La Lanterne (politique, sujets de société)

2 janvier, 2018

« Au revoir là-haut » d’Albert Dupontel

Classé dans : theatre et 7e art — llanterne @ 3:27


« Au revoir là-haut », c’est le dernier film d’Albert Dupontel (coécriture et réalisation), adaptation cinématographique du roman éponyme de Pierre Lemaitre (prix Goncourt 2013). L’ex-humoriste se frotte ainsi à la réalisation pour la 7e fois dans sa carrière. C’est  en 1992, qu’Albert Dupontel s’initie à la mise en scène avec Désiré, son premier court métrage, puis dans la réalisation avec son premier film Bernie (1996), qui obtient un grand succès. Toujours adepte en tant que réalisateur des scénarios sinistres et de l’humour noir, il se démarque, ici, au travers cette adaptation littéraire, à la trame historique bien que romancée.  

En novembre 1920, Albert Maillard (modeste comptable), est interrogé par un officier de la Gendarmerie française, au Maroc. A travers son témoignage, il raconte la fin de sa participation à la Première Guerre mondiale, sa rencontre avec Edouard Péricourt (le 9 novembre 1918), fils de bonne famille parisienne (dessinateur fantasque, homosexuel et rejeté par son père). Edouard Péricourt est défiguré par un éclat d’obus en secourant Albert Maillard, alors enseveli sous terre par une explosion. Edouard est une gueule cassée, alors qu’Albert, traumatisé, devient paranoïaque. Démobilisés, Albert et Edouard, amers, vivent difficilement à Paris. Ensemble, faisant face à l’incapacité de la société française de leur ménager une place, ces deux laissés-pour-compte montent ainsi une opération d’escroquerie aux monuments aux morts, prenant appui sur l’une des valeurs les plus en vogue de l’après-guerre, à savoir le patriotisme. Ainsi, ils vendent aux municipalités des monuments fictifs, encaissant l’argent avant de disparaître (la livraison du monument aux morts n’étant jamais effectuée, le monument n’ayant même jamais été réalisé, l’approche commerciale s’opérant sur la simple présentation d’un catalogue, faisant ainsi appel aux talents de dessinateur d’Edouard). 

L’histoire suit également Henri d’Aulnay-Pradelle, leur ancien lieutenant va-t-en guerre, aristocrate arriviste, devenu lui aussi escroc et qui est parvenu à intégrer la famille Péricourt, dont le patriarche (le père d’Edouard) règne sur la classe politique parisienne. Ce-dernier profite des nombreux morts inhumés dans des tombes de fortune sur le champ de bataille pour signer un contrat avec l’Etat prévoyant de les inhumer dans des cimetières militaires, vendant « aux collectivités des cercueils remplis de terre et de cailloux… ». Dès lors, Edouard (devenu son beau-frère, Henri ayant épousé sa soeur) et Albert n’auront de cesse de tenter de le faire chuter, en le confondant, ayant eu vent des escroqueries auxquelles il s’associe. Pierre Lemaitre a emprunté le titre de son roman (ici adapté sur le grand écran), à la dernière lettre adressé à sa femme par le soldat Jean Blanchard injustement fusillé en 1914 et dans laquelle il écrit « Au revoir là-haut ma chère épouse ».

Sur le plan de la réalité historique, si l’arnaque au monument aux morts est inventée par l’auteur, celle du trafic des cercueils est réelle. A l’issue de 1914-18, la majorité des familles endeuillées souhaite exhumer le corps de leur parent mort au feu (toujours enterré suivant la loi, dans un carré militaire voisin du lieu où il est tombé au champ d’honneur), afin de l’inhumer dans le cimetière communal, mais le gouvernement interdisant cette pratique par souci d’hygiène, d’économie et pour ne pas mettre en danger l’intégrité et l’identité des cadavres. Bravant cette interdiction, ces familles entreprennent par elles-mêmes ou en faisant appel à des « mercantis de la mort » (entrepreneurs locaux ou « maisons » de pompes funèbres parisiennes, voire des escrocs), de violer les sépultures militaires et ramener clandestinement les corps. Le développement de cette pratique illicite dans les années 1919 et 1920 incite le ministère de l’Intérieur à prendre des décisions, oscillant entre prévention et répression, jusqu’à la loi du 31 juillet 1920 prévoyant que la totalité des frais de transfert autorisé des corps de soldats morts soient désormais à la charge de l’Etat. 

L’adaptation réalisée par Albert Dupontel (réalisateur et comédien dans le rôle d’Albert) de ce roman picaresque (et non un roman historique) s’avère relativement talentueuse sur le plan de la réalisation et de la mise en scène. Il est à souligner l’interprétation valable d’Albert Dupontel, mais également la prestation d’acteur de Néhuel Pérez Biscayart dans le rôle d’Edouard Péricourt. Il s’avère talentueux en « gueule cassée » masquant son infirmité derrière ses superbes masques chatoyant et colorés, dignes du carnaval de Venise (dessinés et confectionnés par ses soins), tentant de se faire comprendre en joignant la parole aux gestes, ayant perdu partiellement l’usage de la parole. Mais il est aussi à souligner celle de Laurent Lafitte particulièrement crédible dans le rôle d’Henri d’Aulnay-Pradelle, ainsi que celle de Niels Arestrup, dans le rôle du père d’Edouard Péricourt, en dépit d’une chute en queue de poisson, souvent inhérente au cinéma (français) contemporain.

                                                                                                                          J. D.

 

19 avril, 2013

« La Religieuse » de Guillaume Nicloux

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 0:01

« La Religieuse », c’est le dernier film de Guillaume Nicloux, adaptation cinématographique du célèbre roman-mémoires achevé vers 1780 par Denis Diderot, et publié à titre posthume, en 1796.

