans ce roman, toute la pugnacité des médecins et du préfet pour tenter de juguler l’épidémie par les mesures appropriées. Mais surtout ce roman témoigne avec justesse des attitudes collectives face à une crise sanitaire : les collabos refusant la reconnaissance du mal, les résistants qui s’efforcent de s’organiser en vue de lutter, les profiteurs faisant du marché noir.

Le roman souligne l’aléatoire et le subjectif de la vie, s’avérant que nous sommes tous peu de choses (parfois), face à la maladie. C’est une méditation sur le mal, l’absurdité mais aussi la solidarité humaine, au travers cette lecture pas si anxiogène qu’il n’y paraît. C’est un portrait d’une société à qui on a ôté les libertés fondamentales. On y trouve différents personnages : Bernard Rieux, médecin oranais pragmatique et luttant contre la maladie, les autorités décidant le confinement de la population oranaise, Rambert, journaliste cherchant à fuir la ville, Tarrou tenant une chronique quotidienne sur l’évolution de la maladie, Paneloux, prêtre jésuite voyant dans la peste une malédiction divine. La Peste était aussi une allégorie du nazisme, dans le contexte de l’après-guerre.

Ce qu’il en ressort est que les hommes sont plutôt bons que mauvais, du moins selon Camus. « Chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne au monde n’en est indemne… ». Vu sous un autre point de vue, le confinement est une épreuve psychique à ne pas sous-estimer pour certains, susceptible d’engendrer : anxiété, dépression, frustration. Ce type de quarantaine ne se révèle pas être une expérience anodine, nécessitant parfois un soutien psychologique approprié. A ce titre, la médecine se fait le relais des crises d’angoisse et des insomnies ayant suivi la courbe de l’épidémie actuelle. S’y ajoute la peur pour l’entourage, le sentiment personnel de vulnérabilité face à la maladie dans une impermanence des choses, la crainte certes non réellement justifiée (mais réelle chez certains) d’une catastrophe sanitaire généralisée.

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Tout cela a saisi les Français, à mesure que les autorités publiques prenaient conscience de la relative gravité de la situation. Après avoir trop attendu et pris les choses à la légère aux débuts, semble-t-il. Cette épidémie pourrait être maîtrisée à l’heure actuelle, si certaines mesures avaient été prises dès le mois de février, permettant d’éviter cette solution extrême du confinement général, si lourde de conséquences pour le quotidien des Français. Et cela alors que le président Macron s’affichait en public, au théâtre avec son épouse, le 9 mars dernier, en plein développement de l’épidémie en France, une semaine seulement avant l’annonce de la fermeture des lieux publics et du confinement.

Ce-dernier est semble-t-il mal conseillé dans son entourage, alors que nous avons des scientifiques très compétents et sa communication de crise a été désastreuse, bien qu’il soit toujours facile de critiquer, surtout après coup, car personne ne pouvait prévoir, mais gouverner c’est aussi prévoir. Emmanuel Macron vient seulement de rencontrer, hier après-midi, le professeur Raoult, savant fou pour les uns, très bon spécialiste pour les autres, pour parler notamment de son traitement à la chloroquine (qui serait efficace dans 91 % des cas d’infection), son entourage l’en ayant même dissuadé jusqu’à présent, quoi qu’il en soit.

Selon l’OMS, ce confinement pèse sur la santé mentale des Français et ces mesures peuvent avoir des conséquences comportementales pour certains. Il constitue une expérience sans équivalent dans l’histoire et met notre moral à rude épreuve. L’OMS tente d’alerter sur les conséquences des mesures sur l’isolement physique. Elle affecte nos passions (ce que nous aimons faire), notre identité et notre comportement (ce que nous voulons être), notre relationnel (avec qui nous voulons être). Sans oublier les conséquences économiques (situation de faillite…), en lien souvent direct avec le psychisme actuel des Français, absolument désastreuses (notamment pour les PME et indépendants) et aux conséquences incalculables, alors que l’économie est ralentie de moitié en France. D’autant plus que personne n’en connaît encore la durée.

Cette situation laissera des traces, dans le pyschisme des Français, étant encore trop tôt pour donner une idée du stress associé à cette situation de confinement drastique. La peur de la contamination, l’impact psychologique lié à l’isolement, les risques suicidaires, les addictions, la solitude, le stress, l’anxiété, sont autant de conséquences… Par ailleurs, quoi qu’il en soit de la durée de ce confinement, dans l’hexagone, la mauvaise gestion de la crise par les pouvoirs publics constituera un précédent historique, en la matière. Cela ne restera pas sans conséquences pour le pouvoir macronien et aussi sur l’organisation de notre système de santé, en général.

                                                                                                           J. D.

2 octobre, 2015

« Ce soir ou jamais » de Frédéric Taddéï – « Face à l’afflux de réfugiés, que faire ? »

Classé dans : Diplomatie,Europe,Monde,Politique,sujets de societe — llanterne @ 21:15

L’émission « Ce soir ou jamais », présentée par Frédéric Taddeï sur France 2, réunissait dans son dernier numéro, plusieurs personnalités, dont le philosophe Edgar Morin, le député (Les Républicains) Henri Guaino, l’économiste Jacques Attali, la géopoliticienne Béatrice Giblin, le philosophe et mathématicien Olivier Rey, ainsi que la journaliste Eugénie Bastié, pour débattre de la crise des migrants. Comme toujours dans cette émission, la tonalité était souvent subsersive, mais les échanges s’avéraient être sans langue de bois, enrichissant et instructifs.

