En début de semaine, la crise politique a pris un tour beaucoup plus grave. A cette aune, l’exécutif promet un texte sur la moralisation de la vie politique après les aveux dévastateurs de Jérôme Cahuzac. Mais cela dit, il y a urgence pour François Hollande lui-même, puisque après onze mois à l’Elysée, le président touche le fond dans les sondages. Il est plus bas que François Mitterrand à la fin de ses deux mandats.
Comme l’observe M. Zemmour, pendant toute la campagne présidentielle, François Hollande imitait, singeait François Mitterrand avec une étonnante ressemblance de la voix, de la posture, des mimiques, des expressions. Hollande combattait la finance en 2012, quand Mitterrand dénonçait l’argent en 1981. Et depuis qu’il est entré à l’Elysée, l’imitation tourne à l’exaltation. Comme Mitterrand l’avait fait après Giscard, Hollande s’est efforcé de redonner une dignité à la fonction - autour de sa présidence normale -, que leurs deux prédécesseurs de droite avaient voulu désacralisé, décontracté. Dès son intronisation, Mitterrand avait distribué quelques sucettes sociales : retraite à soixante ans, hausse du SMIC, embauche de fonctionnaires. Hollande aussi. Puis en 83, il a opéré son grand virage de la rigueur, au nom de l’Europe. Hollande aussi. Avec son projet sur l’enseignement privé en 1984 et la loi Devaquet, Mitterrand a mis un million de personnes dans la rue. Hollande s’en approche dangereusement, avec le mariage dit pour tous.
Après la réélection de 88, l’ère Mitterrand sombrait dans les affaires et l’argent. Avec Cahuzac, Hollande l’imite encore. Mitterrand avait Patrice Pelat, son ami richissime aux affaires louches. On a découvert pour Hollande, Jean-Jacques Augier, vieux copain de la promotion Voltaire, trésorier de sa campagne et amateur de paradis fiscaux. Comme son maître à penser avait multiplié les lois de moralisation de financement de la vie politique - mesures parachevées par Chirac, sous son 1er mandat -, Hollande s’apprête donc à nous présenter ses grands projets de loi, sur la transparence et la moralisation de la vie politique. Le président Hollande a un temps présidentiel, qui n’est pas le temps de la crise, mais il l’exprime mal. A chaque fois qu’il prend la parole, on a l’impression qu’il tergiverse, qu’il ne sait pas décider. Il est dans un temps mitterrandien, il faut laisser la crise passée, laisser du temps au temps. L’Elysée considère que la crise n’est pas terminée. Hollande fait tout comme Mitterrand, mais en plus petit, en plus médiocre. Question de talent, de culture, d’époque. Mais seulement, en un an, Hollande a déjà mangé deux septennats de Mitterrand. Ces courbes de popularité sont aussi basses, voire plus basses que celles de Mitterrand en fin de mandat. Et il lui reste encore quatre ans, à tenir. Alors que faire ?
Hollande a crevé tous les planchers dans tous les sondages, n’ayant plus maintenant que 27% des Français qui lui font confiance (ce qui veut dire, on ne le souligne pas assez, que 73% de nos compatriotes ne veulent plus de lui). Outre ce texte sur la moralisation de la vie politique, quelles sont les marges de manoeuvre pour Hollande ? Remaniement ministériel ? Changement de Premier ministre ? Référendum ? Dissolution ? Quel serait le bon coup de théâtre que le président pourrait nous faire pour essayer de sortir par le haut de ce bourbier dans lequel il s’est englué jusqu’au cou ? Un remaniement ministériel ? Rarement dans l’histoire de toutes nos républiques un gouvernement a été aussi fade, aussi transparent. Virer les mauvais élèves, ne ferait plaisir qu’à ceux qui les remplaceraient. Et ceux qui restent, ni bons ni mauvais, les Sapin, Touraine, Le Drian, Le Foll, Lebranchu, tout le monde s’en moque. L’ennui quand on a nommé un gouvernement médiocre, c’est qu’on ne peut même pas pratiquer le jeu des chaises musicales pour amuser la galerie.
Alors changer de Premier ministre ? Personne ne pleurerait Ayrault qui, en quittant sa mairie de Nantes, a dépassé allègrement ses limites. Mais dix mois après l’avoir nommé, ça serait évidemment pour Hollande reconnaître son erreur. Ayrault battrait ainsi le record d’Edith Cresson. Et surtout par qui remplacer Ayrault ? Valls, le moins impopulaire des ministres ? Pas encore prêt, trop ambitieux, trop à « droite » et maintenant sur la sellette avec Pierre Moscovici. Le PS et toute la gauche hurleraient. Martine Aubry ? Elle n’attend que cela depuis des mois, mais Hollande déteste la « mère Tape-dure », comme on la surnomme et ce serait inévitablement la pire capitulation en rase campagne, pour lui et son équipe, avec un inévitable virage à gauche. Certains suggèrent à Hollande de se tourner vers la voie référendaire, en organisant un vote sur le thème de la… moralisation de la vie politique. Mais on sait d’expérience que les Français ne répondent jamais à la question qui leur a été posée, mais profitent de l’occasion pour sanctionner la politique du pouvoir en place.
En France, les référendums ne sont jamais que des plébiscites que l’on gagne ou l’on perd, comme de Gaulle et son référendum sur la décentralisation en 1969. Hollande perdrait à tous les coups. Et d’ailleurs quelles questions poser ? Reste la dissolution, comme on le réclame de Mélenchon à la fille Le Pen, en passant par Bayrou. Tout le monde se remémore celle de Chirac en 1997, quand le pays était bloqué par l’intransigeance du « meilleur d’entre nous », droit dans ses bottes. On a oublié les deux dissolutions de de Gaulle, en 1962, quand l’Assemblée avait renversé le gouvernement de Pompidou et en 1968, après les évènements de mai et sans occulter surtout les deux dissolutions de Mitterrand, en 1981 et 88, quand, élu et réélu, il avait en face de lui une majorité de droite. Ces quatre dissolutions-là s’étaient alors traduites par des raz-de-marée en faveur de ceux qui l’avaient décrétées et une victoire de l’opposition. Ainsi, il ne resterait à Hollande que la cohabitation avec la droite - comme Mitterrand -, pour lui permettre de se refaire une virginité et réélire en 2017. Aussi, il faudrait à Hollande dissoudre l’Assemblée nationale, pour perdre en beauté, selon le modèle indépassable de son autre mentor, Jacques Chirac.
Mais il devra se faire violence, plaquer ses amis, sacrifier son parti, renoncer à sa majorité, rogner, élaguer et noyer, saborder tout ce dont il vient, immoler et offrir les siens à sa sauvegarde… pour imiter Mitterrand, une dernière fois.
J. D.