Au XVIIIe siècle, une jeune fille nommée Suzanne Simonin est contrainte par ses parents de prononcer ses voeux au terme de son noviciat. En effet, pour de prétendues raisons financières, ceux-ci ont préféré enfermer leur fille au couvent. C’est en réalité parce qu’elle est une enfant illégitime et que sa mère espère ainsi expier sa faute de jeunesse. C’est dans la communauté des clarisses de Longchamp qu’elle rencontre la supérieure de Moni. Celle-ci, une mystique, se lie d’amitié avec la jeune fille avant de mourir. La période de bonheur et de plénitude s’achève pour l’héroïne avec l’arrivée d’une nouvelle supérieur : Sainte-Christine. Au courant que Suzanne désire rompre ses voeux et que pour se faire, elle a intenté un procès à la communauté, la supérieure opère un véritable harcèlement moral et physique sur Suzanne. L’infortunée subit de l’ensemble de la communauté, à l’instigation de la supérieure, une multitude d’humiliations physiques et morales.

En perdant son procès, Suzanne est condamnée à rester au couvent. Cependant son avocat, Maître Manouri, touché par sa détresse, obtient son transfert au couvent Saint-Eutrope. Au terme de son calvaire, Suzanne pardonne à ses bourreaux tout en continuant à poursuivre ses réflexions éminemment subversives sur le bien-fondé des cloîtres et de l’univers conventuel. Son arrivée dans la communauté de Saint-Eutrope marque le début de l’épisode le plus fameux de « La Religieuse ». Cette période est caractérisée par l’entreprise de séduction de la supérieure à son égard. Celle-ci sombre dans la folie devant l’indifférence et l’innocence de la chaste Suzanne. Consciente de la dangerosité de ses désirs pervers qu’elle ne peut refouler, elle se livre aux macérations et au jeûne avant de mourir démente. Incapable de rester plus longtemps cloîtrée, Suzanne réussit à s’enfuir du couvent. Dans une conclusion à peine esquissée, l’auteur nous fait comprendre que Suzanne dans la clandestinité attend l’aide du marquis de Croismare et vit dans la peur d’être reprise.

Diderot fait ainsi le procès des institutions religieuses coercitives  - dans le contexte de l’époque -, contraires à la véritable religion, le monde clos entraînant ainsi la dégradation de la nature humaine. Oisiveté, inutilité sociale, promiscuité plongent peu à peu les reclus dans les rêveries morbides ou mystiques, puis dans la folie et les mènent parfois au suicide. Oeuvre anticléricale par excellence, « La Religieuse » se veut telle une ode à la liberté de choisir son destin. L’aliénation religieuse créée par l’univers conventuel y est dénoncée de manière polémique. Diderot prête sa voix et ses idées sur le couvent à Suzanne, qui, contrairement à l’auteur, est une croyante convaincue. Ce sujet aura ainsi inspiré deux cinéastes, Jacques Rivette, en 1966, et aujourd’hui Guillaume Nicloux, au travers de deux films passionnants. Lorsqu’au milieu des années 60, Jacques Rivette réalise son deuxième long métrage, « Suzanne Simonin, la religieuse » de Diderot, c’est le scandale lors de sa sortie, si bien que la programmation officielle en fut repoussée jusqu’en 1967. De son côté, Jacques Rivette a toujours affirmé qu’il n’était pas tant intéressé par la provocation en soi que par un questionnement légitime sur l’enfermement volontaire lié au couvent. En cela, le film de Jacques Rivette rejoint celui de Guillaume Nicloux, dont c’est tout le propos, qui a voulu faire de son adaptation du texte de Diderot une oeuvre moins anticléricale qu’une « ode à la liberté ». La structure des deux films reste relativement fidèle au récit de Diderot. L’injustice de cet enfermement involontaire est vécue différemment chez les deux héroïnes, des deux adaptations.

Chez Rivette, le personnage de Suzanne Simonin (incarnée par Anna Karina) semble, comme chez Diderot, moins farouchement rebelle que chez Nicloux. Pauline Etienne, elle, semble tenir tête plus ouvertement à l’institution. Ainsi, son regard, aussi doux soit-il, trahit-il en permanence cette détermination. Sur le plan des mises en scène respectives, celle de Jacques Rivette trahit son sens de la théâtralité, installant son récit dans une atmosphère anxiogène, alimentée par des éclairages tranchés et une maîtrise du son. Chez Nicloux, c’est au contraire une nature très graphique qu’exalte le réalisateur. Les deux réalisateurs ont en commun d’utiliser de nombreux éléments rappelant la symbolique de l’enfermement, des grilles et autres garde-fous de fonte, recadrant l’image en permanence. Mais les deux films se dégagent d’emblée du péril du film classique en costumes. L’adaptation de Rivette apparaît à l’époque, même comme une oeuvre manifeste dans la lignée de la Nouvelle Vague. « Ce film n’attaque pas les religieuses, expliquera le réalisateur, il n’attaque même pas la religion. Il attaque une certaine société qui est celle du XVIIIe siècle, il s’attaque à un certain état de fait qui est, en principe, aujourd’hui totalement dépassé ». Guillaume Nicloux s’inscrit également dans l’universalité du propos de Diderot. Malgré une fin différente de celle de Rivette, où Suzanne finit par mettre fin à ses jours, il s’agit, ici, avant tout de la lutte d’une jeune femme face à l’autorité, une influence familiale et d’un milieu social, le refus de se résigner.

                                                                                                                                      J. D.


18 avril, 2013

« Gigi » de Colette

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 16:50

Colette, Gigi, Théâtre Daunou, 25 janvier – 30 juin 2013

« Gigi », c’est la dernière pièce à l’affiche au Théâtre Daunou, depuis le 25 janvier. Tirée d’une nouvelle écrite par Colette en 1944, année où elle fut admise à l’Académie Goncourt - seule femme au milieu des jurés hommes -, elle inspira divers cinéastes, connaîtra une adaptation en pièce en 1952 (avec Audrey Hepburn dans le rôle principal) et une autre en comédie musicale (livret d’Alan Jay Lerner et Frederick Loewe). En 2006, Caroline Huppert a adapté la nouvelle pour la télévision, « Mademoiselle Gigi ».