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5 août, 2015

La colère est dans le pré

Classé dans : Economie,Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 16:02

Le gouvernement a annoncé sous la pression un plan d’aide de 600 millions d’euros, en tout et pour tout et une revalorisation du prix du lait et du porc breton (revu finalement à la baisse), face à la colère des agriculteurs ayant bloqué le Mont Saint-Michel et menaçant prochainement de manifester à Paris. Mais en tout cas, ce plan est jugé insuffisant par les intéressés. Pourquoi notre filière agricole est-elle en crise ? Qui paiera ces mesures ? Dans une économie de marché, est-ce à l’Etat d’intervenir systématiquement ? Notre structure économique, avec ces charges, nous permet-elle d’être compétitif ? Autant de questions sont soulevées, autour de ce mouvement, la crise agricole actuelle étant le miroir de la crise hexagonale.

Cela fait des décennies qu’on nous parle de la « désertification » de nos campagnes, de la disparition de nos exploitations, de l’agonie de la plupart de nos filières agricoles. Ainsi, dans une approche sociologique, la question est de savoir si l’on peut vivre avec environ de 15 à 18 000 euros de revenus / an, quand l’on travaille de 12 à 15 heures / jour, sans souvent de congés. Sur le plan structurel, des questions peuvent se poser, notamment celle de la taille de nos entreprises agricoles, du caractère hyper-administré de l’agriculture en France, qui fait que nous ne sommes pas préparés à cette compétitivité mondiale effrénée. Depuis l’après-guerre, les gouvernements successifs ont géré les malheurs de nos paysans, grâce à un système présenté comme obsolète, dominé notamment par la FNSEA (fondée en 1946), à savoir un syndicat majoritaire tenant les Chambres d’agriculture, le Crédit agricole, les Safers, les coopératives, la protection sociale. Mais ce monopole favoriserait le népotisme, le président de la FNSEA locale réservant parfois à ses petites relations les prêts, les meilleures terres, les meilleures ventes, contrôlant tout, du foncier à la vente de la production, en passant par les crédits. Ce système serait l’un des premières causes de la catastrophe, ce qui mériterait bien-sûr de plus longs développements. Et puis, bien sûr, il y a tout le reste, « c’est-à-dire cette «  exception » française garottant, à coup de charges insupportables et de règlementations – le plus souvent – absurdes, tous ceux qui tentent d’entreprendre quoi que ce soit dans le pays, dans n’importe quel domaine », tel l’analysait récemment dans un article, le journaliste Thierry Desjardins.

En France, cette économie agricole est productive et cela alors que la population agricole diminue, avec moins de 600 000 agriculteurs contre un million en 1986, avec alors une production de 40 % inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui. L’agriculture américaine est devenue le premier client d’Enron, par exemple, c’est-à-dire que l’on utilise toutes les nouvelles technologies pour augmenter considérablement la production. En France, nous avons un secteur très productif qui souffre de deux problèmes, à savoir que des sous-secteurs sont très productifs, mais que d’autres sont très en retard. Quand le président de la République se rend à Vinexpo, il dit aux producteurs présents, « vous êtes une des sources de revenus les plus importantes », étant vrai que l’excédent agricole porté par le vin et les spiritueux français est parmi les plus importants de nos excédents commerciaux. C’est le 1er secteur exportateur en France devant l’aéronautique – mais le 2e solde commercial derrière ce-dernier -, porté par les céréales, le vin, et une autre agriculture qui est plus de proximité, autour du lait. Quand l’on regarde le revenu des agriculteurs, une partie passe par les prix et une partie par les subventions. Dans l’économie hexagonale, l’agriculture représente 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 50 milliards par les prix et 8 milliards par les subventions de la CEE. Donc il y a un arbitrage entre ce que l’on fera passer par les prix, ce que l’on fera passer par les subventions et dans le choix qui est fait, c’est quelle vision de l’agriculture l’on a. A cet effet, toute une partie de notre élite dirigeante cultive une vision assez négative de notre agriculture induite par un discours un petit peu mondain germanopratin de l’agriculteur pollueur. Et donc l’arbitrage entre les prix et les subventions est lié à la fois à la compétitivité, au commerce international et à cette ambiance étrange et délétère entretenue entre les Français et l’agriculture.

On peut se demander pourquoi plutôt que de bloquer les ponts et les routes, les agriculteurs ne s’en prennent pas aux industriels ou aux distributeurs qui leurs nuisent, voire aux sous-préfectures. Le blocage est un coup de gueule pour être entendu vraiment, mais ce n’est pas le seul type d’opération entreprise, certains agriculteurs étant en observation, par exemple, depuis des mois, afin de vérifier la provenance des produits carnés et laitiers dans la grande distribution. Le problème réside dans les coûts de production et la compétitivité vis-à-vis de nos pays voisins, à savoir l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, l’Espagne, donc nos partenaires européens. En Espagne, les coûts de production sont plus faibles. Car ce qui compte après, c’est la transformation du porc, l’Allemagne ayant fait le choix de faire appel à des intérimaires précaires, roumains, polonais ou autres, par exemple, dans les champs et les abattoirs, qu’ils conservent à bas coûts, quatre à cinq mois, puis faisant appel à d’autres. Sur le marché du porc breton, à 1,3 euros le kilo, les prix espagnols sont quelques centimes plus bas, les prix allemands à 4 centimes de différence, en intégrant tous les intermédiaires et le coût salarial de l’abatteur. Dans l’UE, on ne peut forcer le consommateur français à acheter français. Par contre, les industriels demandent une harmonisation des coûts de main-d’oeuvre dans les abattoirs. Les producteurs voisins ont des infrastructures plus importantes, les normes sanitaires sont plus sévères en France qu’en Allemagne. Pour construire une porcherie, avec le même caractère productif et polluant, en Allemagne, il faut demander une autorisation au-delà de 2000 porcs. En France il faut en demander une, qui est longue et coûteuse, au-delà de 450 porcs… 