Gilberte (dite Gigi) est une jeune parisienne de quinze ans dont la mère, Andrée, célibataire et chanteuse à l’Opéra-Comique, a négligé l’éducation. C’est sa grand-mère, Inès, ancienne mondaine et la soeur de celle-ci, tante Alicia, qui l’ont prise en main. Bien que destinée à conquérir les coeurs, Gigi est aussi simple et franche qu’une enfant. Elle entretient des rapports de bonne camaraderie avec le fils d’un ancien soupirant d’Inès, Gaston Lachaille, directeur d’une fabrique de sucre et séducteur réputé. Mais, lorsque Gaston tombe amoureux d’elle, la maturité et l’esprit décidé de Gigi se révèlent. Elle refuse de n’être qu’une nouvelle conquête pour le jeune homme et repousse ses avances, au grand désespoir de sa famille. Jusqu’à ce que l’affection de Gigi pour Gaston reprenne le dessus et que celui-ci demande sa main.

Monter « Gigi » en 2013, c’est d’abord donné à entendre la langue concise et poétique de cet écrivain majeur du XXe siècle. « Au lieu de se marier déjà, il arrive que l’on se marie…enfin ! » Féministe de fait, elle raconte avec ce personnage de Gilberte, dite Gigi, jeune parisienne de quinze ans entourée de demi-mondaines, toute une époque où l’on formait des demi-mondaines, croqueuses de diamants pour le bon plaisir de leurs heureux « mécènes », des rentiers oisifs.  Délicieuse Gigi, fille et petite fille de cocotte, dont le destin est tout tracé mais qui, comme toutes les jeunes filles, va se révolter pour prendre une autre voie : celle contre toute attente, de l’Amour… La pièce renouvelle le genre du boulevard avec esprit et subtilité. Les actrices y sont pétillantes, surtout la grande-tante (Axelle Abbadie) chargée de l’éducation de la sauvageonne et de son entrée dans le Monde. Coline d’Inca - découverte dans « Plus belle la vie » -, se glisse plutôt bien, après Audrey Hepburn ou encore Leslie Caron au cinéma, dans le rôle de l’effrontée, comme Gaston - le comédien Yannick Debain, alias Philippe Daubigné dans le feuilleton « La Philo selon Philippe  » -, le « tonton » de cette si fraiche et  spontanée  jeune fille. La mise en scène et les décors, très classiques, laissent la vedette au texte qui penche du côté de Guitry ou d’Oscar Wilde.

                                                                                                                                                                                                                J. D.


17 mars, 2013

« La Conversation » de Jean d’Ormesson ; « Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 10:19

Jean d’Ormesson, La Conversation, Théâtre Hébertot, 2 octobre 2012 – 30 avril 2013

« La Conversation », c’est la première pièce de Jean d’Ormession, actuellement en prolongation jusqu’au 30 avril 2013, au Théâtre Hébertot, à Paris (XVIIe), dans laquelle deux grands comédiens s’affrontent sur scène. Maxime d’Aboville, jeune talent déjà nominé, qui campe un Bonaparte aux gestes trempés de résolution, face à un Alain Pochet (Cambacérès) à l’écoute subtile et admirative, pour ainsi dire conquise.

Jean d’Ormesson prend ainsi le parti de raconter l’instant où Bonaparte, adulé par les Français qu’il a tirés de l’abîme, décide de devenir empereur. Une conversation imaginaire entre Bonaparte et son deuxième consul, Jean-Jacques Régis de Cambacérès, celui à qui il ne cache rien et demande tout, un soir de l’hiver 1803-1804, aux Tuileries. Au comble de la tension entre l’esprit révolutionnaire et l’avidité de puissance, le vainqueur d’Arcole tente de rallier son complice à ses convictions. Une seule volonté anime le héros républicain : bâtir sa légende de son vivant. L’empire, va-t-il démontrer avec éloquence, c’est la république qui monte sur le trône.

Les deux comédiens font résonner sur le plateau le souffle de cette épopée politique, délivrant une adaptation résolument inscrite dans la tradition du théâtre de verbe. A l’instar d’un Sacha Guitry, l’art du jeu théâtral se présente, ici, comme un art du plaidoyer servant les points de vues des personnages, et Jean d’Ormesson accomplit avec talent ses premiers pas d’auteur dramatique, dans la veine du « Souper » de Jean-Claude Brisville, sans se perdre dans le documentaire éducatif. Portée par une excellente interprétation, ainsi que par la mise en scène de Jean-Laurent Silvi, classique et élégante, cette pièce est captivante.

                                                                                                                                 J. D.

 

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Théâtre de l’Oeuvre, 6 décembre 2012 – 24 mars 2013

Sur la scène du théâtre de l’Oeuvre, à Paris, Nicolas Massadau adapte le chef d’œuvre dérangeant de la littérature française publié en 1932, et Jean-François Balmer s’empare de la langue inventive de l’iconoclaste Céline, sous la houlette de Françoise Petit. Les temps forts du périple de Bardamu sont ainsi retracés, de son engagement en 1914 à l’exercice de son métier de médecin dans un dispensaire de banlieue, en passant par la découverte de New-York et son séjour en Afrique. 

Dans cette adaptation inspirée, Jean-François Balmer réussit ainsi une composition prodigieuse, prouvant ses talents de conteur. Dans le sillage du célèbre Fabrice Luchini, seul en scène, l’acteur suisse interprète le personnage de Bardamu en lui prêtant sa gouaille, sa générosité et nous entraîne à la rencontre des multiples protagonistes du roman.  Il se moule dans ce personnage prisonnier de sa peur, enchaîne les péripéties, voix cassée, regard halluciné. Durant 1 h 35, ce comédien prodigieux épouse le rythme, la musicalité, et la vitesse du verbe célinien, avec maestria. A découvrir…

                                                                                                                                     J. D.

 

 

 

 

 


28 juin, 2012

Adieu Berthe, l’enterrement de mémé (actuellement au cinéma)

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 22:13

Adieu Berthe, l'enterrement de mémé (actuellement au cinéma) dans Culture

Des acteurs éprouvés et un scénario un peu lâche mais sympathique : voilà l’impression que l’on a après avoir regardé Adieu Berthe, un film de Bruno Podalydès. De quoi s’agit-il ? Des amours d’Armand et la mort de Berthe, sa grand-mère, mis en scène avec un cynisme bon-enfant – même s’il devient lassant à la longue – et servis par des acteurs de talent et des dialogues amusants. Valérie Lemercier et Podalydès forment un duo que les spectateurs ont apprécié dans Palais Royal et qu’ils retrouveront avec plaisir.