Nous avons l’impression d’entendre au sujet de l’agriculture, les complaintes portées dans d’autres secteurs d’activités, en France, soit des charges plus élevées et des normes plus complexes qu’ailleurs. Cette filière agro-alimentaire française – les abattoirs, les laiteries, etc. – qui est immense, et reconnue dans le monde, avec un label qualité, est à défendre, à promouvoir. L’agriculture devient l’un des grands défis de demain, avec aujourd’hui 7 milliards d’habitants à nourrir. La PAC a été peu à peu détricotée, sans filet de sécurité et de mécanisme d’achat. Les quotas laitiers (instaurés en 1985) ont été supprimés, au printemps dernier. Sur le plan historique, nous avons eu une 1ère période où nous ne produisions pas assez de lait, dans l’immédiat après-guerre. On se souvient du lait Mendès France, distribué dans les écoles primaires. Puis la génération d’après se remémore qu’il y avait une production laitière devenue trop importante, donc la CEE l’achetait et le stockait sous des formes diverses et variées. Puis il y a eu cette régulation par les quotas laitiers. Et maintenant, nous sommes dans une situation où on a libéralisé le commerce du lait. Un paysan sur deux en Europe est polonais, roumain ou bulgare aujourd’hui, alors qu’en 1950, c’était le paysan français, d’où la redéfinition de la PAC, liée à l’évolution de notre agriculture et à l’entrée dans le marché commun des nouveaux pays entrants en 2004 et 2006. Et depuis dix ans, ce qui s’est immiscé dans ces marchés, c’est la volatilité pour des raisons x, y, z, car tous les pays veulent rentrer dans cette course à l’alimentation mondiale, sans régulation, au travers une activité très capitalistique (bâtiments, tracteurs, animaux, etc…), le niveau de rentabilité étant plutôt faible. Il faut investir beaucoup, ce qui fait qu’en cas d’à coûts des prix, si cela dure trois ans, l’agriculteur ne peut faire face.

Il faudrait permettre le regroupement d’exploitations entrepreneuriales, devant sortir de toutes les autorisations administratives pour s’installer ou augmenter et même pour racheter la ferme d’un voisin, en passant par la Safer (gérant le foncier), soit toute une demande très administrée. Aujourd’hui, un producteur laitier passé de 500 à 524 vaches doit payer des amendes excessives. Une ferme de 70 vaches laitières subit des normes qui seront les mêmes. L’espace, la climatisation sont meilleurs que dans des exploitations n’ayant pas les moyens de se développer et de s’équiper. Ces porcheries devraient être rassemblées, nécessitant une grande surveillance, en regroupant des exploitations, permettant de partager le travail, de mutualiser les investissements, etc. Mais il y a la place aussi pour des modèles plus artisanaux, comme dans le Cantal. Des mécanismes de régulation sont à réinventer, non plus dans les politiques publiques européennes, mais entre agriculteurs et acteurs économiques. En nouant des contrats tripartites entre producteur-transformateur-distributeur qui permettent de partager des coûts d’investissements, sur des volumes négociés, intégrant des coûts de production franco-français avec des normes. En aval, un certain nombre de points pourrait être défini avec la distribution, dans la promotion de la qualité et l’origine (avec la labellisation et le sticker « viande de nulle part », portant son effet sur le consommateur, comme l’analyse l’économiste Philippe Dessertines). Le consommateur est prêt à faire un choix, l’alimentaire touchant à quelque chose de très fort, du point de vue psychologique. 80 % de ce que vous mangez, a été produit en France (avec un label Unesco). Mais notre production doit s’adapter et notre structure économique ne nous permet pas d’être compétitif, dans une économie dérégulée. Lorsque l’on parle des intermédiaires, il y a enfin la guerre des enseignes et donc des prix. Les grands distributeurs font un profit (des marges de 15 % entre 2013 et 2014 sur la viande bovine). Les quatre principaux se sont regroupés récemment pour être plus efficaces, en mutualisant leurs centrales d’achat, et étant tout seul, Leclerc s’étant mis avec un Allemand. Quand dans le même temps les revenus des agriculteurs a diminué de 20 %. Si le pouvoir d’achat n’était pas si bas, sûrement les Français achèteraient plus facilement de la qualité.

Défendre les éleveurs, c’est aussi se souvenir que la France a très longtemps été une nation paysanne. La population rurale n’a cessé d’être majoritaire que dans les années 1950, alors qu’en Allemagne ce fut le cas au début du XXe siècle. A ce titre, 86 % des Français appellent à plus de solidarité avec les éleveurs. C’est défendre l’enracinement, le terroir, à savoir la classique posture barrésienne. Le secteur primaire est par essence celui des entreprises à taille humaine, et son développement et son épanouissement passent par la mise en oeuvre des principes de l’économie sociale. Comme le déclarait Jules Méline, ministre de l’Agriculture, lors d’une discussion à l’Assemblée nationale, le 10 mai 1890, et notamment du système de coopération en agriculture, au delà du seul système de crédit. Sur le plan historique, alors député des Vosges, Jules Méline se voit confier le portefeuille du ministère de l’Agriculture par Jules Ferry en 1883, se consacrant à sa tâche avec beaucoup de conscience. Car c’est alors la période difficile de la « crise agricole », marquée par la baisse des prix due à la concurrence des pays neufs. Si Méline fait établir des droits de douane sur les céréales, et plafonne les prix du grain, il aperçoit bien à l’origine les limites de cette solution et il désire améliorer parallèlement la rentabilité des exploitations. Il contribue activement dans ce sens à l’organisation du crédit agricole. Ayant évolué politiquement vers le centre droit, il est encore ministre de l’Agriculture en 1915, et vit jusqu’en 1925, profondément vénéré des ruraux. On lui a beaucoup reproché depuis lors l’orientation défensive qu’il a donné à la politique agricole française, et le terme de mélinisme a pris, non sans quelle injustice, une tonalité péjorative. Il est vrai, après ce n’est peut-être pas à l’Etat d’intervenir systématiquement, dans une économie de marché. Mais il faut rappeler qu’aux Etats-Unis, pourtant un pays libéral, l’Etat intervient systématiquement en faveur de l’agriculture, n’ayant toujours pas aboli le Buy American Act de 1933, et n’hésitant pas à imposer des normes sanitaires qui, de facto, bloquent les importations, comme pour les fromages au lait cru. Et sans l’intervention de l’Etat, l’agriculture japonaise n’existerait plus (la plus subventionnée au monde), car aucun pays ne veut abandonner sa souveraineté alimentaire.