Armand (Bruno Podalydès) est un quadra pharmacien bonhomme qui, entre sa femme Hélène (Isabelle Candelier) et Alix, sa maîtresse, (Valérie Lemercier), habite une banlieue pouponne de Paris. Mais il doute, le pauvre bougre, il ne sait comment quitter sa femme qu’il aime, enfin, qu’il aime bien – et, en attendant, il voit sa maîtresse en cachette. Le scénario n’est évidemment pas sans rappeler le vaudeville et ses ingrédients. Il y a la femme et la maîtresse entre lesquelles Armand, l’homme-enfant, se débat ; il y a également le soupirant de sa femme, le directeur des pompes funèbres, et enfin sa difficile belle-mère, surnommée par ses soins « la mère sup ». Armand vit ses amours comme il peut, à coup de texto dans les toilettes, comme un adolescent qui aurait peur de se faire prendre, jusqu’au dénouement final où – horreur ! – il se fait surprendre, au matin, dans la chambre de la grand-mère morte où il avait passé la nuit avec sa maîtresse. Encore une fois, l’intrigue est un peu lâche, mais les personnages, mari faible mais gentil, amante hystérique mais un peu perdue, belle-mère snob, restent attachants tout au long du film.

Une touche de cynisme bon-enfant aide le film à prendre un peu d’épaisseur. La façon dont la mort de la grand-mère d’Armand est traitée fait sourire. La mort devient un sujet de dérision, avec les deux croque-morts qui se disputent, en quelque sorte, le cadavre. Il y a d’un côté le croque-mort cool et sans vergogne (Denis Podalydès) qui parle de ses clients et des pompes funèbres comme de rien, et il  y a le croque-mort cérémonieux et fantasque (Michel Vuillermoz), maître des ambiances mortuaires lunaires jusqu’au ridicule, qui fait la cour à la belle-mère tout en lorgnant sa fille. Cynisme et fantaisie, donc, mais l’absence d’un scénario suivi manque là encore et le film a tendance à se diluer.

Quelques questions plus graves transparaissent pourtant : la question de la paternité par exemple, lorsque le fils d’Armand jette sur son père et ses aventures hors de saison un regard quelque peu pitoyable. Il y a bien sûr aussi celle de l’amour, mais on reste déçu par le dénouement inachevé : Armand obtient le pardon de sa femme qui l’aime et qu’il aime, mais au final, il disparaît à la fin du film, après avoir dispersé les cendres de sa grand-mère en présence de sa maîtresse dont on ne sait si elle-même va rejoindre son propre mari qui finalement lui manque. Les personnages sont fuyants et du coup, le film le devient aussi. De la même façon, le thème de la magie et de l’illusion est convoqué – Armand est un peu magicien et sa grand-mère aima en son temps un fameux illusionniste – mais on peine à l’intégrer vraiment dans la trame du scénario et il apparaît comme un prétexte fantaisiste de plus qu’on aurait aimé voir investi d’un symbole, d’une poésie.

Alors quoi ? Un film touchant et un peu bancal, des acteurs de talent, du charme dans les personnages, les réparties et dans maints détails – mais il manque ce qui fait qu’un film perdure : le souffle de l’intrigue et par-delà les merveilleuses fantaisies, une profondeur humaine qui les lie entre elles.

                                                                                                                                                             Christian

Le prénom

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 21:46

Le rire est-il risqué ? A priori, non, bien sûr, c’est le propre de l’homme… Mais lorsqu’une plaisanterie bon-enfant déclenche, au sein d’un dîner amical et familial, une avalanche de déclarations beaucoup moins agréables qui font rire jaune, ou qui ne font plus rire du tout, on obtient une comédie désopilante.

Le Prénom est de ces films. Alexandre de La Patellière et Mathieu Delaporte adaptent au cinéma leur pièce du même nom, un huis clos, ou peu s’en faut, où l’intrigue, fondée avant tout sur le langage et sur un jeu de révélations, se réduit à sa plus simple expression. Le comique du film repose d’abord sur une pointe de satire qui tisse le portrait de personnages bien campés, avec leurs petits défauts trop humains.

Vincent (Patrick Bruel), agent immobilier quarantenaire, bon vivant, sans vergogne et un peu macho, est marié à Anna (Judith El Zein), une femme de tête qui sait ce qu’elle veut et qui attend un enfant, un fils semble-t-il. Vincent arrive un soir chez Elisabeth (Françoise Fabian) – la mère de famille un peu pénible, qui cherche à bien faire mais qui finira par péter les plombs – et son mari Pierre (Charles Berling), l’universitaire lettreux. Tous deux habitent un appartement vaste et un tantinet vieillot du IXème arrondissement de Paris où se rend également Claude (Guillaume de Tonquédec), l’ami et confident de madame, tromboniste et gentil garçon, qui cache peut-être un secret sous un air brave et innocent –  et voilà un dîner amical et familial en perspective.

La satire se double alors d’un comique fondé sur le quiproquo et le sens brillant de la répartie entre les personnages. Vincent, qui a le goût de la bonne blague, fait croire à son beau-frère qu’il va appeler son fils « Adolphe », mais Adolphe avec un « ph », pas avec un « f », donc pas de panique. Mais il n’en faut pas plus pour provoquer l’indignation écriée des uns et des autres, pour les raisons qu’on devine. C’est une boutade, bien sûr, mais lorsque débarque Anna, la future et heureuse maman, elle a droit à une mise au point énergique qu’elle ne comprend pas. Et c’est le début rocambolesque d’une dispute qui rebondit habilement de révélations en révélations qui n’ont rien moins que d’agressif. On peut regretter que les acteurs cèdent à la facilité de toujours crier pour susciter le rire, cela dit, force est de constater qu’ils incarnent leur rôle de façon convaincante. On apprend ainsi que les prénoms des enfants des hôtes – Appolin et Myrtille – ne sont pas moins ridicules, que Vincent le beau gosse est l’égoïsme en personne, que Pierre l’intello est un pingre fini qui délaisse sa femme, et que, pour couronner le tout, Claude le gentil tromboniste – surnommé en cachette Prune parce qu’il est évidemment homosexuel – n’est pas tant que ça homosexuel, puisque, trois bémols à la clé, il est l’amant de la mère de Vincent et d’Elisabeth. Rien ne va plus. Le spectateur comme les personnages, de quiproquos en révélations, se mettent à penser à un pire qui se trouve souvent déjoué et l’action se poursuit ainsi tout du long, mêlant un art tout théâtral du dialogue et du bon mot à une désopilante levée des masques.

Mais elle reste inquiétante, quelque peu, cette progressive apparition de ce que pensent les uns des autres. A la satire des personnages s’ajoute une satire des rapports humains où les compliments convenus, souvent imposés la politesse, frisent finalement une bienséance un tantinet hypocrite qui vole en morceaux lorsque les apparences et la réalité se trouve, un instant, inversées. C’est au final la leçon du Prénom : la plaisanterie, ce mensonge qui se voulait innocent, fait apparaître un autre faux-semblant, celui des relations sociales, dont tout le monde était victime et qui détruit l’harmonie vaguement factice qui règne dans les familles, les amitiés, les amours… Mais, Dieu merci, il en fallait plus pour que tout cela se termine mal : tout ce petit monde s’aime bien dans le fond et après les diatribes qui n’épargnent personne, la naissance du petit garçon met tout le monde d’accord – petit garçon qui, soit dit en passant, se trouvera être une petite fille… Voilà la responsable finalement, ce bébé qui n’a pas dit son nom. Ni Henri, et encore moins Adolphe, elle s’appellera Françoise.

                                                                                                                                                                       Christian

 

 

28 mai, 2012

« Sur mesure », avec Bernard Mabille – Théâtre Saint-Georges

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 23:53

« Sur mesure », avec Bernard Mabille - Théâtre Saint-Georges dans Culture 7725826147_sur-mesure-bernard-mabille

Bernard Mabille, Sur Mesure, Théâtre Saint-Georges, 13 décembre 2011 – 6 mai 2012

« Sur Mesure », c’est le dernier spectacle en solo de Bernard Mabille, en représentation du 13 décembre 2011 au 6 mai dernier, au théâtre Saint-Georges, à la représentation traditionnellement éclectique, accueillant un registre de spectacles, relevant essentiellement de la comédie ou du spectacle de boulevard. Tailleur de costards depuis 1976, parolier-auteur de Thierry Le Luron, Bernard Mabille brocarda à l’époque, avec talent (se focalisant essentiellement sur la vie politique), les rivalités entre Giscard et Mitterrand, sans oublier les crises de nerfs de Georges Marchais.

Du journalisme écrit au web, en passant par la radio (RTL), célèbre pour son sens de la formule assassine, ses réparties et son humour ravageur, Mabille sera longtemps resté dans les coulisses. Après son adaptation de l’oeuvre de Frédéric Dard, en 2001, au Théâtre Marigny (« Les Libres pensées de San Antonio »),  il se découvre ainsi en homme de scène à une nouvelle reprise, dans ce talentueux numéro en solo, et surtout profitant du vent des présidentielles, pour tailler des costards « Sur mesure ». De Sarkozy à DSK, en passant par Hollande, Ségolène Royal, Montebourg, DSK, mais aussi Bolloré, Eva Joly, Delanoë, les vélib’ et les autolib’, rien ne lui échappe, tout y passe, durant deux heures de spectacle, servis par un certain talent, et un sens de la dérision pour le moins abrasif, mais truculent et efficace…

                                                                                                                      J. D.

Image de prévisualisation YouTube Image de prévisualisation YouTube

15 avril, 2012

Les adieux à la Reine

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 16:58

Les Adieux à la reine

« Les Adieux à la Reine », c’est le dernier film de Benoît Jacquot - s’inspirant du roman bien documenté, de Chantal Thomas - sur le Versailles du 13 au 17 juillet 1789, continuant à vivre dans l’insouciance et la désinvolture, loin du tumulte grondant à Paris, et le basculement des jours suivant la prise de la Bastille. Et c’est tout d’abord une séduisante manière de contempler la fin du siècle, celle d’un régime, d’un monde clos, le château de Versailles, la cour et l’arrière-cour de Louis XVI, dans une sorte d’unité de lieu.

Le spectateur suit ainsi la trajectoire de Sidonie (Léa Seydoux), simple lectrice de la Reine - personnage fictif, au demeurant -, mais réussi, en ce qu’il focalise sur Marie-Antoinette (Diane Kruger), ce regard de pure fascination, une forme d’amour dévot, entre érotisation, sacralisation. Bouffie de sommeil et dévorée de moustiques, dans une mansarde du château de Versailles, du haut de ses vingt ans à peine, à l’aube du 14 juillet 1789, Sidonie est aussi sûrement engoncée dans ses certitudes et sa soumission que sa maîtresse, Marie-Antoinette, peut l’être dans ses toilettes de cérémonie. Dans ce scénario, la jeune lectrice passe souvent d’un état à l’autre, et les 1ères séquences décrivent bien, le microcosme versaillais dans lequel les jeunes suivantes (également représentées par les comédiennes Lolita Chammah, Julie-Marie Parmentier), telle une caste inférieure à laquelle appartient Sidonie, se préoccupent d’abord de se trouver un protecteur, éventuellement un mari. Elle veut croire, qu’elle est indispensable au bonheur de la souveraine de France, au travers ses mots aimables, qu’elle lui dispense.