Hollande, Valls et Le Foll (sans doute le ministre de l’Agriculture le plus médiocre, à part Edith Cresson, que nous ayons eu depuis le début de la Ve République, ayant même refusé de se déplacer pour rencontrer les agriculteurs, au début de la crise) annoncent ainsi dans la précipitation des plans d’urgence, quelques millions d’euros à la volée, des réunions de concertation, des commissions. Clémenceau disait « quand je veux enterrer un problème, je crée une commission ». Mais ce n’est évidemment pas avec quelques subventions supplémentaires et quelques facilités de paiement qu’on sauvera l’agriculture française – ou du moins les plus petits producteurs – face à la concurrence européenne et mondiale, et surtout face à elle-même. Le contribuable et le consommateur paieront à double titre, outre une légère hausse de prix, au travers la répercussion de l’aide d’Etat dans l’allongement de la dette. Mais ce ne sont pas des réformes structurelles, c’est là que le bas blesse. Les agriculteurs veulent simplement que le pouvoir tienne (au moins un peu) toutes les promesses qu’il leur a faites il n’y a pas si longtemps et pouvoir continuer à nourrir leurs concitoyens, comme cela a toujours été leur mission sacrée. C’est-à-dire, au moins, qu’il abaisse les fameuses charges les asphyxiant, qu’il règlemente la distribution et qu’il régule, dès que la concurrence européenne et / ou mondiale devient par trop déloyale.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         J. D.

19 mars, 2013

Bruxelles et les budgets nationaux

Classé dans : Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 20:20

Les dirigeants européens se sont réunis en sommet, mardi dernier, à Bruxelles. Ils devaient notamment entériner l’obligation qui va être faite désormais aux Etats, de soumettre leurs budgets nationaux à la Commission européenne, avant le vote des parlements. Mais que cela change-t-il ? Ne peut-on pas alors fermer la mêlée parlementaire du Palais Bourbon ? Les députés ne perdent-ils pas ainsi de leurs prérogatives initiales ? Les commissaires de Bruxelles, non élus, n’auront-ils pas déjà imposé leur diktat ? 

Les députés ne pourront plus que se soumettre ou se démettre. Le vote du budget, des impôts, des dépenses par les représentants du peuple, fut pourtant aux sources de la démocratie. C’est ainsi que les révolutions ont commencé en Angleterre et puis en France. Il y a vingt ans, Philippe Séguin avait prophétisé, lors du référendum sur Maastricht, en 1992 : « Ce sera la revanche sur 1789 ». L’élu d’Epinal - « la bête des Vosges », comme on le surnommait -, ne s’était pas trompé. L’autre grande arme économique des Etats, la monnaie, avait alors été confié à un cénacle de technocrates rassemblés dans une Banque Centrale Européenne, qui depuis lors, défend farouchement son indépendance. Avec les budgets sous contrôle de commissaires non élus, l’Europe ferme une parenthèse démocratique de plusieurs siècles. C’est ce que le philosophe allemand Habermas appelle « l’autocratie post-démocratique », en langage courant, la dictature des technocrates.

Chaque année, en votant la loi de finances, le Parlement donne à l’État l’autorisation de percevoir l’impôt. C’est un moment clé et l’un des temps forts de la démocratie représentative. En effet, dès qu’il est voté, l’impôt est obligatoire. Il est fondamental que l’ensemble des citoyens, par l’intermédiaire de leurs représentants, donnent leur consentement à l’impôt. C’est un acte solennel, un des temps forts de la vie parlementaire, qui se répète chaque automne et constitue un fondement de la démocratie. Le consentement à l’impôt est aux sources même du principe parlementaire. Historiquement, les premiers Parlements étaient convoqués par les souverains pour réunir les sommes nécessaires à l’État. C’était le cas en France avec la réunion des États Généraux. Reprenant l’héritage de l’Ancien Régime, la Révolution française a maintenu, développé et théorisé le rôle du Parlement dans la formation et le vote de l’impôt. Trois articles (13, 14 et 15) de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en font un principe fondamental.

En France, les politiques bougonnent, mais ils sont piégés. La gauche est depuis un siècle, internationaliste, européenne, fédéraliste. Mais cette Europe fédérale se construit pour mettre en place une politique d’austérité, qui l’horripile. La droite française, depuis le général de Gaulle, est censée défendre l’indépendance de la France. Mais elle approuve cette rigueur, qu’un des siens, Sarkozy, avait accepté sans broncher. Quand les peuples votent, ils rejettent violemment la politique imposée par Bruxelles. L’Italien Mario Monti l’a rudement appris à ses dépens. Mais Bruxelles est sourde, sûre d’être dans le vrai, sûre de « sa réussite », comme dit le Portugais Manuelo Barroso, un mot parfaitement choisi par le président de la Commission. Suivant l’analyse zemmourienne, sept pays de la zone euro sont en récession, neuf sont en stagnation. Un seul pays est florissant, l’Allemagne, se donne fièrement en exemple, et inspire la politique imposée par Bruxelles, qui n’est en réalité, qu’un relais de l’actuelle hégémonie germanique.

Mais le « cocktail » berlinois de monnaie forte, de libre-échange et de rigueur répond aux besoins de l’Allemagne : sa démographie faible et son industrie puissante à forte valeur ajoutée. L’inverse exact de la France. Mais les peuples ne s’y trompent pas. Angela Merkel est souvent visée dans les manifestations à Athènes ou Madrid. En Italie, ceux qui criaient le plus fort contre l’Euro et l’Allemagne, ont gagné. Ce que Jean-Claude Barreau avait dénoncé dans « Le coup d’Etat invisible », le voici. Ce coup d’Etat invisible, Mitterrand l’a voulu. Chirac et Juppé en avaient rêvé. Delors, Jospin et Strauss-Kahn l’ont fait. Supprimer le dernier privilège du peuple français : les effets du suffrage universel. Les fanatiques de l’Europe ont gagné et ce qui était chimère devient réalité. Pendant que Bruxelles donne des directives sur le sperme de cochon, et contrôle maintenant le budget des Etats, le chômage explose chez nous. La France ne maîtrise plus son destin. Mais il paraît que c’est le progrès. La secte des gnomes européistes qui tient désormais tous les partis a réussi à dissoudre la nation et à effacer 1789. 