Mais Sidonie écrase également, en jeune fille bien éduquée, ses compagnes de sa chasteté affichée souffrant peu d’impasses, et de son savoir, sa position de lectrice, et à son tour, écrasée par les dames de compagnie de la Reine (Dominique Reymond, Anne Benoît, Noémie Lvovsky), ces femmes chargées les unes des distractions, les autres des tenues. Le réalisateur prend son temps de les montrer, dans leur habitat naturel, la cour, avec ses rituels pesant, ses querelles s’y inscrivant, dans un déroutant huit clos. Jacquot prend ainsi plaisir à disséminer les signes d’un mal intérieur, pire que les révolutionnaires, venant attaquer Versailles, le grand canal, le marais infesté de rats et de moustiques, la saleté ambiante, la galerie des glaces, les courtisans agglutinés dans des couloirs lubugres. Quelques moments comiques nous sont apportés, mais aussi révélateurs de la nature humaine, la dureté des moeurs, la pauvreté et le manque d’égard, desservie par l’endettement, entre luxe et pourriture intérieure.

Arrive alors la nouvelle de la prise de la Bastille, rapportée par un valet, comme au théâtre, et la comédie de gynécée vole en éclats, un très beau plan-séquence suivant la course incertaine de Sidonie dans les couloirs sombres des étages du château. Accompagnée d’un vieil historien (Michel Robin, émouvant de désespoir incrédule), la suivante tente de déchiffrer les bribes de nouvelles à la lueur incertaine des bougies, et la mobilité de la caméra, la pénombre baignant la scène ne font que rendre compte de la panique grandissante. Mais ce sont aussi des expressions cinématographiques modernes, qui ne trouvent généralement pas leur place dans les films historiques. On se réveille ainsi, un matin, sans savoir que le soir venu, le peuple aura changé au point d’en être méconnaissable. Bien que ce ne soit pas pour autant, que les êtres qui le peuplent, auront eux-mêmes changé.  

Parallèlement, Sidonie devient, à son corps défendant, l’instrument d’une querelle amoureuse entre Marie-Antoinette et sa favorite, Gabrielle de Polignac (Virginie Ledoyen). Eperdue d’amour et d’inquiétude, la Reine n’en tente pas moins d’y aller de son influence – particulièrement négative -, souhaitant encore écraser la révolte parisienne. Diane Kruger se tire avec une certaine élégance – tout en prenant l’accent autrichien -, de cette accumulation de contradictions, et cela objectivement parlant (prouvant là, qu’elle est une comédienne plausible, dans différents rôles). Dans une atmosphère de chaos réel, les masques tombent, les 15, 16 et 17 juillet, les accompagnatrices n’épargnant plus leur maîtresse, dans les coulisses, mais cette même ambivalence prenant sur la relation entre Sidonie et Marie-Antoinette. L’accélération du cours dérègle tout l’ordonnancement de la cour, la pauvre Sidonie, grisée par l’accès à l’intimité, ne finissant par ne plus distinguer l’irréel du réel, ce qui reste le motif central de ce beau film. Aristocrates aggripés à leur dignité, et dames de compagnie, à l’image de Dominique Reymond (en prédatrice prête à tous les pillages), ils sont tous là, bien dépeints.

Jusqu’à la chute finale, et la fuite en berline - déguisée des pieds à la tête - vers la Suisse, en compagnie du couple Polignac. A cet égard, le départ de Sidonie, cet adieu à la Reine est aussi un adieu à une foi réelle, le simple constat d’un monde, qui s’est dissolu. Benoit Jacquot nous fait découvrir un monde à part, avec ses décors, ses références, son personnel, ses courtisans, dans un film à costumes, empreint d’un certain académisme cinématographique, superficiel, pour jouer avec les illusions, comme Marie-Antoinette, avec ses favorites.

                                                                                                                               J. D.

7 janvier, 2012

« Intouchables », de Olivier Nakache et Eric Toledano

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 14:49

Avec François Cluzet, Omar Sy

Comme des dizaines de milliers de spectateurs, je suis allé découvrir récemment -sur le tard- le film « Intouchables » d’Eric Toledano et Olivier Nakache, pour poursuivre disons, sur une tonalité culturelle, cette fois-ci en se focalisant sur le septième art.

Cependant, à l’image d’autres auteurs de portails identiques au nôtre, j’avoue pour m’exprimer avec franchise -sans aucune prétention, ne prétendant nullement m’élever au rang de critique de cinéma, à la hauteur du talentueux Henri Chapier ou de la sémillante et caustique Elisabeth Quin-, difficilement comprendre, pourquoi les médias, dans leur globalité (!), encensent ainsi ce film, sans contre-partie, ni demi-mesure aucune (ce qui n’est pas sans soulever certaines problématiques). Et j’avoue ainsi, que les critiques totalement di-thy-ram-biques dont nous auront abreuvé les médias -presse écrite, radio-TV-, au sujet de cette comédie française, ont effectivement, moi aussi, fini par me convaincre d’aller passer deux heures, en compagnie du duo interprété par François Cluzet et Omar Sy. En effet, ma critique du scénario est acerbe, mais je ne vais pas y aller par quatre chemins, moi également et comme nombre d’autres spectateurs, « ce film ne m’a pas seulement déçu, il m’a exaspéré ». Il est vrai qu’avec le recul, je me dis que j’aurai aussi dû me méfier. « Tant de critiques unanimes auraient dû me mettre la puce à l’oreille ».

Il est certain que que les réels chefs d’oeuvre, par leur originalité, leur parti-pris et souvent leurs propos, sont inaptes par définition à remporter l’adhésion générale des critiques. Il est souvent établi que quand « Le Parisien », « Paris-Match », « le Figaro » ou « le Nouvel Obs » encensent un film, cela s’assimile finalement presque à une contre-publicité faite à ce long-métrage ! Tout d’abord, quelques mots sur les deux acteurs, portant cette histoire. En effet, Cluzet est plutôt bon, « bien qu’un peu outrancier » dans son -difficile- rôle de riche aristocrate handicapé. Le personnage central du petit gars de banlieue, dans une France de surcroît, gravement « malade de ses banlieues », bien que talentueusement interprété, verse malheureusement dans le cliché -à cause du scénario, bien écrit mais versant à dessein, dans l’outrancier- peut-être le plus marqué dans le cinéma français des cinq dernières années (m’autorisant avec humilité cette critique, appréciant les comédies françaises). Et ce qui est dommageable, car le comédien semble, en effet, « véritablement offrir une meilleure prestation aux spectateurs », et on le découvrira certainement dans de prochaines comédies, dramatiques ou non. Car Omar Sy y révèle un réel talent d’humoriste et de comédien, assez complet -à l’image de la scène de la danse, certainement difficile à interpréter-, et propre à renverser les situations.

« Intouchables », c’est un petit film, une petite comédie française de crise, ménageant la chèvre et le chou, au travers de deux archétypes de milieux sociaux, supposés irréconciliables. La parabole est ainsi présentée, limpide mais aussi « hypocrite comme une recette » à réaliser un bon film culte, celle de l’aveugle et du paralytique. Prenez ainsi un pauvre d’aujourd’hui, cumulant des difficultés lourdes -d’ordre social et sociétal-, et mettez-le en présence d’un méchant riche, devenu gentil cependant, à force d’être ostracisé par la société, dans une problématique liée à son handicap, pour le moins inconvenant. Le premier devient le confident du second, et tous deux apprennent à s’évaluer, se respecter, voire à s’apprécier, à s’attacher l’un à l’autre, s’initiant mutuellement aux sept pêchers capitaux, dans une camaraderie circonstanciée. A l’exception du fait, que les deux personnages sont les archétypes de deux milieux, disons opposés, qui n’auraient jamais du être appelés à se rencontrer (« même si c’est arrivé, dit-on, une fois, une seule, dans la vraie vie »), avec d’un côté un loulou de banlieue, couleur ébène, de bonne composition, plein de bon sens, sympathique, un peu voleur, un peu traficant comme nombre de ses corelégionnaires -bien que réunissant indubitablement, des circonstances atténuantes-, un peu naïf, se satisfaisant de dormir dans des draps de soie, mais aussi bon danseur comme tous les noirs (les clichés sont là). Et de l’autre côté, « un riche, belle gueule, famille d’aristocrates, grandes études » (Sciences-po, naturellement), réussite, grosse fortune, « hôtel particulier grouillant de serviteurs heureux et zélés d’être exploités par milliardaire si gentil, aimable et attentionné ». Et voilà la trouvaille : le héros, bourgeois bon chic-bon genre, patron autoritaire, est devenu « tétraplégique », et humain du même coup, suite à un dramatique accident. La trétraplégie étant pour l’histoire et le scénario, une lésion grave et sérieuse de la moelle épinière, causée par une chute ou un choc anormal et accidentel, s’accompagnant d’une absence totale ou partielle de motricité et de sensibilité.

Omar Sy, le grand et beau comédien, d’origine sénégalaise (interprétant sa propre caricature, sous forme de duo, dans une émission comique à succès sur le petit écran, la chaîne Canal +), a beau réalisé des prouesses d’acteur : chanter, danser, conduire. Il rit et roule des yeux comme un blanc s’entendrait à voir rire et s’étonner un noir, dans une caricature tirée d’un sketch à la Michel Leeb. Et au bout du compte, il ne parvient pas à décoller de lui, cette image d’Oncle Ben’s sur les paquets de riz, ou de tirailleur sénégalais « Y’a bon ! » sur les boîtes de cacao Banania, s’enfermant dans un mécanisme stéréotypaire inversé… Le jeune de banlieue, issu de l’immigration -et en voie de réinsertion, après des erreurs de jeunesse-, finit par tomber dans les clichés, engendrés d’ailleurs par l’idéologie anti-raciste des années 80, à la Julien Dray et à la « Touche pas à mon pote », dans un scénario à l’envers. Quant à François Cluzet, engoncé dans son fauteuil roulant, il livre une étonnante interprétation, dans un rôle particulièrement difficile à interpréter. Mais desservi par la tournure scénaristique, le poussant -du moins, c’est mon point de vue et c’est ainsi, que je l’ai ressenti-, à en faire trop, tête et épaule sans cesse en mouvement, au lieu d’adopter la raideur et le détachement élégant d’un Eric Von Stroheim, dans  « La Grande Illusion ». Certes, c’est une autre école scénaristique, mais en tout cas, des rôles de tétraplégiques ont déjà été interprétés, dans l’histoire du cinéma français. François Cluzet l’interprète avec brio, certainement servi par une talentueuse direction d’acteur, mais enfermé malgré lui dans le carcan de cette école scénaristique, guère talentueuse, du moins de mon point de vue. Une école de jeunes réalisateurs, qui emprunte trop, à des fins d’efficacité commerciale, aux articulations comiques du cinéma américain, hollywoodien, dans un scénario comparable au film « Rain Man » (avec Dustin Hoffman et Tom Cruise), sorti en 1988 et premier film consacré au thème de l’autisme. Mais attention, j’entends déjà les cris d’orfraie ! 

Certes, ce scénario est tiré d’une histoire vraie et vécue, ayant d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire en 2003, « A la vie, à la mort », relayé par le petit écran, et dont on a récupéré la thématique, pour faire une bonne petite comédie à succès. A l’évidence, tel l’établit un auteur -sur le portail lepost.fr-, que je me permets de citer en référence, « les stylos des scénaristes ont dessiné des personnages trop caricaturaux, trop formatés pour que l’intrigue soit intéressante à suivre ». Le scénario est trop appuyé et « les nombreux effets comiques et scénaristiques calibrés pour faire rire à tout prix » trahissant « une recherche quasi maladie d’efficacité », nuisant à la sincérité de ce long métrage. D’ailleurs, il est certain, que le manque de sincérité de ce film est d’autant plus saisissant, qu’il est inspiré d’une histoire vraie. Mais ceux qui ont vu le documentaire original, penseront certainement comme nous, que « l’original était beaucoup plus fort » que la copie. La faiblesse scénaristique -de mon point de vue-, réside effectivement dans le fait, que dans ce film « tout est prémâché, prédigéré et au final », l’impression délivrée est d’être placée en face d’un scénario, « qui vous interdit de penser et de réagir par vous-mêmes ». D’où un sentiment d’être « pris au piège », qui est particulièrement agaçant. Comme si de grands panneaux fléchés, à la Tex Avery, guidaient nos émotions, ne leur laissant aucune liberté, ni aucune chance de s’émanciper de ce parcours obligatoire. C’est d’ailleurs, je suis de cet avis, un téléfilm plus qu’un film, manquant cruellement « de finesse » et ne valant rien de plus, qu’une des productions TF1, dont « dès la première minute », « le jeu des acteurs et le traitement de l’intrigue semblent indigents ».