A Bruxelles, comme à Paris, on dénonce le populisme, on craint le retour des nationalismes. Mais les tensions montent. Il y a cinquante ans, l’Europe a été fondé au nom de la paix et de la démocratie. La démocratie ne subsiste que comme un décor. Reste la paix, quoi que cela reste à débattre, les conflits armés étant nombreux aux portes de l’Europe. Grand mal de l’humanité, la guerre est loin d’avoir disparue, en ce début de XXIe siècle. Certes les pays membres de l’UE, la France et l’Allemagne, la plupart du temps vieillissants, ne se font plus la guerre entre eux depuis soixante-dix ans (et ne se la feront plus). Mais pas grâce à l’UE, mais surtout par la paix armée américaine, par la dissuasion nucléaire, parmi d’autres facteurs divers et variés, qui sont complexes ici à présenter et méritant de longs développements. Alors reste peut-être la paix sociale ? Pour combien de temps ? 

                                                                                                         J. D.

18 mars, 2013

De l’usage de la démocratie en Suisse

Classé dans : Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 19:57

Comme l’analysait le truculent Eric Zemmour, dans sa chronique matinale, qui me sert souvent de fil directeur, les patrons suisses « l’ont mauvaise », en ce moment. L’un des plus emblématiques, l’ancien patron du laboratoire pharmaceutique Novartis parlait même de s’exiler ! En effet, les Suisses ont décidé par référendum, de limiter les bonus et d’interdire les parachutes dorés. C’est une mesure très applaudie, côté français. Mais quelle est l’origine historico-parlementaire de cette procédure référendaire helvétique ?

Ainsi, la gauche française les cite en exemple, se proposant même de les imiter. Les petits Suisses sont loués par les grands médias français, pour avoir eu l’audace d’affronter les grands patrons. Les Suisses se souviennent, que les mêmes, il y a deux ans seulement, avaient déversé sur eux des tombereaux d’injures pour un autre référendum, une autre  « votation » comme ils disent, cette fois-ci sur les minarets en Suisse. Alors cette procédure était cruellement dénigrée, elle faisait le lit du populisme. Les Suisses les plus francophiles auront du mal à comprendre une telle inconstance hexagonale. Ce sont pourtant les mêmes électeurs et la même démocratie directe séculaire, qui sont ainsi glorifiés après avoir été traînés dans la boue. Le pays du secret bancaire, des montres de luxe, de Davos et des référendums interdisant les minarets est aussi celui qui implique le plus ses citoyens dans le processus de décision, loin de toute polarisation politique. La Suisse est une démocratie historique.

C’est ainsi qu’on dit tout d’un trait : la démocratie suisse, la démocratie française, la démocratie américaine, sans réfléchir qu’entre la première et la deuxième, entre la deuxième et la troisième, il y a plus que la hauteur des Alpes ou la largeur de l’Océan. La démocratie suisse, par exemple, est historique et traditionnelle ; la démocratie américaine s’est établie d’un coup dans un pays neuf ; la démocratie française, au contraire, est comme une jeune greffe plantée sur un vieil arbre monarchique. La démocratie helvétique s’est, dès l’origine, appliquée et n’a pas cessé de s’appliquer  à une confédération d’Etats ; la démocratie française, au contraire, vient se superposer, sur le tard, à un État unitaire et centralisé. La démocratie helvétique existe depuis toujours, depuis que la Suisse est née sur le plan politique, il y a six cents ans, lors du pacte fédéral de 1291, soit l’alliance des cantons suisses à l’époque dans une lutte contre l’influence des Habsbourg. La Suisse est une démocratie de par toute son histoire. Elle est, de naissance, une démocratie. Mais avant tout, une particularité de la démocratie suisse est que le peuple garde en permanence un contrôle sur ses élus, car la Suisse est une démocratie qui peut être qualifiée de semi-directe, dans le sens où elle a des éléments d’une démocratie représentative et d’une démocratie directe.

En effet, en Suisse, le corps électoral dispose de deux instruments qui lui permettent d’agir sur un acte décidé par l’État : il s’agit du référendum, qui peut être facultatif ou obligatoire, et de l’initiative populaire qui est le droit d’une fraction du corps électoral de déclencher une procédure permettant l’adoption, la révision, ou l’abrogation d’une disposition constitutionnelle. Cette fois-ci, en plafonnant les salaires des grands patrons, les Suisses veulent lutter contre cet accroissement inouï des inégalités, qui sape depuis vingt ans la cohésion de toutes les sociétés occidentales, et pousse les classes moyennes à s’endetter, pour suivre, pour ne pas déchoir, habitées par la suprême hantise du déclassement social. Les Suisses essayent de préserver, vaille que vaille, une cohésion, une sociabilité, un mode de vie, une culture, un héritage. C’est le même idéal de mesures des classes moyennes, qui les animent, et s’incarnait naguère dans la notion de République, en Suisse, mais aussi en France.

Mais la gauche française a des œillères, condamnant l’insécurité sociale de ces classes moyennes et populaires - par le discours et non dans les actes -, mais refusant de considérer les autres formes d’insécurités qui hantent les mêmes. Il est vrai, que souvent la droite française a les mêmes œillères, mais mises à l’envers. A tous, les Suisses montrent que l’on peut être petit, seul, mais courageux et cohérent.

                                                                                                                                                                                                      J. D.

30 janvier, 2013

Ce référendum anglais

Classé dans : Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 19:51

 Accusé de faire chanter l’Europe, David Cameron passe un mauvais quart d’heure, de Bruxelles à Berlin, en passant par Paris et même Washington et Pékin. Les élites européennes et britanniques désapprouvent aussi, son prédécesseur, Tony Blair, le condamnant également, ainsi et surtout que les marchés, les bourses, les banquiers et les milieux d’affaires aussi. Le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté a exigé un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Est-ce du populisme, de sa part ? Quelles sont les réelles motivations de ce référendum ? Quel pourrait en être le résultat ? Quelles en seront les conséquences ?

On dira que, malgré le tunnel sous la Manche, la Grande-Bretagne est encore une île, qu’elle regarde toujours davantage vers les Etats-Unis que vers le vieux continent, qu’elle est entrée à reculons dans l’Union et qu’elle n’a jamais voulu adopter l’euro. Mais cela dit, les Anglais ont de la chance. Cela fait bien longtemps qu’on ne nous a plus demandé, à nous autres, ce que nous pensions de cette Europe qu’on nous avait présentée jadis comme une aimable confédération d’Etats-Nations. Il parait que Cameron pousserait l’incongruité, jusqu’à se soumettre à la volonté du peuple britannique. Pourtant, Sarkozy lui avait donné le bon exemple, le ton. A l’issue du référendum de 2005 sur l’Europe et du non français (de Gaulle avait démissionné pour si peu en 1969, mais pas Chirac), il a fait revoté en catimini, cette fois-ci par le parlement, jusqu’à ce qu’un oui s’en suive. Sarkozy n’avait ainsi pas voulu tenir compte de ce non et il ne l’emportera pas au paradis. Mais ils savent mieux que nous ce que nous souhaitons.

Les motivations de Cameron sont complexes, mais surtout propres aux tensions internes au parti conservateur. Pour tenter de réasseoir sa légitimité menacée au sein de son propre camps, sachant que la question est en phase avec une frange du parti conservateur ainsi que d’une partie de l’opinion publique britannique, il a décidé ce tour de passe-passe. Personne ne peut prédire le résultat. Mais Cameron doit sûrement parier, en définitive, sur un vote en faveur d’un maintien au sein de l’UE, qui reste son souhait, espérant en ressortir renforcé à l’issue, au sein de son camps. Certes, vous diront qu’après tout, le Royaume-Uni a toujours eu un pied dedans et un pied dehors, ayant toujours négocié des conditions particulières, à commencer par la PAC, ainsi que pour la monnaie unique. Les Anglais ont refusé d’adopter l’euro. Ils ont finalement été pas si mal inspirés. Présentée comme favorable à la croissance, l’adoption de la monnaie unique aura eu des effets pervers d’ordre macro-économique, bien qu’au départ c’était un beau projet sur le papier.

Depuis vingt ans, la zone euro est la région du monde où la croissance est la plus faible. Les Anglais veulent continuer à bénéficier de leur propre planche à billets. Ils ont aussi refusé Schengen, qui nous permet de recevoir des centaines de milliers d’immigrés clandestins, dont personne ne veut. Ils refusent aussi de se soumettre à l’impérium de la grande puissance économique européenne, l’Allemagne. Les Anglais nous comprennent mal, nous qui cédons au lyrisme illusoire du couple franco-allemand. « Un couple, disait Oscar Wilde, c’est quand deux personnes ne font qu’un ». Mais lequel ?, dixit Zemmour. Ils ne supportent pas non plus, après la suppression des frontières, la monnaie, de voir leurs lois non plus faites aux Communes à Londres, mais à la commission à Bruxelles, par des technocrates. C’est cela, la démocratie parlementaire. Ils refusent aussi de se voir admonester des remontrances sur les droits de l’homme par des juges étrangers à La Haye, étant rappelons-le pays de l’Habeas Corpus.

Depuis cette annonce, on menace aux entreprises britanniques de leur fermer le marché européen. Mais le marché européen est le plus ouvert au monde, aux Américains, aux Chinois, aux Japonais. Et l’industrie britannique déliquescente est en train de se refaire une santé, grâce à une monnaie faible et des lois sociales encore plus faibles. Quoiqu’il en soit, c’est un populisme britannique, certes agité par des calculs politiques, mais au demeurant, qui sait reconnaitre son intérêt propre… 

                                                                                                                                                                                                      J. D.

15 avril, 2012

L’Espagne et l’austérité

Classé dans : Economie,Europe — llanterne @ 16:51

Ces derniers jours, nous avons beaucoup parler de la situation en Espagne, évidemment, au lendemain de cette grève générale, qui a paralysé une partie du pays et même dégénéré à Madrid, comme à Barcelone. Mariano Rarol, le président du gouvernement de droite, va présenter un projet de budget d’austérité, qu’il qualifie lui-même de très sévère. Ainsi après le feuilleton grec, qui n’est pas terminé, voici maintenant venu le tour de l’Espagne. Endettement induisant la rigueur, l’austérité, puis mécontentement, et enfin grève générale. Le scénario est toujours le même. Mais qu’en est-il, alors que les Espagnols appellent à la grève générale ?

Ces manifestations dans la rue, ce conflit social ne perturbent pas tant le nouveau premier ministre. Car ils le posent en grand réformateur libéral. Il imite un peu Sarkozy, lors de la réforme des retraites. Tous jouent à Margareth Thatcher, pour séduire les marchés et leur prouver leur détermination sans faille. Dans une approche schématique, tous les gouvernements européens en sont là. Car la politique ne se fait pas au taux d’intérêt. Mais elle se fait au spred, qui détermine le taux d’intérêt, auxquels ils empruntent sur les marchés internationaux. Or, le spred de l’Espagne est au plus mal, il est plus haut désormais que celui de l’Italie. Les Espagnols ont en effet reconnu, qu’ils ne respecteraient pas leur objectifs de réduction des déficits budgétaires. Leur organisation fédéraliste avec leurs régions si puissantes, qui faisait l’admiration de tous les modernes, se retournent contre eux. Les régions sont surendettées, certaines au bord de la faillite, en plus de l’Etat central.