Comment des critiques, qui se nomment comme tels, « ont-ils pu adorer avec une telle unanimité ce long métrage ? »  Un tel engouement laisse perplexe et sans voix… Et nous nous retrouvons, au bout du compte, dans le même camp que les gratte-papier de « Télérama » et des « Inrocks », qui ont eux aussi détesté ce long métrage. Enfin, pour être totalement honnête, il convient d’indiquer que sur un panel de sept spectateurs, ayant découvert « ce chef-d’oeuvre », « trois l’ont trouvé très bon » (« le meilleur film de l’année »), deux l’ont trouvé plutôt divertissant, et deux en sont sortis fortement déçus, ce qui fait toujours qu’environ 35 % de spectateurs conquis, et 65 % qui ne l’ont pas complètement été. Le cinéma est et a toujours été commercial, « Qu’est-ce que c’est que le cinéma, pour vous, si ce n’est pas commercial ? », comme l’a confié, un jour, Lino Ventura à un journaliste, l’interrogeant sur les « nanars » à la Delon-Belmondo, dans les années 1970. Mais un petit peu d’éclectisme dans le travail des critiques de cinéma, ne serait pas contre-productif. Après tout la France est la patrie du cinéma et il est dommageable que la presse d’information -particulièrement interdépendante-, perde ainsi, de sa liberté de ton et d’esprit, face au congloméral des grandes machines de production et de distribution cinématographiques, tels que Gaumont, UGC, MK2 Productions ou encore Pathé…

Nous sommes dans la patrie des réalisateurs-metteurs en scène, dialoguistes, de Sacha Guitry à Louis Malle, en passant par Duvivier, Renoir, Pagnol, Fernandel, Melville, Truffaut, Chabrol, Fresnay, Audiard, Godard, jusqu’à Rohmer. Les films sont des objets culturels issus d’une culture spécifique, dont ils sont le reflet. Leur diffusion est potentiellement universelle, grâce au développement de techniques ayant permis un rayonnement mondial des films, par le sous-titrage ou le doublage des dialogues (ainsi que par leur mise à disposition dans des formats domestiques, les fameux DVD). Ils sont susceptibles de devenir de purs produits commerciaux -même s’ils ont toujours été, dans une certaine mesure-, dans une logique mercantiliste à l’anglo-saxonne, si l’on peut dire. Au sens où les sommes drainées par cette industrie peuvent être colossales, malgré les coûts de production, eu égard au nombre potentiel de spectateurs payant, mais également au détriment d’un certain éclectisme…                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              J. D.

« Diplomatie » de Cyril Gély – Théâtre de la Madeline

Classé dans : Culture,theatre et 7e art — llanterne @ 6:19

Cyril Gély, Diplomatie, Théâtre de la Madeleine, 1er octobre – 31 décembre 2011

« Diplomatie » , c’est la dernière pièce de Cyril Gély, en prolongation du 1er octobre au 31 décembre 2011, au Théâtre de la Madeleine, dans laquelle deux grands comédiens s’affrontent sur scène. D’un côté, le comédien André Dussolier, qui outre sa grande carrière cinématographique, s’est assez largement illustré dans le milieu théâtral, où il fit aussi ses premières armes. Et en face, Niels Arestrup, ayant lui aussi une importante carrière cinématographique et théâtrale, derrière lui.

Cyril Gély prend ainsi le parti de raconter, avant l’aube du 25 août 1944, la rencontre hypothétique entre le général Dietrich Von Choltitz -Niels Arestrup- et le consul général de Suède Raoul Nordling -André Dussolier-, à l’Hôtel Meurice à Paris. Reprenant le thème soulevé par le roman éponyme de Larry Collins et Dominique Lapierre, la pièce dévoile ainsi, dans un déroutant huit-clos, le processus ayant amené ce général -à la loyauté sans borne-, à désobéir à l’ordre d’Hitler de brûler Paris. Même si la chronologie des évènements n’est pas respectée précisément -notamment la rencontre aussi tardive entre les deux personnages-, tenant à l’imagination de l’auteur, les arguments avancés sont largement tirés des mémoires de Von Choltitz.

La pièce peut ainsi se lire, tel un dialogue interne, dont les articulations sont essentiellement servies par le talent d’acteur de Niels Arestrup, et la réplique savoureuse d’André Dussolier. Ses premiers pas, ce dernier -ex-lauréat du Conservatoire de Paris-, les réalise en 1972, dans « la Grande muraille » de Max Frish. Ayant interprété tous les registres, le comique comme le tragique, cinq ans après « La Chèvre ou qui est Sylvia ? » d’Edward Albee, au Théâtre de la Madeleine, il remonte sur les mêmes planches, face à Niels Arestrup, qui n’a nul besoin de prouver ses qualités de comédien, aux vues de ses nombreuses prestations et nominations aux Molière. Dans une pièce à l’intrigue bien menée -bien que lente dans son développement-, relevant d’une certaine gageure scénaristique.

                                                                                                                            J. D.

12

Demandeur d'emploi |
OKL-GOLP'S CENTER |
Interdit bancaire? Enfin le... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | homosexualiteethomoparentalite
| misoprostolfr
| paroxetinefr