La moitié de la jeunesse espagnole est au chômage, l’autre est payée une misère. Certains ingénieurs, jeunes diplômés se retrouvent serveurs. Les Espagnols retrouvent le chemin de l’immigration vers l’Allemagne, le Canada, l’Australie, comme leurs grands-parents étaient venus en France, pour trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences, mais aussi dans des secteurs comme le bâtiment, au travers une régression historique inouïe. Le tableau est sombre, et on a le sentiment quand même d’une douche froide, avec ce nouveau plan de rigueur, en Espagne. Parce qu’on pensait tout de même que l’Europe avait évité le pire et mangé son pain noir. On croyait la crise de l’euro partiellement passée, pour l’instant. En France, la campagne présidentielle n’en parlait plus. La Banque Centrale Européenne avait éteint l’incendie, en inondant les banques de mille milliards d’euros confiés au taux ridicule de 1 %. Celles-ci, ravies, ont prêté à leur tour cet argent aux Etats européens, à un taux beaucoup plus élevé. Les banques continuent à s’engraisser et les Etats ont financé leurs précieuses dettes. Tout le monde est satisfait. Mais la crise de l’euro n’est pas seulement un manque de liquidité. Elle est aussi et d’abord une crise de solvabilité. L’économie espagnole n’est pas compétitive. Son modèle de croissance reposait essentiellement sur une bulle immobilière artificielle qui a éclaté. Pour retrouver un certain dynamisme économique, elle devrait dévaluer sa monnaie, de 20, 30 %, peut-être. Mais l’euro ne lui appartient pas. Sa Banque Centrale à Madrid ne sert à rien, la politique monétaire est dictée par la BCE à Francfort. Elle ne peut pas prêter à l’Etat espagnol, et elle ne peut pas financer les investissements pour relancer la croissance.

L’euro est tiré vers le haut, par la super-compétitivité des pays du nord, Allemagne en particulier. C’est le drame de la monnaie européenne, que d’avoir été distribué à des économies structurellement divergentes. Ainsi, pour retrouver sa compétitivité, l’Espagne n’a plus le choix. Puisqu’elle ne peut pas dévaluer sa monnaie, il lui faut baisser les salaires du public, comme du privé, d’au moins de 20 %,  directement, brutalement, sauvagement. Alors après la Grèce, maintenant l’Espagne et demain, à qui le tour ?, pour paraphraser le truculent Zemmour.

                                                                                                                               J. D.

1 janvier, 2012

L’humour anglais

Classé dans : Europe — llanterne @ 11:32

Dans l’actualité de la zone euro, le premier ministre britannique, conservateur, David Cameron, a défendu devant les députés des communes, son véto contre un nouveau traité européen. D’ailleurs, il est le seul dirigeant concerné à s’être opposé, vendredi 8 décembre, à ce nouveau compromis destiné à sauver l’euro. David Cameron a ainsi ajouté qu’il était allé à Bruxelles, avec un seul objectif, « protéger l’intérêt national britannique ». Mais comment s’explique ce véto anglais ? Quel est le contenu de ce nouveau traité européen ? 

Bien-sûr, ce n’est pas la première, ni la dernière fois, que la perfide Albion se démarque, au sein des instances européennes. Officiellement, le Royaume-Uni n’est pas sorti de l’UE, où il est entré en 1973, David Cameron peut légitimement le proclamer. La City est le prétexte officiel de la rupture. Les Etats européens voulaient enfin réguler  une finance dont les débordements exubérants, les auront mis à la torture. Mais seulement, les Anglais ne peuvent pas se permettre de voir partir pour Singapour ou ailleurs, une activité économique qui représente 13 % de la richesse nationale et 300 000 emplois. Mais la City, c’est davantage que des chiffres.

La City, c’est un symbole, un esprit et une vieille histoire, comme l’analysait Eric Zemmour. C’est la City qui finança les guerres contre Louis XIV et Napoléon Ier. La City est aujourd’hui la véritable mère patrie de tous les paradis fiscaux de la planète. Depuis le « Big Bang » de 1986, les activités financières de la City n’ont cessé de gagner du terrain, en particulier face à sa grande concurrente, la Big Apple et Wall Street, par une position géographique privilégiée. Aujourd’hui, la City reste la première place financière du monde (gérant 1/5 des fameux « hedge funds », et près de 80 % des fonds européens), en ce qui concerne les devises et son avance ne cesse de progresser. C’est la City aussi, qui incarne ce goût du grand large, cette idéologie libérale et mondialisée, qu’elle aura fini par insuffler aux institutions européennes.

Dans son célèbre « C’était de Gaulle », Alain Peyrefitte rapporte ainsi, sur cette même tonalité, cette confidence lumineuse du général : « En raison de sa géographie, l’Angleterre n’a jamais admis, ni de voir le continent s’unir, ni de se confondre avec lui ». On peut même dire que depuis huit siècles, toute l’histoire de l’Europe est là, ainsi résumée. Certes, la Grande-Bretagne reste quand même, un membre à part entière de l’Union européenne. Lorsque le général de Gaulle leur refusait obstinément l’entrée du marché commun, c’était, avant tout, au nom de la défense de la politique agricole commune, et de ce tarif extérieur commun qui faisait passer alors l’Europe des six pour une forteresse protectionniste (presque un nouveau blocus continental). Depuis la PAC a été désactivée et la forteresse Europe est le continent le plus ouvert aux produits étrangers.

Depuis leur entrée en 1973, avec l’accord de Pompidou, ils ont obtenu de manière insidueuse le remplace de la langue de Molière -langue traditionnelle de la diplomatie-, par la langue de Shakespeare en tant langue des travaux communautaires, et que le droit anglo-saxon concurrence le droit civil napoléonien. Les Anglais n’ont jamais cru aux chimères des Etats-Unis d’Europe, peut-être parce qu’ils étaient trop liés aux Etats-Unis d’Amérique. Ils n’ont jamais signé ces accords de Schengen, dont Sarkozy ne sait plus comment se débarrasser. N’ayant adopté l’euro, ils ont pu dévaluer la livre sterling de 30 % et empruntent sur les marchés, à des taux inférieurs à ceux de l’Allemagne. Ils contestent désormais l’impérium juridique de la Cour européenne des droits de l’homme, corsetant notre politique judiciaire, fiscale et intérieure.

L’Europe n’est pour eux qu’un grand marché, où cette nation avant tout commerçante, comme le disait Napoléon, se sent comme un poisson dans l’eau. Quand Georges Pompidou les laissa entrer dans le marché commun, levant son véto, c’était pour faire contrepoids à une Allemagne de l’ouest, dont il craignait déjà la puissance. Quarante ans plus tard, les Anglais nous laissent à notre tête déséquilibrée, avec les héritiers de Bismarck, à savoir cette Allemagne puissante et réunifiée. Comme le concluait ironiquement le journaliste Eric Zemmour, sur sa récente chronique sur RTL consacrée au sujet, c’est probablement là, « ce que l’on doit appeler l’humour anglais ».

                                                                                                                                                                                          J. D.

31 décembre, 2011

L’éternelle fracture

Classé dans : Europe,Politique,sujets de societe — llanterne @ 11:20

 L'éternelle fracture  dans Europe latern

L’Europe est de nouveau au cœur du débat politique, ce dont on a eu la confirmation, avec le récent discours -début décembre-, de Nicolas Sarkozy, et on peut même dire, que l’on retrouve au-delà du clivage habituel gauche / droite, cette fracture de Maastricht, vieille de dix-neuf ans. « Plus rien ne sera comme avant ». On se souvient, Charles Pasqua le proclamait goulument, le soir du référendum sur Maastricht, en 1992. Mais ni Philippe Séguin, ni Philippe de Villiers, ni Charles Pasqua, ni Jean-Pierre Chevènement, les champions du non d’alors, n’ont jamais réussi à rassembler les républicains des deux rives, « pour faire turbuler le système », pour reprendre deux expressions chères à ce dernier. Jean-Marie Le Pen lui n’a jamais essayé.

Ostracisé par tous les autres, Le Pen avait le magot, le peuple. C’est lui qui posait la question, qui intéressait l’électorat populaire, depuis les années 1980, l’immigration, l’insécurité, questions devant lesquelles les autres tournaient pudiquement la tête. Bien que certaines de ses questions n’étaient traitées que dans quelques lignes dans le programme de 1974 du FN. Elles furent progressivement développées, au fil du temps, à partir du regroupement familial en 1977, par pragmatisme. A savoir, une équation insoluble qui a fait la fortune successive de Chirac et de Sarkozy, qui ont l’habileté de faire campagne sur des thèmes souverainistes : fracture sociale et sécurité pour le premier, identité nationale pour le second, s’accompagnant de la prudence de gouverner, en se soumettant aux canons européens… C’est parce que la gauche n’a jamais eu ce culot, empêtrée qu’elle est dans ses utopies internationalistes, et par sa répulsion contre-productive pour tout ce qui est national, qu’elle a perdu le peuple et trois présidentielles successives. Les départs successifs des souverainistes de gauche, de Chevènement à Mélenchon, n’ont jamais réussi à détruire la vieille maison socialiste, qui est redevenu ce qu’elle était, quand elle s’appelait la S.F.I.O., à savoir un parti d’élus locaux servi par leur clientélisme et leur savoir-faire de notables. Vous connaissez la célèbre formule du cardinal de Retz, ressortie par Mitterrand : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ». En 2007, Nicolas Sarkozy, en réduisant le grand écart entre Henri Guaino et Alain Minc, avait réconcilié les artisans du oui et du non au référendum sur l’Europe de 2005.

De même, en 2009, la fille de Jacques Delors s’abouchait avec la gauche du non, pour arracher l’appareil du PS à Ségolène Royal. Et voilà que la crise de l’euro, la rigueur imposée par les agences de notation et Berlin, détruisent ce savant travail tactique et projette une lumière crue, sur cette cruelle réalité. Le clivage entre la droite et la gauche n’existe plus. Sarkozy défend la rigueur et Hollande veut donner du sens à la rigueur. Mais si Marine Le Pen a remplacé son père, personne n’a remplacé Séguin et Pasqua, du côté des gaullistes. En dépit des valeureux efforts de Dupont-Aignan, qui y va vraisemblablement, avant tout de sa stratégie personnelle. L’UMP, à part la frange de la droite populaire qui conserve le silence le plus absolu, s’est ralliée à l’intégration européenne sous la férule allemande. Alain Juppé proclame ainsi sa flamme aux Etats-Unis d’Europe, qui l’aurait fait traiter de « cabri » par le général de Gaulle, et de « parti de l’étranger » par Chirac en 1978, depuis l’hôpital Cochin, lors de son fameux appel (avant de retourner sa veste à plusieurs reprises, car avant tout opportuniste et sans conviction). A gauche, Montebourg et Mélenchon ont donc remplacé Chevènement, mais ils n’osent pas plus que lui, aborder l’autre question majeure de la mondialisation, à savoir l’immigration, et la maîtrise des flux migratoires.

Le même clivage fondamental est ainsi persistant, depuis Maastricht. La France du haut est plutôt pour l’Europe, la France du bas (ouvriers, employés), est plus que jamais contre. Mais elle est également, plus que jamais majoritaire en voix. Mais aucun de ses porte-voix n’ait parvenu à renverser la table, jusqu’à présent. Ainsi, comme dans cette citation d’Il Gattopardo (Le Guépard), du romancier italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa, en vingt ans, « tout a changé, pour que rien ne change »

                                                                                                                                                                      J. D.

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